Aujourd'hui : 16 novembre 2025
8 juillet 2025

Wunderhorse peut-il monter sur le trône du rock ?

@Polocho

Repéré en première partie de Fontaines D.C. ou encore des Pixies, le groupe anglais mené par Jacob Slater surfe sur le retour des guitares pour se frayer un chemin en haut de l’affiche. Avec « Midas », un deuxième album sombre et direct sorti en août 2024, ils ont mis une petite claque à tout le monde. La question : Wunderhorse pourra-t-il tenir sur la durée ? Éléments de réponse avec la moitié du groupe juste avant son concert parisien à l’Alhambra fin mai.

Le 31 mai dernier, deux équipes se sont affrontées. Celle qui était devant sa télévision à regarder des millionnaires courir pour la Ligue des Champions. Et celle qui voulait faire tout sauf regarder des millionnaires taper dans un ballon. Hasard de l’agenda, le même soir sur la scène de l’Alhambra (Paris 10e), un groupe de rock est monté sur scène. Dès 14 heures, des jeunes fans attendaient devant les portes de la salle comme on patiente pour le show d’une popstar mondiale. Sauf que ces kids ne venaient pas applaudir Olivia Rodrigo mais Wunderhorse, une formation anglaise active depuis 2019, et qui a réussi en l’espace de six ans à se faire un petit nom dans le milieu, au point de faire partie des meilleurs espoirs rock. Comme dans tous les groupes qui se respectent, il y a un leader. Ici, il s’agit de Jacob Slater, qui s’est aussi fait connaître en jouant le rôle de Paul Cook dans la série Pistol (2022) de Danny Boyle. Mais faisons d’abord un rapide flashback.

Le musicien a grandi aux côtés d’un père mélomane. Le premier groupe dont il se souvient ? Les Who. Le petit veut alors faire « comme Keith Moon » et devenir batteur. À 16 ans, il arrête l’école. Il enchaîne alors les petits boulots à la con et rejoint une formation punk de Londres, les Dead Pretties, qui connaît un mini buzz. Mais en 2017, tout s’arrête avant même d’avoir réellement commencé. Jacob quitte la grande ville et son lifestyle (drogues, galères, etc.) pour le comté de Cornouailles où désormais, il surfe et mène une vie plus calme. C’est là-bas que naissent les premières chansons d’un nouveau projet solo intitulé Wunderhorse.

Le premier album « Cub », enregistré avec le batteur Jamie Staples, sort quatre ans plus tard en 2022. Un projet personnel qui est reflet de cette période de transition pour le jeune homme, persuadé depuis tout petit qu’il fera un métier artistique. Même la cover, avec cette vieille photo de Jacob, renvoie à quelque chose d’intime. Deux amis musiciens (Harry Fowler et Seb Byford) sont recrutés pour compléter la formation et partir en tournée. Durant deux ans, les garçons apprennent à jouer ensemble et deviennent par la force des choses un vrai groupe. La hype grimpe tout doucement. « On a commencé à devenir un groupe quand Harry nous a rejoint et qu’on a commencé les concerts. Avec « Midas », c’est la première fois qu’on a une représentation sonique de Wunderhorse sur un disque. Ça a permis de voir que nos efforts avaient payé, et ça m’a donné beaucoup d’espoir. À partir de là, plein de portes se sont ouvertes pour nous », raconte le leader, assis dans une salle glauque de l’Alhambra. En résumé, « Cub » était un effort solidaire qui se la joue indie rock sans vraiment l’assumer. « Midas » est un projet collectif qui tabasse.

« Quand on a commencé à se faire un nom, les gens ont dit : vous allez être les prochains, vous allez devenir comme Coldplay. Mais on ne veut pas devenir Coldplay. »

Pour marquer une transition entre les deux albums — et bien insister sur le fait que Wunderhorse n’était plus le projet solo de son leader, les mecs se sont envolés direction le Minnesota, accompagnés du producteur Craig Silvey (Florence and the Machine, Arcade Fire, Arctic Monkeys, etc.). Ils ont atterri au Pachyderm Studio, un lieu perdu dans la forêt qui a accueilli PJ Harvey ou encore Nirvana dans les années 90. Pour les geeks, sachez que c’est là où « In Utero » a été enregistré. Bref, ils avaient presque deux années de tournées non-stop dans les jambes, « parmi les moments les plus inspirants de ma vie » raconte Jamie. « On sortait de deux grosses tournées avec les Pixies et Fontaines D.C.. On vivait notre meilleure vie et l’album s’est fait dans la continuité de cette vie-là. D’ailleurs, l’influence de ces deux groupes s’entend, et c’est une bonne chose », poursuit Jacob.

