A trop discuter avec les stars confirmées du music business qui vendent à bout de bras 800 exemplaires de leur sixième album, j’en suis arrivé au constat qu’un groupe unsigned posséd

A trop discuter avec les stars confirmées du music business qui vendent à bout de bras 800 exemplaires de leur sixième album, j’en suis arrivé au constat qu’un groupe unsigned possédait en lui la puissance d’une vierge.

Les débutants : La beauté du regard pur, le propos racé et les jambes entrouvertes, prêtes à accueillir le public. Le genre d’émotion qu’on retrouve chez la jeune femme qu’on déflore, un petit bout de terre jamais foulée par l’homme avant vous. En hyper-raisonnement, discuter avec des musiciens en devenir, c’est soudain s’imaginer tel un Christophe Colomb souillant les negritas, celles qui justement parlent une autre langue, le regard mouillé vers d’autres horizons. Bien sur si vous êtes atteint d’un cancer en phrase terminale ou que vous venez de perdre votre job, ma métaphore tombe à l’eau, dans ce cas précis, merci de cliquer immédiatement ici.

Plus près de moi seigneur, et pas trop loin du cœur, rendez-vous dans un bar PMU parisien. Il est 20 heures sur une place quelconque, le citadin rentre dans de grandes tours en béton et j’ai rendez-vous avec Agnès, leader de la Féline, un cappuccino pour moi, une bière pour elle.. Dis comme cela le fantasme d’un groupe coké jusqu’à l’os tournant à travers le monde bat de l’aile. Pourtant une poignée de groupes parisiens fout actuellement la branlée à la concurrence, sans que personne ne daigne en parler. Grossière erreur lorsqu’on sait qu’un groupe, comme la jouvencelle, n’a jamais autant envie que lorsqu’il n’a pas encore joui. A l’heure au rendez-vous, la Féline assure encore dans mon iPod. La suite c’est ici-bas. Histoire d’un groupe en devenir qui sort son premier EP 6 titres, des histoires de western en V.F. et des odes à Robert Altman (John McCabe).

Bonjour Agnès. Comme tous les gros cons parisiens je vous ai raté lors de votre plus gros concert en première partie d’Alister (remercions le d’avoir choisi la Féline, NDR) à la Cigale, accoudé au bar, pensant que la première partie serait chiante. J’ai remonté le fil de votre histoire après coup, tombant à la renverse sur des titres comme La passegiatta. Tu me résumes vite fait l’histoire du groupe ?

La féline a eu plusieurs vies, mais depuis un an les choses ont pris finalement forme, avec cette guitare surf, effectivement, qui donne des impressions de Morricone avec des chœurs féminins. Tout a finalement changé avec le départ de l’autre fille guitariste, qui voulait des choses plus rock, qui en plus était frileuse avec les textes en français. En plus elle voulait être bassiste alors forcément.. elle est partie monter son propre groupe (Temporary January, un groupe beaucoup moins bien, NDR) Mais tu vas pas le marquer ca, dis?

Non non rassure toi.

Nan parce que je veux pas d’emmerdes. J’aime beaucoup ce qu’elle fait, elle prépare un album solo en plus.

C’est quand même dix fois moins bien que la Féline. Enfin bref, donc maintenant vous êtes en trio c’est ca ?

Oui, un clavier, une batterie (également membre de Poster Moderne) et moi à la guitare. Là ça va, on s’entend tous bien, une autre fille nous rejoint à la guitare, j’ai oublié de le dire.

Oui mais allons, soyons sérieux, c’est une dictature La Féline non ? C’est toi qui mène le groupe à la baguette non ?

Disons que j’apporte les compositions, la logistique, mais le groupe est indispensable. La Féline c’est un groupe, on se complète.

A quel moment parviens-tu à définir précisément le son de la Féline, ce mélange de Kate Bush sur les voix et de Morricone sur les arrangements ?

J’ai toujours eu un problème de cohérence là dessus. Il y a un espèce de carré magique avec d’un coté la pop sixties, les Zombies, la new-wave genre Wire, la pop moderne comme Phoenix, la période synthé français genre Elli et Jacno et puis le folk sur lequel on est tous d’accords : Neil Young. Le mec qui nous touche absolument, au delà du mouvement folk intimiste actuel. Le yukulele, c’est la nouvelle musique d’ascenseur non ?

