Le multi-instrumentiste hyperactif Kim Giani s’est produit au Bataclan à Paris ce 29 mai, en première partie de la chanteuse Cléa Vincent. Autour d’un café, Kim nous parle des chansons anglaises qui ne sonnent pas en français, de la new wave qui sonne super bien en russe et aussi, un peu, d’astrologie.

Clap ! La capsule enfermée, le ronronnement de la cafetière se met en marche. Son éternelle coupe au bol vissée sur la tête et la peau glabre, le musicien prolixe Kim Giani lance les cafés derrière le comptoir de sa cuisine américaine. « Kim, c’est un grand bavard, nous a soufflé la chanteuse et pianiste Cléa Vincent. Avant de passer en studio, il aime parler. Il te fait un café et discute littéralement trois heures avec toi avant de travailler. » Le centre de gravité de la maison du musicien pop à la cinquantaine d’albums solos n’est pas tant son studio maison, dans lequel on plonge en passant son pas-de-porte ; mais plutôt la table ronde, claire, juste à gauche de l’entrée, sur laquelle une tasse de café fumant attend. Son groupe Les Clopes se produit au Bataclan, à Paris, le 29 mai en première partie de Cléa Vincent – également membre des Clopes.

Le secret du son de Kim Giani ? La rapidité. Une fois plongé dans son studio tapissé d’une quinzaine de claviers, le musicien bavard de 47 ans se transforme en monstre d’efficacité. « On a plié nos deux premières chansons en 20 minutes chacune », se souvient Cléa Vincent, qui collabore avec l’artiste depuis 2009. Même sort pour le huit titres « Ballads » de Kim, enregistré en deux jours en 2014.

Un album tous les 4 mois

En sort ce son qui te « surprend, dérange ton oreille », pointe Rémi Foucard, multi-instrumentiste des Clopes. « En studio, tu sens qu’il veut toujours provoquer l’accident heureux. Il enregistre en live, tout le monde joue en même temps. On est parfois dix engoncés dans le studio. En fait, Kim n’aime pas trop répéter. Il veut que les choses soient fraîches. »

« Je suis à cheval sur mes paroles. Elles sont connes, mais elles doivent sonner ».

Super-efficace ou hyperactif Kim Giani ? Sans doute les deux. Depuis ses débuts en 1996, l’artiste a produit une cinquantaine d’albums sous le nom de Kim, soit un album tous les six mois. Si on ajoute la trentaine d’autres CD’s, hors singles, avec ses groupes (comme les Clopes) ou projets solos sous des noms d’emprunt (comme Jean-Pierre Fromage), l’artiste monte même à un album tous les quatre mois. L’insatiable musicien écume, en sus, les collaborations. Yuksek, Luce, Cléa Vincent… Tous se sont laissés tenter par la tempête Kim Giani.

Bélier fonceur

« Je suis Bélier. À ce qu’il paraît, ça me correspond bien. Je ne suis pas patient et je m’emporte vite », explique Kim Giani, les mains agrippées à la tasse. Le CV en témoigne : le musicien sur-productif a écumé les petits labels indépendants, vouant un dégoût certain pour l’industrie musicale. « Il y a les mains au cul des meufs, et les mecs qu’on écrase. »

L’impolitesse, en particulier, fout l’artiste en rogne. Comme le jour où un producteur, à la blague graveleuse facile, se mêlait d’un peu trop prêt de ses compositions. « Je lui ai dit que ce serait ma main dans sa tronche à la prochaine sortie. » La capacité de Kim Giani à envoyer bouler n’est pas nouvelle : quand il se voit proposer, à seulement 17 ans, un contrat avec un gros label – Saint-Graal de tout adolescent -, il refuse. « L’offre était malhonnête », tranche le musicien.

Photo : Il s'agit d'un groupe nantais issu de la scène new-wave et cold-wave porté par son leader Kim Giani qui s'est créé pour l'occasion le personnage de Guillaume Patrick et a changé sa voix. Exclusif - Guillaume Patrick du groupe "les clopes" (de son ...

« Des paroles connes qui doivent sonner »

Sur le plan musical, Kim Giani s’acharne à trouver le texte qui se coule tout seul dans la mélodie. Cléa Vincent se souvient de sa première écoute d’un album du batteur de formation. Mary Lee Doo, sorti en 2009, « avec ses cheveux en casque en gros plan sur la pochette. Il chante en anglais avec un accent français. Ça sonne évident, ça t’accroche direct. Les paroles coulent. C’est de la vraie pop. »

« Paradoxalement, je suis à cheval sur mes paroles. Elles sont connes, mais elles doivent sonner », lance le musicien. Dans le monde de Kim Giani, toutes les mélodies ne marchent pas en français. Alors le chansonnier multiplie les langues : on en trouve 7 dans son dernier album solo, « Aba Gama ». Le français ? Ça marche surtout sur le disco. La new wave et le punk ? Plutôt pour le russe, « surtout depuis qu’ils ont arrêté de vouloir sonner comme les Anglais et chantent sur peu de notes. » Il raffole des Sonic Death. « Ce sont des chansons qui tiennent en six mots, avec des paroles aussi simples que mes cours de russe quand j’étais enfant. On comprend tout de suite, c’est pop. » On aurait pourtant juré que c’était du punk.

