Dix bonnes raisons de vomir un groupe imprimé en caractère gras dans l’inconscient collectif ? D’abord, c’est en donner neuf de trop. Ensuite, c’est rétropédaler dans le vide. Surtout, c’est profondément ennuyeux. Secrètement, j’espère ébranler mon patron à face canidée au point qu’il en renverse de son White Russian sur sa toge bleue à fanfreluches dorées. Dans le fond, je préfère chercher l’unique raison qui me raccroche à un groupe préfabriqué pour servir de cible humanoïde à la critique.

Everything in Between

Eux, c’est No Age. Un nom bidon qui résume à lui seul l’étendue du cliché qu’ils représentent. Polaroïd d’une soirée étudiante en Californie, les jeunes convives sont beaux, pas très malins, portent l’amour de la bière tiède à même l’ADN. A l’arrière-plan, deux blaireaux indissociables du reste du troupeau tirent des tronches d’enterrement sous la neige. Le soleil de L.A. les gonfle depuis qu’ils sont biberonnés à la Biafine. Eux ne sont pas des ploucs, ils aiment Suicide et la No-wave, savent placer Berlin sur une carte et s’enferment dans des chambres froides à peine passée la porte de la maison de leurs parents. On les imagine sans soucis photographes d’arrêts de bus, skateboarders des downhills, glandeurs des galeries d’art.

Oui mais voilà, leur musique est pleine de compromis et les déçoit eux-mêmes. Portés par leur envie de glacer le sang d’un public trop peu habillé, ils ne résistent pas aux promesses des bikinis sur les plages et noient leur poisson surgelé sous de longues coulées d’héroïsme en short de bain.  Des suites d’accords pour frimer dans les rouleaux sans trop abimer sa chevelure faussement négligée. Ils voulaient siffloter froidement les métros sales et les bâtiments soviétiques,  les voilà à rejouer le sketch de la cavalerie sur Venice Beach, des hordes de punks à roulettes sur les quartiers résidentiels.

Comédie ! Bouffonnerie ! Bourgeois ratés ! Et déjà trois albums que ça dure…Qu’on leur brule la mèche, qu’on les fasse rôtir dans la graisse de porc et qu’on les bouffe à la même sauce que l’indigeste dernier album de These New Puritans. Une seule écoute suffira à révulser les plus fins gourmets jusqu’au haut-le-cœur.

Pourtant, aussi vrai que le dernier des kébabs  du fin fond des Yvelines peut sauver mon estomac et ma conscience du vide abyssal des nuits étranges, ce genre d’album remplit une fonction bien particulière. On y retire toutes les lamentables tentatives arty, on ferme les yeux sur l’échec patent de ses ambitions hyper-prévisibles pour se vautrer dans le confort de son ridicule inavoué. Ces  airs simples, ces sonorités familières rappellent le goût de la viande hachée dans la purée granuleuse. Skinhead, Valley Hump Crash, Chem Trails, au moins trois titres qu’on laisse de côté pour demander du rabe. Les plus bas de plafond, les plus salés, les plus précieux glaviots de teenagers. Sous le soleil exactement, assis en tailleur dans l’herbe verte. Toisant avec dédain, de loin, les placides bovins à crête que les autres adoraient (les Blink 182, Offspring et autres…), je me complaisais dans la solitaire fierté d’aimer un groupe inconnu des masses insensibles.

Everything In Between suinte l’odeur sucrée-salée de l’échec personnel encastré dans l’orgueil le plus ridicule. Un album moins raté que ses auteurs, qui ne restera que dans les mémoires des anciens teenagers vaguement snobs qui écoutaient The Promise Ring.

Glitter

No Age // Everything in Between // PIAS (Sortie Septembre 2010)
http://www.myspace.com/nonoage

10 commentaires

  1. un cas d’école du fameux adage que l’on connaît tous : « toute chronique de disque est aussi un autoportrait de son auteur »

  2. bof je ne vous suis pas trop là dessus pour moi c’est simplement raconter une histoire, « informer » d’une manière subjective en donnant un sentiment passionné.
    l’auto portrait / psy peut très bien fonctionner mais ce mode de « fabrication » n’est pas l’unique.

  3. Désolé, mais je résume ton article à de la pure haine et de la connerie, puis les commentaires ci-dessus résument plutôt bien ce qui en est.

    Allez, bises.

  4. Merk_C,

    vous n’avez du lire qu’un mot toutes les deux lignes pour ne trouver que de la haine dans mon papier.

    C’est tout de même dommage, une grille de lecture en braille lorsqu’on est manchot.

    Sans rancune.

  5. Raymonde,

    Non, je ne les ai jamais rencontré, allez-vous me retirer ma licence?

    Je pourrais discuter avec vous de leurs influences (déclarées ou ressenties), des similitudes de Everything In Between avec leur album précédent, mais la tournure de votre question me laisse croire que vous n’attendez de moi qu’un peu d’auto-flagellation.
    Dans ce cas, je vous souhaite bon vent dans votre carrière de Kapo du web.

  6. C’est hyper vrai. Jen ai trop mare de ces produits préfabriqués manufacturés en supermarchés de cellophane. Truc d’ados, truc de bobos, trou d’égout, trop manchot pour sonner à leur juste imposture.

    Enfin, ceux qui aiment se reconnaitront : les rats aiment le navire.

    Bien à vous.

  7. Cher VV Braun,

    Loin de moi l’idée de vous policer ; la métaphore nazie me semble d’ailleurs bien disproportionnée.

    Je m’étonnais seulement de l’idée que vous avez de ce groupe, qui contraste quelque peu avec l’image qu’il donne en interview.

    Raymonde K. Po

  8. Ha quelle article, on s’AMUSE !

    NO AGE reste bien le cliché des branleurs de LA , et parfois c’est bien de bander sur des USA artybeauf que de pourrir dans les pays de la loire…

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