Alors que Daft Punk démontre que plus ça change moins ça change et que le silence reste le meilleur média, on a préféré se tourner vers In Finé, artisan de la modernité récemment adoubé par Jean-Michel Jarre pour avoir leur vision de l’avenir.

In Finé a mis du temps mais il est devenu la tanière de formidables faiseurs. Agoria, Aufgang, Apparat, et on n’en est qu’à la lettre A, sinon je vous aurais déjà sorti Composer et Danton Eeprom. Mais plutôt que de faire le tour de tous ces gens, il nous a semblé logique de demander à la racine, le label. Parce que c’est lui qui a le flair et la vision d’ensemble, et que c’est lui qui manie la pelle des références enterrées sous la poussière de l’histoire. C’est Alexandre Cazac qui s’est fait violence pour se projeter au-delà de son implication dans le label et les efforts day-to-day. Dichotomie presque impossible. Parce que oui, il n’avait pas attendu le futur pour faire bouger les choses.

infine-entete

Pouvez-vous nous raconter comment vous imaginez ou concevez l’avenir de la musique ?

Je pourrais démarrer la réponse par un tour de passe-passe… Quand j’ai fini mes études, ce qui remonte à un bout de temps, j’avais fait mon mémoire sur la dématérialisation du disque. Au cours d’un récent déménagement je me suis retrouvé à l’avoir entre les mains. Un sacré pavé où se posaient déjà les questions que l’on vit actuellement. Certains noms y font sourire ou ont été oubliés puisqu’à l’époque le débat était sur les dangers de la copie sur MiniDisc ou cassette DCC ! Autre chose qui faisait rire, c’est l’interview d’un monsieur de la FNAC qui répondait que le digital n’arriverait jamais à s’imposer puisqu’eux vendaient je ne sais plus combien de disques à la minute alors que le temps de téléchargement d’un album était tel qu’il prenait plusieurs minutes…

L’avenir de la musique est forcément lié à l’innovation technologique ?

Le succès d’Elvis est corrélé à l’arrivée du transistor qui permettait aux ados d’avoir de la musique dans leur chambre. Et celui des Beatles au 45 tours qui était accessible à toutes les bourses. Mais au-delà de toute technologie, c’est une question de désir. Même dans 10, 20, ou 30 ans, il y aura toujours des artistes qui susciteront le désir, et donc des auditeurs, et donc une industrie qui fera le lien entre les deux. Quand on prend du recul sur tout cela, on se rend compte que les poubelles de l’histoire sont intraitables. Mon déménagement va devenir le fil rouge : en défaisant mes caisses de disque, j’ai découvert des disques qui ont quelques années, des choses dont tout le monde a parlé, tout le monde s’est excité, et dont plus personne n’a rien à foutre. Les Clones signés par Sony avec roulements de tambours et grosse campagne de street market rhabillant Paris, plus personne n’en parle et l’album est inaudible aujourd’hui.

Comment voyez vous l’avenir de la musique du point de vue de la composition ?

Ce qui me semble notable, c’est que des codes sont en train de voler en éclat en ce moment. Ceux mis en place dans les années 80-90 dans un immense formatage. La durée des titres par exemple. Alors qu’aujourd’hui Shackleton par exemple a sorti un disque de 3 titres de 16 minutes et une dizaine d’1 minute 30 ; c’était inconcevable il y a quelques années. Il y a donc un vent de liberté qui souffle, internet permet cela et va sans doute encore largement l’encourager. Il y a aussi un lien qui est en train de se recréer entre les musiques dites savantes, et celles dites populaires. Cela s’accélère, cela s’enrichit et cela devient de plus en plus simple. Je vais encore regarder le passé mais quand on a créé le label avec Yannick Matray et Agoria, on sortait un disque de Francesco Tristano ; un pianiste. Les gens ne comprenaient pas bien. Aujourd’hui cela a pris sens. Jusqu’à il y a pas très longtemps il y avait des grammaires par genre musicaux qui ne se croisaient pas, ou alors très rarement, à la marge, et maladroitement. Aujourd’hui elles se rencontrent. Il faut réécouter aujourd’hui Bernard Parmegiani du GRM et se rendre compte qu’il avait soulevé des choses qui commencent à prendre du sens. Un coup de mastering et un poil plus de basse, et on pourrait ressortir ces titres en disant que c’est un producteur allemand, personne n’y verrait que du feu. Et ce rapprochement là va perdurer. La musique du futur sera celle qui saura allier plusieurs de ces grammaires. Battles ou Aufgang sont de ceux-là notamment parce que ces garçons ont un bagage technique hors paire.

