Bilbao Kung-Fu vise la ceinture noire du rock francophone

Après deux EPs, le trio bordelais Bilbao Kung-Fu tape dans l’album avec une variété de techniques classiques bien maîtrisées.

Contrairement à un trop grand nombre de groupes qui ont choisi un nom qui agit comme répulsif auditif, l’énigmatique Bilbao Kung-Fu ne pouvait que susciter la curiosité. Ingénieusement déniché, ce choix fait écho à un sordide fait divers. En juin 2013, le corps inanimé d’une prostituée était retrouvé dans un gymnase de Bilbao. L’assassin, qui s’avérait être un tueur en série, n’était autre qu’un ex-champion du monde de kung-fu, maître Shaolin illuminé qui se consacrait représentant de Buddha sur Terre.

Dès leur premier EP en 2021, « L’Arc-en-ciel », Bilbao Kung-Fu vient avec son titre éponyme sonner à la manière de groupes comme Les Fleurs de Pavot ou Les 5 Gentlemen. Ils revendiquent pourtant des influences telles que Lysistrata ou, comme à peu près tous les groupes rock garage de nos jours, Thee Oh Sees et King Gizzard and the Lizard Wizard. Deux ans plus tard, les frères Matéo et Natty Granger, Rémi Tourneur et Jeff Pesta envoient « Déséquilibre », un second EP, légèrement plus agressif et nourri de phases krautrock.

Paré pour la castagne

Depuis, Jeff Pesta a quitté le dojo mais ses sparring-partners ont continué l’entraînement en trio pour asséner « Où est passé l’innocence ? » (Le Cèpe Records), leur premier album. La formule reste globalement la même, une dominante garage rock aux textes français avec des solos de guitare grandiloquents mais le groupe se tourne aussi davantage vers la cold wave sur certaines chansons. Hormis les oubliés de l’underground hexagonal des années fleurs, les musiciens installés à Bordeaux déterrent Alain Kan (Je dois m’en aller) et évoquent Téléphone (Éveil), voire Eddy Mitchell si ce n’est Johnny Hallyday (Je reviens), dans des chansons qui flirtent parfois involontairement avec les sketchs musicaux des Inconnus (Vacances D’Été, Incitation).

Comme de nombreux groupes de rock piqués par le syndrome de Peter Pan, Bilbao Kung-Fu aborde la mièvre nostalgie de l’adolescence et la dérisoire angoisse du passage à l’âge adulte. La cocasse J’ai Brûlé La Voiture De Mes Parents est certainement le hit de l’album qui aurait pu figurer sur la compilation « Wizzz French Psychorama » de Born Bad si le groupe était né sous la IVème République. L’inspiration de cette chanson provient d’une conversation anecdotique que les Bordelais ont tenu avec un musicien en 2021. Celui-ci affirmait que pour faire du rock, il faut vraiment « qu’on sente que vous avez brûlé la voiture de vos parents ».

Avec ce premier album, Bilbao Kung-Fu cherche à se qualifier dans la cage hexagonale de l’UFC rock francophone. Même si « Où est passé l’innocence ? » aurait gagné à être un peu plus court puisqu’il s’essouffle légèrement dans sa deuxième moitié, notons la maîtrise de l’approche. Il satisfera certainement sans mal les nostalgiques de la France de Pompidou et autres amateurs de rock francophone.

Bilbao Kung-Fu // Où Est Passée L’Innocence ? // Le Cèpe Records