Un homme d’une cinquantaine d’années marche sous un ciel étoilé. Il slalome entre les escaliers de secours donnant cet unique relief aux immeubles new-yorkais. C’est ma toute première image, je décide de la suivre avec ce type. L’album ne mérite pas une biographie de groupe, juste le sentiment d’un instant.

C’est avec le visage masqué par une gavroche de velours noire et un col remonté sur ses joues que l’homme continue sa route en faisant claquer le bas de son par-dessus noir sur le cuir de ses bottes taille 43. Il bruine et des flaques d’eau se forment, grandissent puis débordent jusqu’à recouvrir la chaussée défoncée. Titubant, il m’amène à passer devant une poignée de clubs déserts où quelques jazzmen tirent des accords ambigus devant un public au fond de la cuve. Quelques sonorités de cuivres cabossés se faufilent sous les portes pour gouter au grand air de la liberté. Les poubelles dégueulent le quotidien crasseux des habitants du quartier, je trébuche sur une boite de conserve.

Le probable gangster marche et se retourne, sentant qu’il est suivi. Walkman sur les oreilles, je tente de me faire discret en écoutant Certain General, l’ester d’une copulation entre Tuxedomoon, Joy Division, the Rapture, une plage (n’importe laquelle) et bizarrement, This is it des Strokes. L’eau suinte le long des escaliers en fer rouillé.
Une Ford Mustang déboule, renverse mon homme, puis un type cagoulé ouvre la portière de la bagnole, histoire de l’achever à coups de mitraillette. Je me précipite au dessus du gars. Les yeux pochés, les traits marqués, il me susurre ses derniers mots. Des phrases fusant tel le vent sonore d’un saxophone qui s’éloigne puis terminant sa course dans la confusion, la distorsion.

Merde alors, il ne me reste plus qu’à taper dans les mains.

Je repars, toujours le casque sur les oreilles avec une voix rythmée qui donne la cadence à mes pas. Une légère folie s’en dégage, je cours, trottine, ralentis, m’arrête, puis file à nouveau. Quelle drôle de nuit. Une liasse de billets en poche, je passe boire un verre dans un de ces bistrots rose où des femmes dansent, dénudées sur de douces ariettes violacées. Je sèche un double-scotch sans glaçon devant de lugubres enceintes recouvertes de peluche rouge comme les amplis de Murph et les Magictones. Le jour se lève enfin et il me faut refuser les avances d’une gogo en lui promettant que je reviendrai. J’ai passé une bonne nuit. Originale sur les bords. Je ne pense pas l’oublier, mais c’est pas pour autant que j’en retaperai de pareilles. Une soirée agréable, voilà.

Eye Contact

Certain General // Stolen Car // 2010
http://www.myspace.com/certaingeneral

2 commentaires

  1. Réécouté November’s Heat; malgré la prod datée toute en high-medium, les mélodies restent fascinantes (adjectif merdique, soit). Un de mes premiers concerts à Clermont-Ferrand, à la Maison du Peuple peut-être.
    Pfff, je en sais pas si c’était un âge d’or musical ou si mon jeune âge me rendait alors explorateur buvard de terres en friche.

  2. Je préfère l’album « Cabin Fever » parce que sa production a moins souffert des outrages du temps. A part ça, je suis ravi d’apprendre que Parker est toujours créatif. Souvenirs d’un excellent week-end à Lausanne et Lutry chez une amie commune il y a…

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