« La vraie révolution c’est que la radio musicale va disparaître au profit d’une écoute à la demande sur le net. »

Le groupe du futur est un technicien ? L’avenir c’est la maîtrise et le « bien jouer » ?

Alex-CazacMaîtriser la technique n’a pas été le cas de toute la génération des producteurs. Entre 80 et la fin 90 on a eu des producteurs qui ont amené des perspectives, mais le pouvoir revient aux mains des musiciens. Ces deux groupes-là sont de vrais musiciens, et l’avenir appartient aux vrais musiciens. Ils ont aussi les écoutilles ouvertes vers d’autres champs : Battles plutôt rock et jazz, Aufgang plutôt musique classique et contemporaine, et ils réinterprètent leurs influences d’une façon libre. Ils peuvent être amené à travailler de l’image, des B.O., appelés à travailler des installations dans des musées, jouer dans des festivals et soulever des salles etcetera. Et l’avenir c’est ça. Maîtriser, être libéré de tout formatage industriel, et réinventer une façon d’improviser. Je pense aussi à Mondkopf et son label In Paradisium, voilà encore une entité du futur. A 18 ans c’était un fluo kid, et à mon étonnement il aimait la musique contemporaine autant que les productions électro. Aujourd’hui il poursuit des études, développe un canard, pousse des soirées, et tient ce label qui amène de la fraîcheur aux soirées parisiennes. L’artiste du futur doit pouvoir toucher à tout cela à la fois.

L’avenir du point de vue de la production ?

Ca c’est mon nouveau dada ! Je ne comprends pas pourquoi nous producteurs et artistes de musique, on en est restés à l’âge de la stéréo qui est à peu près l’âge de pierre de la diffusion sonore. Les gens du cinéma ont parfaitement compris cela et la moindre salle est équipée en Dolby Surround ! Je ne comprends pas pourquoi pas nous. Avec tout ce que les producteurs nous ont ouvert comme portes, ces outils qui aident à spatialiser le son, il me semble que c’est là le prochain enjeu, s’immerger dans la musique. Autant pour le live que pour l’écoute domestique. C’est évident que dans 10 ans tous les concerts seront en multi diffusion alors que, tel que c’est parti, chez soi on écoutera encore en stéréo… Un concert en multi-diffusion c’est relativement simple finalement, c’est louer une paire d’enceintes en plus et ça suffit. Pour la production, il y a plusieurs stade : cela peut se faire au niveau de l’artiste dans son studio, ou lors du mastering… Mais la question technique c’est sur quel support on le retranscrit ? Le plus évident c’est le DVD, ce qui soulève de nouveaux problèmes. Mais on s’est amusé déjà à faire des expériences, des performances, et quand on a goûté un concert en multi diffusion, on a juste envie de « plus » et d’ « encore ».
D’autre part, on a collaboré avec une marque d’amplificateur, Devialet, des ordinateurs de haute fidélité qui révolutionnent la façon d’amplifier la musique. Certes, c’est encore réservé à une super élite, mais cela montre une évolution quant à l’approche du son lui-même. Rien que les casques que chacun a dans le métro, au-delà des looks leur qualité a déjà évolué ! Ce combat là n’est pas perdu. Par exemple Qobuz, vend des fichiers en qualité master, qui sont supérieurs au CD et je sais qu’iTunes leur emboîte le pas. La très grande majorité ne fera pas attention, mais elle écoute la radio en mono, elle achète 2 CD par an et écoute du mp3 hypercompressé, alors qu’est-ce que cela change? L’écoute change. La vraie révolution c’est que la radio musicale va disparaître au profit d’une écoute à la demande sur le net. Imagine les conséquences…

« Le chef d’orchestre précède le chef d’entreprise. »

Du point de vue économique ? Va-t-on sortir des synchros où s’y enfoncer ?

Certainement oui, car l’objet musique est riche de sens dont certaines marques, privées, essayent de s’approprier par les synchros. Les partis font pareil, quand l’UMP utilise MGMT comme hymne post-ado durant sa campagne présidentielle. Mais c’est tout de même cette essence, cette richesse inhérente qu’il faut cultiver. En fait l’avenir c’est qu’avec ces marques-là, on invente les Médicis du futur. Ce que nous, petits producteurs, cherchons aussi ! Car les revenus des ventes à proprement parler sont ce qu’on en connaît, le digital est une belle baudruche qui ne permet pas de produire de nouvelle musique après, la synchronisation c’est la roulette russe… Donc ce qu’on cherche ce sont des entités qui vont défendre des valeurs esthétiques. Parlons de RedBull qui après sa RedBull Academy, ouvre des studios partout dans le monde. Absolut Vodka ou Ricard, pour prendre d’autres exemples, ont développé des collections d’art contemporain dont la valeur dépasse aujourd’hui le seul intérêt fiscal pour gagner le marché de l’art. Cela peut tout à fait se porter sur le milieu musical. Le live pourrait bénéficier du même soutien. Des siècles plus tard, on se souvient que Caravage peignait pour tel prince de Florence car les Médicis avaient passé commande…

Quel avenir pour la musique du point de vue politique ? Un groupe c’est un maillon social, alors verra-t-on demain des manifs de DJ ?