« Quand tu voyais les Pixies sur scène, tu avais l’impression de voir jouer ton boulanger ».

Elles parlent de quoi les paroles absurdes de Kim Giani ? Valérie Hernandez, claviériste-parolière des Clopes et épouse de Kim Giani, se sert des milliers de conversation qu’elle a avec l’insatiable bavard pour écrire les paroles du groupe. « On peut parler tout le temps, du matin au soir », lance la musicienne, emmitouflée dans un pull noir avec des renards. Leur discussion sur la peur de devenir des « vieux cons » ? Ils en ont fait la chanson All the things I’ve done. Kim, devant sa tasse, perd son regard en direction du jardin et du son des cris des enfants à l’école. C’est bientôt l’heure d’aller chercher le fiston. « On est encore sidérés d’avoir notre maison dans un pavillon en banlieue, alors qu’on s’est toujours vu comme des anars », s’amuse alors Valérie.

Où est Kim Giani ?

Le musicien chante également dans Le Bowling de Saint-Macaire, dernier single de son groupe Les Clopes, sorti fin avril, en collaboration avec Scymia. Village de 2 000 habitants situé en Gironde, Saint-Macaire se glisse déjà dans Le téléphone cellulaire (ne m’appelle plus) du groupe le plus déprimé de France. « C’est une ville vers Bordeaux que personne ne connaît », explique Kim Giani. « Quand on ne connaît pas une ville, elle nous évoque plein de trucs. Maubeuge, par exemple, ça m’évoquait plein de trucs. Puis j’y suis allé, et depuis ça ne m’évoque plus grand-chose. »

C’est dans la région de Saint-Macaire, en Gironde, que débute la carrière musicale de Kim Giani, au milieu des années 1990. À l’époque, la culture MTV bat son plein, les apparences du too much dégoulinent. En réaction, une frange de musiciens, dont le jeune bordelais, décide de glorifier la neutralité. « Ça a commencé avec les Pixies. Quand tu les voyais sur scène, tu avais l’impression de voir jouer ton boulanger », s’enthousiasme encore Kim Giani, dans son ensemble tee-shirt vert – pantalon noir. Pas de look, pas de plan de carrière, le musicien encore adolescent décide que son nom de scène sera son prénom : Kim.

Mais le musicien assoiffé de projets multiplie les groupes. Ses différentes formations sont parfois programmées aux mêmes soirées. Pour ne pas semer la confusion dans le public, il change alors d’apparence entre les sets. Une perruque afro traîne par-là : le premier personnage de Kim Giani est né.

Puis Kim se lasse de jouer des chansons aux accents mélo-drama de new wave. Il sort une guitare acoustique et compose une chanson paillarde sur les hémorroïdes. « Chaque fois que je la jouais au milieu de mes sets de new wave, elle faisait un bide », s’étonne, sincère, le musicien. Il décide alors de convoquer un nouveau personnage pour interpréter Les hémorroïdes. Ce sera un vieil homme, avec une moustache et un accent du Midi. Il sera méchant, taquin et fera des blagues grivoises : Jean-Pierre Fromage débarque sur la scène française. Pour l’accent, Kim reprend celui de Monsempron-Libos, village de 2000 âmes niché dans le Lot-et-Garonne, où il vient de passer en tournée.

Kim Giani étoffe le répertoire de Jean-Pierre Fromage et entame une nouvelle tournée. « Un jour, je fais un concert sous mon propre nom en restant moi-même ; le lendemain, je le fais au nom de Jean-Pierre Fromage », résume Kim Giani. Cerise sur le gâteau, il se fait un peu plus de thunes. Suivent les rockers de Béton Plastic : lunettes de soleil, cheveux longs plaqués et accent parisien. « Comme je ne bois pas d’alcool, je faisais semblant de boire dans des cannettes de bière vides », se souvient, en riant, Kim Giani.

enfin l'album!" | Jean Pierre Fromage | KIM

Dans la foulée, viennent les personnages déprimés des Clopes. Tout part de l’envie de se moquer de la new wave de Lescop, un gars qu’il croise parfois à côté de chez lui, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Il décide alors de convoquer l’atmosphère déprimante propre à la new wave. « Quand on met nos lunettes blanches et nos tee-shirts noirs, on devient instantanément apathiques, très mous et nos voix descendent d’une quarte », lance-t-il en imitant une voix grave. Le choix de l’accent est alors tout vu : ce sera l’accent traînant de Nantes.

« Je bois les accents en tournée », explique l’artiste, qui s’empressait, la veille au téléphone, de demander à l’auteur de cet article son lieu de naissance, intrigué par des notes d’accent du sud. « Je galère encore sur l’accent de Besançon par contre. Il a des notes de Suisse très subtiles. »
L’artiste travaille désormais sur de nouvelles chansons, via son projet Maximum Cagole, avec des influences de makina. Celles-ci feront intervenir deux personnages : un Lillois et un Marseillais. L’écriture de cet article termine tout juste qu’Internet nous informe de la sortie de Sinq, le 31 mai, cinquième album des Clopes. Ça sonne live et bricolé : du pur Kim Giani. Nous avons peut-être été trop lents depuis notre rencontre avec Kim Giani. Lui avait déjà pris une seconde tasse de café.

https://craignos.bandcamp.com/album/sinq

9 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages