© Jacqueline Castel

À 30 ans, l’acteur texan sort son premier album « The Mother Stone », 14 années après avoir écrit ses premières chansons. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les fantômes des Beatles ou de Syd Barrett ne volent jamais très loin au-dessus de sa tête.

C’est de plus en plus rare d’être surpris, et ce peu importe la manière, par un album. Trop lisse, trop ceci, trop cela : les raisons sont nombreuses. Elles varient d’une personne à l’autre, blablabla. Mais au final, sur une année, combien de disques vous marquent réellement ? 5, 10, 15, 20, peut-être 30 pour les fous furieux. Peu importe, là encore, si ces chiffres sont loin de la réalité. L’important ici, c’est ce disque : « The Mother Stone ». On ne l’attendait pas. Et il débarque comme un astéroïde pénétrant dans l’atmosphère terrestre pour tout éclater.

Pour ceux qui, comme moi, ne connaissent pas l’énergumène, petite bio en mode Wikipédia. Caleb Landry Jones est un acteur abonné, selon Libération, « aux rôles de bad kid du cinéma indie américain ». Il a tourné dans Get Out de Jordan Peele, Twin Peaks : The Return ou encore X-Men : le Commencement. Depuis l’âge de 16 ans, Caleb écrit aussi des chansons, 700 et des brouettes en l’espace de 14 ans. Où ça ? Dans une ferme en plein Texas ou entre deux tournages. Rien de glamour donc. De toute manière, Caleb n’est pas un acteur qui s’essaie à la musique pour se prouver qu’il est un « vrai artiste » et grappiller des likes sur Insta. Sa musique, excentrique, carnavalesque, grandiloquente et osée, remet à leur place tout ceux qui pourraient penser le contraire.

Avec « The Mother Stone », vous allez plonger la tête la première dans les sixties. Ou vous noyer, tant l’album et ses 65 minutes sont denses. Un océan d’influences navigue sur ce disque, allant des plus évidentes (Syd Barrett, Roxy Music, les Beatles et notamment le White Album, Bowie) aux plus discrètes (Kurt Cobain, Mini Mansions ou bien Alexandra Savior). Fatalement, difficile d’y voir clair et de savoir exactement où l’on va atterrir. Mais c’est aussi la beauté de ce disque : il est imprévisible. Au sein d’une même chanson, Caleb peut changer de voix, d’intonation, de style et d’univers. Il nous trimballe où bon lui semble, au risque donc de vous perdre et de vous saouler. Mais ce risque, combien d’artistes osent le prendre et l’assumer ? (Si vous pensiez au Lemon Twigs vous allez directement à la case prison).

Dans le flou

Commençons par le début. Sur Flag Day / The Mother Stone, le titre d’ouverture, Caleb déballe les prémices de l’album. Une (longue) intro instrumentale qui vous malmène durant 3 minutes et 22 secondes avant d’entendre sa voix et les guitares. Et puis d’autres voix, en chœurs cette fois-ci. Une multitude d’instruments. Il fait un petit retour en arrière avant le grand final dans un monde magique, drogué et imaginaire. Là, vous avez deux choix : soit vous avez aimé, et ça tombe bien puisqu’il en reste 14 autres dans la même veine. Soit il vous a déjà achevé. Allez un petit effort, on continue. 

You’re So Wonderfull repart donc sur les mêmes bases, avec des fluctuations, des diversions, des raccourcis, des embouteillages et des virages à 180 degrés alors qu’il vient de gober un acide et de passer la cinquième. La virée ne fait pourtant que commencer. Katya (un morceau incroyable d’ailleurs) montre qu’il pourra raconter des histoires à ses enfants en faisant même les voix et All I Am In You / The Big Worm ressemble un peu (mais pas trop) à la première. Ou peut-être à la deuxième ? On commence à se perdre, à ne plus savoir où l’on est, si la chanson est terminée ou si elle vient de commencer. Ah mais c’est toujours la même ? Bref, c’est un bordel sans nom. Sans rien n’avoir vu venir, on est déjà au septième morceau de l’album, Licking The Days, soit à la moitié. À partir de là, malheureusement, Caleb tourne à gauche et nous, on file tout droit. 

Si la face A (appelons-là ainsi) était intéressante, la face B fait cependant l’effet inverse. Caleb et ses égarements finissent par agacer. On se met à rêver d’un couplet refrain couplet qui n’arrive pas. For The Longest Time offre un moment de répit, et montre qu’il peut prendre les commandes sans s’égarer. Mais jusqu’à la fin de l’album, la virée en mer ressemble plus à la fin du Titanic qu’au début, même si paradoxalement, les chansons sont plus courtes et directes (The Hodge-Podge Porridge Poke, The Great I Am, Little Planet Pig). 

Sans surprise, « The Mother Stone », enregistrée et peaufinée dans un vrai studio avec plusieurs musiciens (une vingtaine au total), est une œuvre surprenante, avec du très bon et du très moyen. Les délires en pagailles finissent par rendre ce disque presque indigeste. Un peu comme si vous étiez à table, un bouton déjà ouvert pour mieux respirer, et que le fromage n’était pas encore arrivé. Les plus aventureux retrousseront leurs manches. Les plus sages attendront le café. Nous, on a déjà le sucre et la cuillère dans la main. 

L’album « The Mother Stone » de Caleb Landry Jones est sorti le 1er mai sur Sacred Bones. 

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