Arrivés au studio avec seulement deux chansons dans leurs valises, les Anglais ont l’envie de créer un disque brut sans chercher la perfection. Il faut que ce nouvel album reflète l’esprit du groupe live avec une énergie bagarreuse, primitive, parfois approximative. Il y aura donc des erreurs, des sorties de route et des virages serrés. Mais tant que l’authenticité domine, les maladresses et les bévues ne seront pas supprimées au mixage.

Accords basiques, mélodies directes, références aux Stones ou encore à Nirvana assumées, très peu d’overdubs et une sincérité désarmante : Wunderhorse réalise en trois semaines un album comme si on était encore en 1992, en coupant leurs téléphones portables et en écoutant tous les matins des classiques des Stones (« Beggars Banquet ») des Beatles, de Leonard Cohen ou de Bob Dylan pour se créer une bulle. Sans surprise, ça passe comme une lettre à la poste. Au magazine Dork, Jacob confiait ceci : « Nous avons été extrêmement prolifiques en très peu de temps, on débordait d’idées, et il s’est passé quelque chose de magique que je ne comprends toujours pas. »

@Polocho

La plupart de l’album a été écrit dans le Minnesota par Jacob sur une guitare acoustique en utilisant des structures très basiques. « J’ai beaucoup écouté d’anciens albums de Neil Young, de Dylan, de The Verve ou encore de Lou Reed. Quand tu joues certaines de ces chansons tu te dis : « mais c’est hyper facile, je joue ces accords tous les jours. » C’est le placement de leur voix qui fait toute la différence, elle est là la magie. Les meilleures chansons, c’est justement quand tu te dis que n’importe qui aurait pu les écrire. Sauf que ce n’est pas aussi simple que ça. »

Le morceau Superman est né en dix minutes en jouant deux accords. Idem sur Arizona, aussi simple à jouer que le Come As You Are de Nirvana. Aeroplane est une ballade plus-stonienne-tu-meurs-tellement-ça-sonne-comme-les-Stones avec un solo qui rappelle celui du Maggot Brain de Funkadelic histoire de casser l’ambiance cosy de la chanson. « Midas », dans son intégralité, capture la spontanéité d’un groupe en effervescence, coincé dans une spirale créative expéditive. Ils rendent hommage à leurs pères tout en étant des jeunes kids insolents voulant montrer de quoi ils sont capables. Ce n’est pas dans la production ni dans le style que Wunderhorse se détache, mais dans l’intensité qui se dégage des chansons et dans cette façon de jouer avec le curseur pour faire monter la pression ou faire baisser la température. Il y aussi cette manière presque bestiale de répéter certains mots pour qu’ils cognent votre tête et se faufilent dans votre cerveau. C’est simple, mais c’est malin.

D’après Jacob et Jamie, le groupe a été discipliné durant l’enregistrement. Ils ont veillé à respecter un cadre de travail précis et à garder en tête les lignes directrices réfléchies en amont. « Ça te permet de rester aligné avec tes objectifs et de faire le point, chanson par chanson, pour savoir si le morceau est en phase avec ta vision. Il faut rester concentré sur ta mission. Et si ce que tu fais est bien, mais que ça ne colle pas avec ton album, alors tu le gardes le pour une prochaine fois », détaille Slater, qui précise que les discussions avec Craig Silvey avant d’entrer en studio ont été essentielles afin de définir l’ossature de « Midas ».

Sur ce disque, Wunderhorse a donc pris plusieurs risques. Celui d’arrivée en studio à poil en essayant au maximum de se faire confiance ; celui de définir une direction sonique précise et celui de produire un disque plus affirmé et nerveux que le premier, quitte à perdre quelques fans au passage. Ce n’était pas gagné d’avance. Mais les résultats sont là puisque la grande majorité des concerts sont désormais complets, et que sur Internet des fans débattent pour savoir si « Midas » ne serait pas un meilleur disque que le « Romance » des rockeurs Irlandais, sorti à peu près à la même période. Wunderhorse a réussi à transposer l’énergie live dans un album coriace, excité, fébrile et convulsif dont il est difficile de se détacher. « Quand on a commencé à se faire un nom, les gens ont dit: « vous allez être les prochains, vous allez devenir comme Coldplay. » Mais on ne veut pas devenir Coldplay. Donc on s’est posé des questions pour savoir ce que la musique avait besoin. Et selon nous, elle a besoin d’une injection dans l’avant-bras. »

Pour ceux qui auraient besoin rapidement d’une dose supplémentaire, la formation a sorti un nouveau morceau début juin intitulé The Rope, décrit par Jacob comme un pont entre « Midas » et ce qui arrivera par la suite. Mais pour l’instant, pas de pression pour la sortie du LP numéro trois. Et si leur label s’aventurait à devenir un peu trop insistant, le chanteur a déjà la parade : « C’est à ce moment-là que tu prends un billet sans retour pour Mexico ».

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