Quelle différence entre le Sunshine of your love de Cream et le premier album de ces Anglais bronzés comme des cordes à linge ? Quarante ans d’insolation sous les projecteurs, le retour à l’anonymat des garçons de plage, et ces gamins qui ont troqué la Gibson contre des synthétiseurs. L’histoire n’est pas nouvelle, le coup des guitares démodées VS les claviers futuristes non plus ; n’empêche, Light & Offerings serait un tee-shirt avec des dauphins fluos placardés dessus que ça ne résumerait pas mieux l’insouciance d’un été en 2011. Entre la crème et les miroirs, faut parfois choisir.

Le disque est rapidement passé du côté conducteur à la plage arrière. Tout d’abord sorti en import puis « officiellement » sur le territoire français – entendre par là distribué à 300 exemplaires dans le cul de sac des FNAC parisiennes – le premier disque des anglais de Mirrors possède encore aujourd’hui des airs de tortue qui peinerait à se frayer un chemin vers la mer.
Si vous êtes arrivé à lire cet article jusqu’à ce deuxième paragraphe, vous aurez déjà compris que le disque vaut tout de même le coup d’être entendu. Pire : d’être écouté plusieurs fois. Comme souvent dans telle situation, la biographie « officielle » n’arrange pas les affaires de cet énième groupe qui ne percera jamais en France :

« Après plusieurs mois de travail pour réaliser leur premier album Lights and Offerings, Mirrors nous livre une électro pop reluisante. Le quatuor de Brighton apparaît comme le digne héritier des incontournables Kraftwerk. La voix grave et lancinante, qui rappellent par moment The Cure, se pose sur des compositions élaborées lorgnant vers une euphorie canalisée et festive. On a affaire à un mix de synthés et de beats electro et de mélodies en perpétuel mouvement. »

Sans vouloir apprendre aux biographes à écrire, on peut toutefois mettre en doute leur capacité à écouter correctement les disques. Passons sur les expressions de techniciens de surface (« le quatuor de Brighton », « électro pop reluisante ») et revenons sur la référence à nos joyeux lurons de Kraftwerk, cités à toutes les sauces quand bien même Mirrors ressemble davantage à un croisement entre Duran Duran, Ultravox et U2. Soit trois groupes anglo-klaxons qu’on ne cite plus guère dans les dîners en ville, de peur de passer pour un gérontophile, un pédé ou un ringard, voire les trois d’un coup. En trame de fond pourtant, on entend le futur qui s’éloigne à dos de synthétiseurs, des nappes et des boîtes à rythmes pour suspendre la chaleur estivale et des harmonies de stade tapotées sur de tout petits claviers certainement achetés sur eBay. Pour en savoir plus sur le talent des bien peignés de chez Mirrors à travestir les tubes de leurs aînés, merci de vous reporter à la notule n°3 intitulée Into the heart, un sympathique plagiat du I still haven’t found what i’m looking for de la bande à Bono. L’été, tout est permis, même le vol à l’étalage.

Revenons à ce premier album et ses « compositions élaborées lorgnant vers une euphorie canalisée et festive » – merci d’appeler la rédaction si vous comprenez cette phrase. L’un de ses atouts majeurs, la raison qui permet d’écrire sans trembler que c’est un parfait disque d’été, c’est l’absolu vide qui se dégage des dix hymnes taillés pour les salons de coiffure en bordure de plage. Un néant, un vortex du sens et rien d’autre que la mélodie pour inciter le corps à vibrer sur trois notes de Casio. Un grand disque d’été, c’est avant tout l’oubli des problèmes et des contingences, Light & Offerings est à la hauteur des non-espérances, creux comme un coquillage, éphémère comme un amour d’été ; c’est tellement beau que ça s’écoute d’une traite, sans avoir à mémoriser le nom des chansons. A la fois moins cérébral – moins chiant – que le dernier disque de Memory Tapes, et plus agréable qu’un trajet sur la Nationale 7 aux heures de pointe, le tout avec des clins d’œil appuyés à une époque révolue – les années 80, what else ? – où Maman dansait comme une autruche sur des tubes de groupes anglais qui portaient très mal la veste à épaulettes.

