Crédit photo : Camille Schuster

Antonio, le claviériste du Villejuif Underground, est de retour en solo après s’être reconverti dans les moteurs de bateau à Marseille. Au programme : un EP synthétique et mélancolique, en mémoire du temps où il se faisait chourer ses affaires dans la rue en dansant complètement déchiré.

Depuis la sortie de leur album When Will the Flies in Deauville Drop? en 2019 chez Born Bad, puis l’explosion du groupe du 94 pendant le Covid, que diable sont devenus les membres du Villejuif Underground ? Si Nathan Roche – le chanteur-poète australien du quatuor – est devenu surveillant dans un collège et vient de sortir une BD, il n’est pas le seul à avoir fait un (gros) break musical. Antonio, le claviériste du Villejuif, a lui aussi tout plaqué en quittant la région parisienne, avant de reprendre son projet synthpop solo.

L’occasion de publier Danse avec les shlags, avec le label de pop Entre-soi. En parlant de l’EP, produit avec une bonne dose de synthés rétros par Jacques Le Honsec (le chanteur du groupe de new wave Goûts de luxe), Antonio cite tout un tas de gros noms de la chanson française comme Alain Bashung, William Sheller et Alain Chamfort. À noter au passage qu’il a 32 ans et non 60 : il précise avoir également écouté en boucle PNL et Jul en écrivant les morceaux. En bref, des histoires d’amour et de lose sans jamais trop se prendre au sérieux : des textes parfaits pour rêvasser en pensant à sa meuf ou son mec (et déprimer un peu en se souvenant de ses exs).

Qu’est-ce que tu es devenu depuis la mort du Villejuif Underground ?

Juste après le Covid, j’ai complètement arrêté la musique. J’étais financièrement dans la merde, je n’avais plus une thune. Donc je suis parti faire un apprentissage à Marseille, en bossant dans les moteurs de bateau sur le Vieux-Port. J’ai coupé avec tout ce qui était artistique, j’ai fait une sorte de rejet. J’ai fini par reprendre timidement, et les gens du label d’Entre-soi ont été hyper enthousiastes en me voyant jouer. J’avais déjà tous les sons de côté et ils ont décidé de les sortir, ça m’a remotivé.
Les chansons ont été enregistrées au studio qu’avait Jacques Le Honsec à Belleville. Il m’a invité là-bas après m’avoir vu à Petit Bain. Ce mec a fait des disques d’or avec Goûts de Luxe dans les années 80, certains sons comme Les yeux de Laura passent encore sur Nostalgie. Il m’a fait toute la prod sur cet EP en utilisant des samples de vieilles machines et du matos plus récent. Globalement ce sont des boîtes à rythme et des synthés assez anciens, du genre X7.

« Le morceau Wagon Bar a été prophétique : j’ai rencontré ma copine avec qui je suis aujourd’hui dans un wagon-bar ».

Dans l’EP, tu parles d’amour avec souvent pas mal de déprime. C’est 100% inspiré d’histoires vraies ?

Ça date d’une période où j’avais une relation compliquée avec une fille. On cassait beaucoup, on se remettait ensemble… Plusieurs expériences m’ont inspiré, et tout a été remanié et réinterprété par le travail de l’écriture pour rendre ça un peu plus universel. Le morceau Wagon Bar a lui eu une valeur prophétique : j’ai rencontré ma copine avec qui je suis aujourd’hui dans un wagon-bar, un mois ou deux après l’écriture de la chanson.

Le morceau C25, c’est en hommage au van avec lequel vous partiez en tournée avec le Villejuif ?

Ouais, c’est une référence au Citroën C25 du Villejuif, tu es monté dedans (NDLR : au cours d’un « 24H Avec » entre Grenoble et le Val-de-Marne pour le mag Gonzaï n°23). J’ai écrit ça en 2017, c’est aussi une ode à nos 25 ans, qu’on vivait en tournée avec une vision peut-être un peu fataliste. C’était le moyen de locomotion qui nous a emmené partout pour des concerts, et en même temps il tombait tout le temps en panne. C’est un reflet de nous-mêmes. On avait peut-être la possibilité de vivre de notre musique, d’être « libre ». Et en même temps on se mettait des bâtons dans les roues avec pas mal d’auto-destruction, qui nous empêchait de vivre ce rêve. Sans parler de constat d’échec, il y a un parallèle avec ce van.

« J’ai écrit les chansons de 2017 à 2020, il n’y avait pas beaucoup d’espoir quand on était jeune dans ces années-là. »

On retrouve ce côté toujours un peu triste dans tous tes textes, d’où est-ce que ça vient ?

Au moment de l’écriture, je partais dans un truc assez déprimé, désenchanté, avec en même temps l’envie de croire en une histoire trop complexe. Mais en sortant de ma petite personne, je pense que c’était aussi un ressenti de l’époque. C’était la France post-attentats, post-gilets jaunes, juste avant le Covid, avec politiquement pas mal de désillusions. J’ai écrit les chansons de 2017 à 2020, il n’y avait pas beaucoup d’espoir quand on était jeune dans ces années-là.

Crédit photo : Camille Schuster

Tu ne chantais pas du tout au sein du Villejuif, et quand tu as commencé à sortir des morceaux de ton côté sur ton Soundcloud, tu utilisais plein d’effets sur ta voix. Depuis, comment as-tu bossé là-dessus ?

Au départ, je voulais juste mettre mes textes en avant. Je n’aimais pas ma voix, mais j’étais obligé de chanter. J’étais très timide donc je mettais beaucoup d’autotune. Au fur et à mesure, j’ai de plus en plus assumé ma voix, je travaille toujours sur le chant. Au final ça permet de mieux porter les textes. Il faut oser se mouiller et aller au bout des choses, il y a un truc de maturité.

Question con : pourquoi l’album s’appelle Danse avec les shlags ?

Je me suis retrouvé plusieurs fois complètement déchiré à danser avec des inconnus, en me rendant compte le lendemain qu’on m’avait volé ma montre ou d’autres objets précieux. Lors d’une grosse teuf à Nuit debout, sur la place de la République à Paris, on m’a volé mon portefeuille. Quand tu danses pété à la MD avec des pickpockets, tu finis par te faire niquer. On retombe sur ce truc de désenchantement : tu veux danser avec les gens et tu te fais juste niquer. Et malgré tout tu continues à vouloir danser. C’est pas triste, c’est juste la vie. J’ai une double origine : juive par ma mère et mexicaine par mon père. Ce sont deux peuples qui ont une espèce de fatalisme et tu retrouves ça dans la musique : ils arrivent à pleurer, rire et chanter en même temps. C’est une belle façon de représenter l’existence, c’est un mélange de tout ça.

Nathan Roche parle de repartir enregistrer un album et de nouvelles tournées pour le Villejuif. Vous reprenez du service ?

Maybe oui. Rien n’est sûr, mais peut-être.

L’EP Danse Avec les Shlags est dispo sur le Bandcamp d’Entre-soi.

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