L'Arkansas est un coin où il fait trop chaud pour mouliner des guitares grasses à fond de dixième en se foutant les cheveux dans tous les sens sur la figure pendant qu'un autre chevelu à l'identique imite des cris de bête, mais l'Arkansas est aussi un coin où n'importe quel bouseux a le droit de s'adonner à la pratique du metal si ça le chante, suffit juste de pas s'enrager plus que ça et ça tient la route à peu près droit. Ça s'appelle le doom metal. Comprenez le metal col du fémur compatible, dont le nouveau Pallbearer, et sa jaquette qui ressemble à la broderie au point de croix d'une mémé gothique, s'affirme comme un digne représentant. Mais peut-être un poil trop.

Non, le doom metal n’est pas qu’une affaire de dépressifs finlandais et la grosse Amérique ne peut s’empêcher de venir la ramener sur le sujet. En France, beaucoup ont découvert Pallbearer un vendredi après-midi sous un chapiteau planté près d’un village en Loire Atlantique, lors du Hellfest cuvée 2013, à l’occasion d’une tournée consécutive à la sortie du premier album du quatuor, l’obligatoirement festivement nommé « Sorrow and extinction » (parce qu’il y a une règle immuable dans le metal, ne jamais intituler quoi que ce soit « Eating pancakes with my best love on a sunday morning »). Des mecs à barbe de sauvageons des forêts en tee-shirt noir qui font mouche à Clisson, pas de quoi fouetter un slameur enflé de houblon. Pourtant ce fut bien l’une des bonnes surprises cette année-là au festival de l’enfer.

Premier album en forme de main de maître et prestation convaincante dans la campagne française, le deuxième album, « Foundations of burden », était attendu au coin du bois lugubre par les grognons dans mon genre qui tètent le doom comme Gérard Depardieu la vodka russe. A peine remis des noirceurs intenses, au sens propre du terme, d’un premier disque aux allures de marche funèbre dopée à la ligne de haute tension, voici que le nouveau Pallbearer débarque enfin. Et si ce n’est toujours pas un truc à faire tourner les serviettes en fin de bodega, on se rend compte dès le morceau d’ouverture, Worlds apart, que l’hiver qui s’annonce sera moins rude que la première fois.

Si le disque n’a rien d’un fardeau comme le suggère son titre, il est bien question de fondations tant Pallbearer semble avoir eu la volonté de proposer un futur classique du genre doom, sans grande surprise ni saveur vraiment révolutionnaire, mais avec le savoir-faire d’un premier de la classe au Gault et Millau. Les ingrédients sont tous là, guitares maussades et rythmes façon glas sonné à la baliste, mais il y a cette fois-ci un coin du feu pas loin pour headbanger mollement au chaud en regardant la pluie tomber dehors, car c’est bien là le fin mot de l’affaire, la façon la plus sensée de parler de cet album est d’aligner les clichés, parce que c’est l’ambiance et on n’y peut pas grand chose.

Les six titres de « Foundations » sont malgré tout bien loin d’avoir à rougir. On monte doucement en terrain connu vers l’imparable The ghost I used to be avant de redescendre vers le bref Ashes, qui commence comme du Sigur Ros, continue un peu comme du Sigur Ros, à tel point qu’on finit par se demander si on ne s’est pas fait pirater l’album par un connard d’islandais ou un, encore lui décidément, adepte de dépressions lapones et les cargaisons de Nightwish qui vont avec. Un morceau qui sonne comme une bougie qui commence à s’éteindre et auquel succède un Vanished qui finit par s’évaporer et nous laisser avec une impression de nuit qui vient de tomber. Classique.

Ce deuxième disque semble semble s’approcher un peu plus de la lumière du jour et présente donc un intérêt moindre que son prédécesseur, mais il ne prendra personne en traître ni à la légère. Un album pour broyer du noir mais dont on finit par sortir d’humeur à faire des bisous, convaincu qu’il n’y a aucune raison de tirer la tronche quand on a la chance d’avoir ce genre de truc à la maison, malgré tout. Finalement, et paradoxalement, ce goût de recette bien apprise est peut-être la qualité principale de ce « Foundations of burden », qui échappe ainsi à la chiée de sous-genres dont est farci le doom metal. C’est juste du doom metal, ça n’a l’air de rien dit comme ça mais c’est déjà une prouesse en soi. Et mine de rien c’est un premier pas vers la canonisation pour Pallbearer.

Pallbearer // Foundations of Burden // Profound Lore Records
https://pallbearer.bandcamp.com/

2 commentaires

  1. Le premier a été intégralement rejoué au Motocultor 2022, un grand moment mais j’aurais préféré qu’ils jouent des morceaux de ce 2ème album ou du dernier, qui sont encore meilleurs. Avec ce groupe je me remets au Doom, un style dont j’ai abusé par le passé mais dont j’avais fini par me lasser (au quotidien). Pallbearer, c’est la relève, ils sont au-dessus du lot, tout simplement.

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