Valhalla rising, dernier film du Danois Nicolas Winfin Refn, est ce que Bronson était très loin d’être: un trailer putride, banal et magistral, portant les germes du grand classique adulé demain par le pisse froid qui le houspillait hier. Quelques mois après sa sortie en France, et déjà disponible là où vous savez, petit précis d’analyse filmique sur ce drakar des salles obscures.

Le Guerrier silencieux (c’est le titre français) est autant un film de viking que ma grand mère une belluaire cosmique luttant pour la survie de l’humanité. Ok dans ce film les acteurs sont laids et sauvages. Ok dans ce film, on voit de méchants drakkars. Ok dans ce film, les femmes sont absentes. Et quand elles sont là, ce sont de putain d’esclaves. Ok, c’est un film Danois. Mais c’est aussi – et surtout – un grand film métaphysique. La fainéantise d’esprit me pousse un peu à paraphraser Philippe Rouyer – de Positif – qui comparait Valhalla Rising à 2001: l’Odyssée de l’espace. C’est pas du film de violeurs/pillards/bourrins nordiques qu’on a là, mais de la pure science-fiction. Qu’est ce qui nous dit, ou qui ne nous dit pas plutôt, que nous sommes bien au 12ème siècle, quand certaines tribus vikings s’étaient converties au catholicisme et que tout bon chevalier du Christ, tout en suaire et en biceps, se devait de parcourir plusieurs milliers de kilomètres pour aller trancher de l’infidèle? Pas grand chose finalement, excepté les délires de l’écossais viking fanatique interprété par Gary Lewis.

A ce niveau là, tendre lecteur, vous vous dites sûrement: “il débloque, il tord le film pour l’enrouler maladroitement autour de sa théorie farfelue, quel crétin”. Peut être. Mais ces hypothèses intelligentes – comme le dernier Michael Bay – n’ont pour seul but que de vous guider vers les qualités (cachées pour certains, inexistantes pour d’autres) immense de ce film gargantuesque. C’est un film de viking, admettons. Mais qu’importe!

Est ce que ce vous regardez du pornos pour le scénario? Est ce que vous écoutez Black Sabbath pour entendre Ozzy chanter? Est ce que vous écouter Oasis tout court?

Les vikings ne sont qu’un prétexte. Refn le dit clairement dans ses interviews, lui qui n’arrive pas à trouver d’intérêt pour tous ces mythes de vieillards borgnes et libidineux et de ces fins du monde qui n’intéressent que le geek de troisième zone. Il transformera donc ces païens en catholiques. Et en chemin, il découvrira cette chose indéfinissable qui le dépasse, sans doute. On peut bien sûr louer le réalisateur et son équipe pour la photo somptueuse, le jeu de Mads Mikkelsen impressionnant de sauvagerie, les musiques étouffantes, le rythme majestueux et solennel… Mais en creusant la pellicule, on s’aperçoit de la véritable taille de la bête, Nicolas Windin Refn n’a absolument aucune idée de ce qu’il a lâché sur le monde.

C’est un film indomptable et incomparable. Certes, on trouve un peu du Aguirre d’Herzog, un peu du Nouveau Monde de Malik – comme on peut à pu lire un peu partout – mais ces comparaisons foirent lamentablement une fois le film bien assimilé et bien digéré. Valhalla Rising c’est avant toute chose, cette relation entre ce monstre muet et borgne et ce gosse qui parle et qui voit clair. On part sur la base du duo guerrier/enfant de Baby Cart, on la plonge dans la brume, on la cuit et on la mâche furieusement pour en recracher un long périple des hautes terres d’Ecosse jusqu’au continent Américain. Aucun village, pas de pays, pas de rois, rien. Juste l’homme, sa bite et la nature.
Mais la nature sert d’excuse, plus vide qu’autre chose; et les décors de peintre laisse penser One Eye, héros de ce film tortueux. En pleine quête intérieure, One Eye ne lutte pas seulement pour sa survie, il se bat aussi pour répondre à la question que vous vous posez tous une fois le loyer payé, le whisky vomit et le réveil explosé: qu’est ce que je fous là?

Valhalla Rising est sans doute un film de viking, de science-fiction ou de guerrier-qui-se-battent-et-s’enculent-dans-la-boue-et-qui-vont-buter-des-gens-qui-ne-leur-ont-absolument-rien-fait. Mais c’est surtout un putain de bon film universel susceptible de toucher tout le monde, à la condition qu’on veuille bien se sortir le(s) doigt(s) des orifices et qu’on remette gentiment son cerveau à l’emplacement initial.

2 commentaires

  1. J’avais lu après vu le film cette phrase hilarante de justesse: »ca commence comme Conan le barbare et ça finit comme un Tarkovski ».
    Tout est dit.

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