Bruit de Stiletto qui claque : les aiguilles pour femmes sur le pavé, les couteaux pour hommes dans les poches du Levi's. Alan Vega pile poil entre les deux. Il est multiple : entre deux albums de Suicide, il existe déjà un monde. Entre le premier album solo et Saturn Strip aussi. Sexy et violent, deux adjectifs qui collaient merveilleusement au Alan désormais perdu dans les archives. Aujourd’hui… il reste l'une des archives les plus importantes de l’instinct électrique.

Plus jeune, Alan Vega avait le physique apache : de grosses lèvres pulpeuses, une peau burinée, des pommettes hautes, un nez incroyablement fin. On n’imagine pas le jeune Geronimo autrement. En ce mois de février 2011 où nous le rencontrons, il apparaît ridiculement petit, boitant, affublé d’un bonnet en laine rouge et noir qu’il ne quittera même pas sur scène. Il fume des Marlboro Light par moitié, en fait des mégots qu’il garde « pour plus tard ». Il économise… s’économise peut-être. Secret d’une longévité qui ressemble bien à sa discographie. De petites touches par ci par là, des collaborations sur de nombreuses compilations et B.O. ; puis des albums, dont certains restent inconnus (et c’est tant mieux). Les récents, on les fuit comme la peste : la musique n’est plus à la hauteur depuis longtemps. Depuis Cubist Blues en fait, pépite ultime du rock à guitares s’il en existe une.

La diversité du son, alors. Pourtant, d’Alan Vega, on peut retenir certaines constantes : son rythme cardiaque syncopé, ses sonorités souvent synthétiques, sa voix toujours incroyable. Que l’on écoute Fat City avec Chilton et Vaugh en pleine détente, ou Ghost Rider – l’invention-même de la « techno » abrutissante -, la constante est la même. Les accents rythmiques viennent du rock & roll originel, la voix toute en incantations pousse des râles inimitables… Ce qu’est Alan Vega condensé dans une seule chanson : Juke Box Baby, bien entendu.

La canicule en ville obligeait Alan à ouvrir jusqu’au dernier bouton de sa chemise. Portée à la portoricaine, ouverte sur un large crucifix orné de pierres bleues indiennes ; c’est le pantalon en cuir qui lui causait encore plus de soucis. Comme dans « La prisonnière du désert », il s’étranglait dans la peau rétrécie de sueur. Dans les rues, des gamins essayaient de faire sauter les bornes à incendie. Feu d’artifice d’eau puisant ses reflets dans le ciel bleu pâle, surchauffé de pollution. Les pneus des bagnoles semblaient liquides : un coup de lame et ils exploseraient en mille morceaux. Pfffffffff… boum ! De la gomme plein les cheveux. Les gosses se marraient. Les prostituées agitaient leurs éventails. Alan souriait. Un cadencier dans les hanches, il marchait vers le fleuve. Le bois des talons durci par la chaleur du bitume, il préfèrait encore le caniveau. Qu’importe, tant que les doigts claquaient au rythme des talons.

Nonchalance et rapidité féline, voilà le jeune Alan :

La musique de Vega vient donc de là : du bruit urbain. Pygmée perdu dans une forêt de grattes-ciel, Alan Vega prône le rock & roll comme la musique du pur instinct. Au milieu des agressions continues, nos cerveaux de sauvages traduisent leur environnement par cette musique. Tordue par le rythme, distordue dans le son : la voix de Vega n’a rien perdu car il en joue comme d’un trombone. Les machines, les échos, les fuzz… Ce ne sont que des réponses aux machines du quotidien, vroum et tam-pam-tam du train-train. Cliquetis de boîte à rythme, nappes de synthés en échangeur d’autoroute : Dream Baby Dream nous hypnotise comme les réverbères sur la highway.

Le pur instinct donc. Alan Vega ne sait pas parler de sa musique ou de lui-même : il répond à toutes nos questions par des anecdotes. Si on lui demande sur quels rythmes il aime chanter, les sons qu’il préfère, il nous donne la genèse de ses chansons. Incapable d’exprimer l’abstrait, ce qui se ressent uniquement au fond de son sang, il démontre tout par le vécu.

Alan Vega & Marc Hurtado // Sniper // Le Son du Maquis

Réalisation : Julien Perrin
Photos : Franck Knight

9 commentaires

  1. Putain et pendant que tout le monde brasse du vent sur d’autres papiers, pas un seul pour rendre hommage à ce SUPERBE document? Suis-je le seul à trouver cette vidéo – et le papier – sublime?

    Parfois, le doute m’habite.

  2. Je suis mal placé pour juger de la qualité de la vidéo, mais celle de l’entretien oui et si nous avions eu la possibilité de rester encore plus avec lui (il était partant et on ne plus ravi de discutera avec notre Jet préféré) on aurait eu une ITW vraiment sublime.

    Ma bite doute parfois donc.

  3. Article de surface comme d’habitude chez les ‘journaux ‘ de Gonzaï. Lamentables oublies sur la carrière d’un homme qui a connu 3 vies et dont vous êtes à peine capable d’en évoquer la richesse et la complexité. Ce n’est pas la vidéo taillé au rasoir du pauvre qui sauvera votre billet du parfum désagréable de la médiocrité. Navrant!

  4. smiroff ou stolikaya on se rappelle plus clarendon hotel basement avec les sniffin rock et le legendary stardust couilles boy + peut etre le gars de chez gun club…….

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