Disons que tu prêches un converti

Moi j’aime le folk épique. Un artiste français que je classerai dans le même genre, paradoxalement, c’est Michel Polnareff, Sous quelle étoile suis-je né, toute cette période, c’est folk non ? Idem pour Miss blue jeans ou Mes regrets. Dans ces moments là, le coté guitaristique, les arrangements de malade, tout cela me fait chialer chez Polnareff. Ce sont ces artistes, en France, qui me raccrochent à un mouvement. Ca et quelques chansons de Barbara. Et puis, plus loin, j’adhère au mouvement, pardon, prog. Certains trucs de chez King Crimson, l’album Red, il y a un souffle qui me parle.

Du coup j’ose à peine te parler de l’influence du kraut sur vos compositions…

C’est la partie synthétique de la Féline, oui. La Dussedorf, Can, font parti des trucs qui sortent de certains de nos morceaux. Ce n’est pas encore digéré malgré tout, on cherche.

Et pourtant tu chantes en français. Patriotisme ?

Non, sincérité. Je composais en anglais au départ, à la Kate Bush, car j’avais peur du syndrome variété à la française. Et puis soudain j’ai réalisé que le français c’était ma langue. Du coup, composer en VF, cela donne plus de fierté, car il faut travailler plus pour que ça sonne. Mais j’aimerai bien lâcher davantage ma voix, plus que sur les chœurs, dépasser le coté Françoise Hardy. Et puis chanter en anglais… quelle légitimité j’aurais moi, à parler de la route 66 alors que je viens de Tarbes ? (rires) M’inventer un accent cockney alors que je viens du sud-est, pfff, trop pas quoi ! Pas possible. Le complexe franco-français sur lui-même, dans le chant, est ridicule. Des australiens australiennes, des anglais aiment la Féline, comme quoi…En contrepartie, la chanson française qui parle de nos vies quotidiennes, la chanson populiste pour parler du destin des classes moyennes et qu’on est tous un peu pareil, non. On dirait qu’il n’y a pas d’imaginaire. Si La Féline tend à se démarquer en France, c’est surtout par rapport à ce genre musical.

Le fait de ne pas avoir de bassiste, c’est un principe esthétique ?

Un parti-pris oui, mais qui pourrait bien changer. Si tu prends le krautrock la basse est importante. Tout reste ouvert à ce sujet, surtout que certaines parties de basse sont jouées au clavier. Sinon j’ai oublié de préciser l’influence de la musique instrumentale sur nos compos, je pense notamment à Exotica, un genre de Morricone en musique d’ascenseur.

Tu parlais de folk épique, on en est pas loin là…

Oui mais les gens disent que c’est la musique de grands espaces mais l’enregistrement de l’EP prêt à paraître s’est déroulé dans des conditions hyper foireuses en fait. Nous sommes le contre-exemple parfait de la démocratisation musicale, ca nous fait chier les ordis. Des fois j’aimerais avoir une vraie reverb’ à ressort et pas un plugin foireux tu vois ! Cela donne pourtant des accidents heureux, des lignes de synthés ultra abusées sur certains titres… Oui mais parfois pour avoir un beau crade il faut des moyens.

Le crade reste insaisissable donc…

Oui voilà. C’est hyper difficile. On n’a pas encore les moyens de nos ambitions, c’est encore un luxe aristocratique de se payer des instruments vintages. On essaie juste de faire nécessité vertu, sans se plaindre.

La Féline, ça marche ou ça se casse la gueule… tu fais quoi ?

C’est un challenge de vouloir émerger quand tout s’écroule ? Je vais reprendre les propos de Bertrand Burgalat dans une récente interview, qui parlait de l’industrie du disque en disant que lui ca faisait 20 ans qu’il était en crise.. Ce sont les grosses structures qui sont touchées. La Féline n’est pas encore assez définie en tant que groupe pour attiser la curiosité des plus gros. Est-ce que cela change grand chose, le fait que tout se noie ? N’a-t-on pas plus de moyens aujourd’hui qu’il y a 15 ans ? L’idée de vivre de notre musique, bien sur c’est séduisant sur le papier. Mais je pense qu’évidemment non c’est utopiste aujourd’hui. Les autres –musiciens de la Féline- pourraient bien arrêté que je continuerai à composer, c’est un besoin vital pour moi.

Bon ben j’ai plus de questions.Ca va, tout s’est bien passé ? Ils te demandent quoi en général les autres journalistes en interview ?

En fait c’était ma première avec toi. Mais j’ai bien aimé, merci.

Photos: Muntz Termunch

http://www.myspace.com/lafeline

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