L’été, c’est l’amnésie. Cet instant rare où tout est permis, ce moment où les visages s’effacent sous la force des coups de soleil. On pourrait citer en vrac les pépites de bords de mer délivrées par James Pants (James Pants, parfait pour une noyade à Malibu) ou Hooray for Earth (True Love, superbe album pour tenter l’apesanteur dans les piscines), on y rajouterait ce premier album de Mirrors et on tiendrait là la triplette magique qui permet d’oublier que septembre n’est pas loin, la crise à nos portes, le retour au travail imminent.

Courant juin, la promo nous envoie un mail : « vous voulez rencontrer les Mirrors ? Ils sont à Paris en concert à la Flèche d’Or ». Pas vraiment motivé, on répond par l’affirmative, avant d’apprendre que le groupe a « trois heures de retard, l’interview ne pourra pas se faire ». Ouf de soulagement. Après tout, la seule différence entre les 60’s et aujourd’hui, c’est qu’on se cogne complet de l’avis du chanteur sur sa propre musique. « Un groupe estival, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Éphémères et à la limite de l’inconsistance, leur mission reste simple : nous faire tout oublier, le temps d’une chanson. Mission réussie pour Mirrors. « Elle est pas mal cette chanson, Write through the night, comment il s’appelle le groupe déjà ? ». A (mia)mi-chemin entre la new-wave et la vague nouvelle qui ne passera pas l’hiver, pas facile d’être beau comme un été indien.

Mirrors // Light and Offerings // Skint (Discograph)
http://www.myspace.com/mirrorsmirrorsmirrors

15 commentaires

  1. Ah ah oui !! Cet album est fantastique ! Perso ce sont les bunnymen qui me reviennent en echo dans les embruns menant vers les falaises de la grande Angleterre. Une bonne grosse vague de good vibes dans la gueule !

  2. @Serlach : Ah je comprends mieux ton aversion pour tout un pan de musique anglaise ! J’ai eu une période comme ça aussi. Mais là, quand même, ça chante vraiment bien … à l’anglaise … et pas de tatas queeny qui tiennent hein !

  3. C’est quand même plus Ultravox qu’Echo and the Bunnymen. C’est à dire vraiment pas terrible, en fait. On dirait les White Lies qui auraient troqué leur basse contre un Casio, indeed. Ils auront sûrement la même fugace carrière, d’ailleurs.
    PS/ beware Bester, tu as utilisé ‘pépites’, tsss, tsss, tsss…

  4. @Blandine : Bah suis pas assez calé en Ultravox. Et puis effectivement avec 30 ans de retard sur le ferry qui mène à la gloire leur carrière est déjà morte et jetée aux requins. Ce n’est pas ça qui compte, c’est que ce petit album balance juste quand il faut une bonne bouffée d’embruns qui ramènent avec eux un énorme paquet de bons souvenirs. Et il a le peps de l’été comme le dit Bester. Un truc qui tombe bien juste avant de couler. Moilà.

  5. cher poulpe, cher bester
    je vous conchie bande d’enfoirés de collègues;)
    1- cream est un putain de groupe que je n’écoutes plus depuis un moment parce qu’au bout de 20 ans je laisse un peu reposer
    2 -quand on chante comme ça, on est souvent anglais mais tous les anglais ne chantent pas comme ça ( en tout cas avant 82)
    3-la musique anglaise moderne me fait vraiment peur, j’ai vraiment l’impression qu’il ne se passe plus grand chose, c’est le grand creux en ce moment

  6. Putain, je vous trouve dur les mecs.
    J’ai simplement écrit que c’était de l’excellente musique périssable. Ca fait du bien, parfois, de laisser le cerveau au vestiaire.

  7. Ecouté cette aprem.
    Dans la même maison (Record Makers, pour nos chers lecteurs) je préfère le nouvel album solo de Turzi, prévu pour la rentrée.

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