400257-gfJ’espère ! La dépolitisation me désespère. Les artistes ont des auras, des audiences, c’est dommage de ne pas en profiter pour partager un avis. On a encore trop de musiciens très années 80-90 dans leur tête, trop égocentrés, mais cela ne peut pas fonctionner et dans le futur cela va changer, je suis assez confiant. Il y a un livre qui reste référent c’est Bruits de Jacques Attali où la musique s’avère devancière du fait social. Le chef d’orchestre précède le chef d’entreprise, ce n’est pas un hasard si l’industrie de la musique a pris le coup de la dématérialisation avant les autres industries. Il y a encore à inventer sur ce point, pas besoin de foncer dans le cantal pour protester, mais il doit y avoir des façons modernes et la voix des musiciens me semble importante aussi. La prise de parole peut se faire sur des groupes plus limités par exemple. Prenons un paradigme énergétique : avant on construisait de grosses centrales pour alimenter tout le monde; aujourd’hui certains se fabriquent de l’électricité pour eux même ; la prochaine étape c’est que différents individus mis en réseau partagent leur surplus avec leur voisin. Fini les gros rassemblements We are the world mais allons y pour des interventions sur des réseaux plus limités.

Un rêve pour conclure ?        

J’aimerais que le label soit la villa medicis du futur. C’est-à-dire un lieu qui accueille des projets pas évidents, ou apparaissant comme tel au moment de leur formulation, et que cette fondation contribue à leur donner le jour. C’est déjà ce qu’on fait un peu et péniblement ; l’avenir devrait nous permettre de le faire plus facilement et plus régulièrement. Et au risque de flatter, la Gaîté Lyrique est un lieu de ce type. Accueillant en résidence la création d’objets musicaux nouveaux et particulier. La preuve que de telles choses se mettent en place.

http://www.infine-music.com/
Papier réalisé en partenariat avec La Gaité Lyrique.

8 commentaires

  1. Génial de se moquer du mec de la fnac pour, un peu plus bas, nous dire que c’est le dvd le support le plus évident pour de la multidif…
    Bravo aussi pour cette belle chaine de « et donc » : il y aura toujours des artistes qui susciteront le désir, et donc des auditeurs, et donc une industrie qui fera le lien entre les deux…
    Et Il ne va jamais sur youtube ou juste internet pour nous sortir que les poubelles de l’histoire sont intraitables ?
    Avouez ! ça vous a fait chier de vous déplacer pour l’interview : vous l’avez inventé !

  2. Tout à fait d’accord avec yoyo, je recommande un régime sans selles pour ce mange-merde d’Hilaire Picault !

  3. C’est dommage, Vernon, vraiment très dommage. Parce que je comptais t’offrir un petit lifting à l’acide mais apparemment, à en juger par ton avatar extrêmement original, le mal est déjà fait.

  4. Ah ils sont beaux les nouveaux prophètes du « futur », qui appellent à « être libéré de tout formatage industriel » mais qui nous enjoignent à aller sucer au cul de ces mêmes industriels, parce que l’état s’est justement désengagé. C’est sûr, on le voit avec apple, amazon et ces autres plateformes à la noix, l’artiste est maître chez lui…

    « Fini les gros rassemblements we are the world », putain, mais c’est que c’est carrément un politologue de talent ! Faut dire, à s’en remettre à Attali…

    Donc +1 pour le mange merde faux prophète.

    1. Pauvre inculte. T as un problème avec Attali ou t es passé du coté obscure? T es une fournis qui braille dans le vide. Une crotte de nez. T es rien comme dirait Jupiter. Ce gars là Alexandre Cazac , c est grâce à ce genre de gars intègre qu on peut encore innover et payer son loyer en tant que musicien sans se faire enculer par des gars comme Pascale Negre. Les petites merde comme toi ne comprennent pas ce qui va se passer et ce qui se passe déjà car avec une culture de fils de pute comme toi on voit pas plus loin que la crotte de nez. L histoire se répète mais il faut connaître un peu l histoire pr reconnaître les mécanismes qui se répètent. T es qu une merde, reste ou tu es.

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