"Drive" a reçu le Prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes, illustrant le principe des honneurs à contretemps, lequel consiste à rater les bons films d’un réalisateur pour primer les suivants. La loi de l’honneur à contretemps implique souvent que le film primé soit raté, comme le prouve "Drive", promenade médiocre et sans intérêt dans les rues de Los Angeles.

Voir Drive, c’est comme monter dans un taxi avec un conducteur un peu chiant, qui oublierait l’adresse qu’on lui a donnée et qui écouterait de la musique de merde. L’habillage pseudo-nineties du générique nous l’indique, on n’est pas là seulement pour voir un film d’action, mais il va y avoir un subtil décalage. Sauf que le décalage, que l’on pourrait décrire par la tentative d’hybridation entre Zabriskie Point et Fast and Furious, n’est pas si subtil que cela. Ryan Gosling, dont la presse souligne à quel point il beau quand il ne dit rien, promène, tel une Monica Vitti, sa masse d’intériorité mutique à travers le film. Le procédé est louable mais imprécis, et Gosling semble jouer parfois un peu à contretemps, son silence est lourdement silencieux, sa violence lourdement violente. Les gestes qui voudraient éviter la psychologie des dialogues retombent souvent dans un maniérisme émotionnel de soap opéra.

L’idée de l’homme qui n’est qu’une fonction évoque, en raté, la réussite du film de Douglas Gordon et Phillipe Parreno sur Zinédine Zidane. Dans leur portrait du sportif, les vidéastes arrivaient à unir le prosaïsme d’une figure au travail, la puissance plastique du montage, et la musique de Mogwaï. Dans Drive, Nicolas Winding Refn habille un scénario somme toute assez classique avec des mouvements de caméra pas toujours précis, et un rythme mou qui se voudrait contemplatif. Les images frisent souvent le kitsch, on n’était pas allé dans les canaux de Los Angeles depuis que le jeune John Connors essayait d’échapper à Terminator au son de You could be mine des Guns’n’Roses, c’est dire.

Peut-être que le réalisateur danois s’est trouvé un peu dépaysé. Il manque en tout cas à son film l’énergie et le flux qui irrigue la ville, et ce n’est pas un repris de justice latino qui rattrapera le coup. Michael Mann, qui vit à Los Angeles depuis le boom du marché de la coke en 1982, avait donné dans son Collateral la recette de cette tension cool qui maintient la ville sous tension, s’inscrivant dans la longue généalogie des films sur L.A., La fureur de vivre, Assaut sur le Central 13, l’Anglais, Lost Highway… Le point de vue de Refn reste trop européen, trop maniéré et, si quelques scènes intriguent, on a toujours la même impression de déjà-vu. Je crois que je vais descendre ici.

3 commentaires

  1. @ alex: commentaire médiocre et sans intérêt.
    Mais là n’est pas mon propos;
    Je suis partagé à la lecture de cette critique j’y adhère en partie dans le sens où le film peu être lourd, (lourdeau même) lent, avec un but des plus imprécis certes. En même temps c’est ce qui fait sa force, son charme, ce côté presque mais totalement faux. L’absence de dialogue est un cache misère mais crée une certaine cohérence du vide, le scénario, chiche au demeurant, devient une éloge de la lenteur, provoque une sorte de transe hypnotique, une presque lobotomie. L’absence de tout (action, scénario, dialogue …), ou plutôt le minimalisme général engendre une fascination (qui ne tiendra pas tout le long la fin est des plus pitoyables) partagée entre désir et rejet le plus brutal. C’est ce qui fait l’intérêt du film

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