On peut pardonner à Abel Ferrara le documentaire sans grand intérêt qu’il a réalisé sur le Chelsea Hotel, haut lieu bla bla bla, Jimi Hendrix, Janis Joplin, William Burroughs, Edie Sedgwick, Dylan Thomas, etc. On peut pardonner, mais on peut se demander pourquoi.

Ferrara s’interroge, dans les bonus du DVD, sur cette étrange habitude des réalisateurs de documentaires qui écrivent des scénarios avant de tourner. Scénariser le réel, ça peut paraître étrange certes, mais ça aurait pu sauver cet approximatif bout-à-bout d’interviews où s’intercale une reconstitution du meurtre de Nancy Spungen,  vidée de son sang dans la chambre 100. Il fut un temps où l’on connaissait le sens du mot room service.

Scénariser un documentaire c’est savoir de quoi on parle, et là-dessus le film n’est pas très clair. Il faut dire que le sujet n’est pas simple. Sur le papier, le Chelsea c’est pourtant du pain béni. Hôtel mythique de New York, le Chelsea, comme longtemps avant l’Algonquin, a été le rade de prédilection de la bohème new-yorkaise – Wikipedia donnera aux chasseurs d’autographes une liste non exhaustive de ceux qui y ont passé de quelques heures à quelques années. Mais tout ça c’est du folklore, et aujourd’hui le Chelsea vit un peu sur sa gloire d’antan. Alors que faire de tous ces bobos, rescapés des sixties, qui racontent leurs souvenirs de jeunesse dans un style très Paris dernière ?

L’über-gentrification de Manhattan finit par avoir la peau du lieu. Stanley, le taulier historique, a été évincé de la direction par les autres propriétaires. Stanley Bard, gérant pendant cinquante ans, maintenait vivant le bâtiment, faisant crédit aux uns, maternant les autres, permettant à l’hôtel de ne pas devenir son propre musée. Du coup, le documentaire de Ferrara hésite entre une célébration un peu has-been du lieu et une protestation contre sa triste évolution. On entend au passage :

“ – They want to turn it into a new Château Marmont.
–  Well, it’s already a Château Marmont !”

A 200 dollars la nuit, on peut effectivement s’interroger sur le côté bohème de l’endroit. On se demande aussi ce que cherchait Ferrara, à part peut-être quelques souvenirs. On gardera en tête le monologue d’un des résidents, qui explique les cérémonies menées au Vietnam par les soldats américains pour racheter leur karma. Un moment, on saisit l’intensité qui a animé l’existence de ces vieux messieurs, hippies proprets qui fustigent l’augmentation du coût de la vie. So long pour le Chelsea.

Abel Ferrara // Chelsea Hotel // DVD Wild Side

1 commentaire

  1. la bande annonce pédale en effet entre faites entrer l’accusé avec les fantômes des gloires passées, ça ne donne pas envie de s’y frotter. La reconstitution de Sid et Nancy à l’air particulièrement pathétique.

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