Il y a des groupes qu'on ne pourra jamais interviewer. De peur de passer pour une groupie élitiste ou simplement par crainte de démystifier le son que l'on voudrait écouter tou

Il y a des groupes qu’on ne pourra jamais interviewer. De peur de passer pour une groupie élitiste ou simplement par crainte de démystifier le son que l’on voudrait écouter toute une vie. Alors quand on se gare sur un parking miteux où des vitres brisées recouvrent l’asphalte, on marche. Puis on croise Efrim qui fume son tabac, un verre de rouge à la main. On passe devant, on perd nos couilles, on jouit un peu. Et puis on gueule un salut au fond de nous, bien terré au fond des tripes. Que veux-tu, je suis un homme heureux.

Ce soir, au theâtre Lino Ventura (!) de Nice, la sphère n’est pas remplie, c’est terriblement seul que je m’assieds par terre, jambes croisées, en face du cercle des retours. Je serai rejoint par d’autres, quand Thee Silver Mount Zion Memorial Orchestra s’installera sur scène. Puis un violon que je pensais guitare entame le voyage, perdu dans une distorsion de barres métalliques rouillées. La contrebasse démarre d’un coup, claquant quelques mèches de crins et s’abandonnant dans des aller-retour graves et hypnotiques pendant qu’Efrim gifle les cordes de sa Gibson en hurlant, langue sortie, des mots pleins de folie.
Ils s’expulsent par les voix, les doigts et les bras. Les pieds nus de Jessica Moss se tortillent à chaque fois que son archet avance ou recule, les phalanges de Sophie Trudeau pincent les fines cordes de son violon, Thierry Amar bouge comme le pendule de Foucault, David Payant regarde dans tous les sens et Efrim Menuck massacre le parquet de la salle à grands coups de botte, le regard sûrement parti dans l’étendue où il composa Built myself a metal bird.

Suivent There is a light toujours issu de Kollaps Traxionalles, mais aussi God Bless our dead marines.

Entre chaque pièce musicale, Efrim demande à l’auditoire s’il a quelques questions, histoire de faire retomber la pression avant le morceau suivant. Et ça repart. Des gouttes de transpiration commencent à couler le long des boucles noires du chanteur possédé qui beugle, loin du micro, sur les chants sombres des violonistes. C’est une chanson pour les musiciens qui finissent seuls et pauvres.

Après une poignée de mouvements joués avec transe pendant deux heures, le band offre un dernier rappel aussi puissant que le reste du concert. Si les nappes de distorsion sont parfois ciselées à l’arrache avec un pied écrasant la pédale de volume, rien n’enlèvera ce soir le pureté décapante et intense de chaque morceau.

Tu pourrais me faire un dessin ? Peut-être un champs et des lapins…
Off course ! Musicians are cowards…
Il y a un oiseau aussi. Merci beaucoup.
Thank you so much.

Le concert se termine et ces mots seront les derniers échangés avec Efrim, fumant le même tabac et buvant le même vin sur le parking noirâtre où il se trouvait lorsque je suis arrivé. J’aurais dû aussi lui demander qu’est-ce que je pourrais bien écouter à présent. Depuis ce jeudi d’avril, le diamant de ma chaîne ne lit plus rien et au lendemain du concert, une vague de cendres recouvre l’Europe. Une coïncidence qui laisse à penser que les Silver Mount Zion sont passés par là,  labourant la terre et le ciel. Définitivement pas le même monde qu’avant leur arrivée.

Photos : Mathis Up B.

Thee Silver Mount Zion Memorial Orchestra // Constellation Records
http://www.myspace.com/asilvermtzion

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