Après avoir divisé la population terrienne en deux, suite une performance ahurissante en plein cœur du Mexique ancien (il y a les humains qui l'ont écouté, et il y a les zombie

Après avoir divisé la population terrienne en deux, suite une performance ahurissante en plein cœur du Mexique ancien (il y a les humains qui l’ont écouté, et il y a les zombies), après avoir couché l’analogie ultime sur support pas vraiment analogique (dancefloors = supermarchés), Koudlam ne pouvait plus réaliser qu’un seul et unique exploit. Enregistrer le disque de la fin du monde.

Le ciel se fait menaçant mais je n’y porte pas d’attention. Pas plus qu’au clignotement qui annonce que la batterie de mon ipod est bientôt déchargée. Le regard perdu dans l’examen sordide d’une vitrine illuminée, je ne vois qu’un reflet du vide sur l’étiquette du prix, j’entends un sourd écho mortifère me répéter «offre exceptionnelle, soumise à conditions». Apeuré je m’éloigne, mêlé à mes congénères d’infortune, je m’aperçois qu’ils filent tous la tête basse, droit dans des fringues grises un peu trop larges. Patience.

Elle approche la fin du monde. Elle serait même datée. Et pour bientôt en plus, c’est l’affaire d’une ou deux années, à en croire une poignée d’illuminées cherchant une sortie de secours, un escalator vers la Vérité sur dailymotion. Chouette, bien qu’un peu long soit le délai d’expiration. Puis, de toutes façons, les Mayas l’avaient prédit. Incas, Mayas… quelle différence dans un monde qui a fait de l’approximation une valeur fondamentale ? Ils avaient tout prévu, longtemps à l’avance, ces cons-là. Et ils doivent bien se fendre la poire maintenant, d’où qu’ils soient perchés ou enterrés. Bientôt nos enveloppes corporelles délestées de leurs infâmes âmes perfides et destructrices pourriront sous le soleil rouge sang du point Z, celui dont rien ni personne ne revient jamais.

Et ce sera la fin. La fin des Mayas, fin des vestiges, fin de l’humanité toute entière. Mais lorsqu’elles vogueront dans le vide du fondement d’on ne sait quel trou noir à la recherche d’un au-delà aussi survendu de leur vivant que fictif, nos âmes matinées de poussière valseront toujours sur le tempo des derniers sons qu’elles auront entendu. Et c’est de Koudlam qu’elles se souviendront.

Car tout est écrit depuis l’enregistrement de la dernière note de Goodbye. Il est désormais certain que l’humanité se sabordera d’elle-même sentant le danger venir, évidemment trop lâche pour assumer le châtiment préparé. Et nous abattrons nos buildings d’affaires, nos HLM et nos temples Incas au son de Tonight. Nous détruirons nos listings de relations sociales, amicales, sentimentales et familiales ainsi que les cercueils de nos peu glorieux aînés et leurs tombeaux arbitraires en écoutant Love Song. Nous forniquerons sur les dancefloors berlinois grâce à Middle avant de les défoncer à la francisque, de brûler les bars de la capitale, de piller n’importe quelle enseigne pourvu qu’elle brille plus que les autres. Nous nous attaquerons à tous les monuments qui ont pu être érigés en souvenir de quelques batailles physiques, précipités vers le non-sens continu dans lequel nous nous serons empêtré jusqu’aux dernières secondes de nos mornes existences, et ce en hurlant à la mort, en coeur avec Koudlam sur See You All.

Chers chérubins, bien que généreuses, les larmes que verseront vos parents à l’idée de ne pas vous voir dépasser les cent mois de survie ne suffiront pas à calmer le gigantique incendie que nous ferons s’embraser avec Wave Of Mutilation pour mieux dire Adieu, enfin, aux steppes, prairies, montagnes et autres derniers vestiges de l’empire Vert déchu depuis plus d’un siècle déjà. Adieu, et merci pour nos consciences. Mais elles nous serviront tout de même à plonger une dernière fois, libérés du poids de l’avenir, dans un bain purificateur au cours duquel nous nous laverons mutuellement de toutes nos névroses, de tous nos pêchés d’ignorance, de tous nos préjugés. Je te frotterai le dos en insistant bien sur tes côtes et en marmonnant Eagles Of Africa dans le coin de ton oreille. Puis nous nous laisserons sécher au vent, caressés par la douceur de Brother et quand la ritournelle s’emballera, nos cœurs délestés du poids immonde de la conscience danseront avec l’éternité une dernière valse morbide.

Alors, nous marcherons lentement, suivant le rythme de Flying Dolphins jusqu’à la dernière des pointes du Yucatan. Là, Koudlam nous surplombera de toutes son aura, si mystique et si familière à la fois. Il nous jouera Goodbye en guise de célébration de l’agonie du soleil. La nuit tombera à jamais, Flying Over The Black Hills With Crazy Horse retentira. Et nous regarderons, dernière représentation d’une vie de spectateurs, l’enveloppe terrestre imploser, les volcans se réveiller dans un rugissement de lave incandescente, les mers s’affoler de vents et marées, la lune s’écraser dans un fracas insonore, l’atmosphère se déliter et abandonner toutes ses couleurs. Et nos vies quitter nos corps qu’elles ne comprennent plus, sans se retourner, comme trop souvent.

L’averse a désormais trempé mes cheveux et la musique s’est arrêtée brutalement. Je baisse les yeux, une affiche me fait face. Bariolé de couleurs agressives, un assureur me pointe du doigt, et d’un clin d’œil hypocrite m’assomme en lettres capitales. ET POUR TON AVENIR, ON FAIT QUOI ? On écoute Koudlam. Et on attend.

Koudlam // Goodbye // Pan European

http://www.myspace.com/koudlam

27 commentaires

  1. L’album de Koudlam est ce que j’ai entendu de plus boulversant. 27 ans et je n’ai pas le souvenir d’avoir pris un telle claque…

    L’article est très bon aussi.

    Une question que je me pose en revanche : Comment a été perçu cet album en dehors de nos frontières?

    Olivier

  2. je viens d’assister à un live de ce Koudlam … une vaste blague de personnage alcoolisé et chantant faux à souhait … difficilement recommandable 🙂

  3. je viens d’assister à un live de ce Koudlam … une vaste blague de personnage alcoolisé et chantant faux à souhait … difficilement recommandable 🙂

  4. Anonyme (celui du 9 avril), si tu parle du concert d’hier soir à Roubaix, c’est sûr qu’il avait l’air un peu bourré l’ami Koudlam (j’suis parti un petit peu avant la fin donc j’sais pas comment il a fini). Mais moi j’ai trouvé que sa performance (on peut difficilement parler de concert…) avait quelque chose d’intriguant. On est pas loin d’une espèce de transe où le spectateur a envie d’hurler avec lui. C’est complètement cathartique comme athmosphère. Le genre de performance qui ne te procure pas de notion de bien ou de mal mais qui dérange… La preuve est que son style est pas classable (New-wave ? EBM ? Electro ?). Le son était parfois bien pourri au concert mais le dernier album a l’air plutôt bien produit.

  5. Ah si, j’ai justement trouvé ça dérangeant ( à la cave aux poètes ).
    Personnellement, pas d’effet cathartique, je me sentais juste tiraillée entre l’envie de rester parce que ces albums sont géniaux et que j’avais la chance d’être à 2m de celui qui les a pondus… et la troublante impression d’être ‘voyeuse’ quelquepart, à me dire que j’avais payé ma place pour ‘le spectacle’, un spectacle très new-wave ( j’ai repensé au film ‘TARNATION’ pendant le live )… en tout cas le moins qu’on puisse dire est que c’était effectivement intrigant ! Est-il toujours aussi défoncé en concert ?
    Le son a beau avoir été mauvais, ça restera pour moi une soirée sacrément mémorable.

  6. C’est vrai qu’en y repensant et en écoutant son album (que j’ai acheté le lendemain) je me suis demandé s’il était comme ça à chaque concert… Mais j’me suis surtout dit qu’en étant un peu moins attaqué par l’alcool, il aurait fait une meilleure performance, sans doute. En tout cas son album est vraiment bon, quasi rien à jeter !
    C’est quoi ce film « TARNATION » auquel tu fais référence ??!

  7. Oui, je suis d’accord avec toi pour les qualités de l’album, des albums même, de Koudlam.

    Tarnation, c’est un film autobiographique de Jonathan Caouette, qui raconte sa vie depuis son enfance, à partir de montages ( psychédéliques et torturés ).
    Ce film dénonce des tas de choses relatives à la culture américaine, mais ce n’est pas par rapport à ces aspects que le concert m’a fait penser au film ; Jonathan Caouette a évolué pendant les 80’s dans un milieu de drogue et d’alcool ( entre autres ), et le montage de certains évènements torturés dans le film ( tant sur le fond que sur la forme ) m’avaient fait ressentir les mêmes sentiments que pendant le concert de Koudlam !

     » Tarnation, est une sorte de long rêve, parfois cauchemardesque et surréaliste, un chef d’œuvre de l’underground, aux allures de film psychédélique. Une histoire vraie, émouvante, comme un long poème  »
    ( Wikipedia )

    Un film marquant, à voir !

    ( bizarre, ce forum, je ne sais pas trop qui y passe, et qui pense à y poster ! )
    En tout cas, contente de ces quelques échanges sur cet étrange concert 🙂

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