Si pour une fois Eric Sintès rouvre les cercueils, ce n’est pas pour joindre le cortège des pleureuses. Non, si 45 ans après il bouscule les bouquets c’est pour prouver, pouls à l’appui, que Mr Pitiful n’est pas mort. A fouiller les boites noires des vieux coucous, on confirme l’adage bien connu : les oiseaux rares se cachent pour mûrir.

La transpiration. Considérez ce simple élément : la sueur est un élément fondamental des performances d’Otis Redding. Visionnez n’importe quelle seconde de n’importe quel morceau de n’importe quel live, le constat hygrométrique est édifiant. Dans la salle les demoiselles bouillonnent, s’assèchent. Leurs joues pivoines même sur les films en noir et blanc laissent présager des rivières salées qui ruisselaient sous leurs chemisiers. Même les messieurs bavent de jalousie dans leur fauteuil, et ils chouinent à la soul plaintive de Mister Pitiful. Et puis, forcément, il y a ce type qui arpente son mètre carré de piste en psalmodiant des hymnes au groove ou à l’amour, torturant ses hanches de soubresauts électriques, et fait vivre à son costume les pires heures de sa vie de textile. Entre la section cuivre qui bourdonne et le batteur qui connaît mieux chacun de ses trois toms qu’un guitariste d’aujourd’hui connaît sa main droite, une chemise rend son dernier souffle. La veste gît déjà sur le côté, dépouille détrempée reposant sur une chaise en bois, à qui un orgue joue un dernier hommage lancinant…

Et bien chaque goutte qui nimbe le linoléum sous ses pieds ou qui dégouline du micro écrasé dans les mains d’Otis – cette poigne que tant de femmes ont voulu sentir se refermer autour d’elles – chacune hurle la qualité principale de magic Redding : la dévotion. Celle-là même qui fait claquer le stars’n’stripes dans le cœur de toute une nation. Parti de rien, arriver au top ; tombé du nid pour voler plus tôt, plus haut. Et se cramer les ailes contre le soleil, on ne le sait que trop bien. Je prends les paris, dans les dicos américains à la page « méritocratie », il doit y avoir une photo d’Otis Redding. Et chaque nouvelle cuvée posthume tirée des fonds du playboy moustachu continue de le prouver. Pendant que vous tourniez le bouton du poste et écumiez les exemplaires presse pour trouver les kids de demain, Eric Sintès a trouvé l’homme du siècle : Otis est meilleur aujourd’hui que jamais.

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5 commentaires

  1. Venant d’un amoureux de la musique comme vous, ça me fait super plaisir. Quand à Smokey, honte à moi, je ne sais que dire : j’envisage de m’immoler par le feu …mais j’hésite, je vous tiens au courant 😉

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