Cela fait très longtemps que je n’ai pas écrit un très bon texte sur un très bon disque. A la relecture, tout me semble lourd, pataud, ampoulé : inutile. C’est comme si on m’avait mis des semelles de plomb sur les mains ou imprimer la quasi intégralité des chroniques Rock & Folk quatre étoiles – elles ont toutes quatre étoiles, tout est merveilleux ou sauvable – sur la gueule. Continuons sur cette lancée destructrice avec le deuxième album – ou premier ? – de Cavern of Anti-Matter.

Ecrire de brillants essais sur des disques ratés, bâcler des papiers sur des disques sublimes ; désormais tout se vaut. De toute façon, qui s’en soucie ? Le journaliste du 21ième siècle perd souvent trop de temps à trouver les bonnes formules, le lecteur décroche de votre putain de papier – stats Google Analytics representz – après la deuxième phrase et vous vous êtes fait chier à trouver des tournures malheureuses pour rien. Même vos complaintes ne servent à rien, elles n’empêcheront pas le monde de tourner, Kanye West de sortir des disques et 98% de la population africaine n’a de toute manière pas encore accès à Spotify (version premium gratuite pendant 30 jours, abonnement à € 9,99/mois) pour découvrir votre petite culture de petit homme blanc décortiquant des disques vendus à 57 exemplaires, le cul assis bien au chaud dans votre baraque acheté à crédit.

Passé un certain âge, on commence donc à se poser la question de savoir pour quoi – et pour qui – on écrit. L’angoisse d’être devenu un journaliste musical, l’angoisse de se raccrocher aux branches comme tous ces vieux quarantenaires à la fois chauve, gras et dépassés par leur époque qui parlent de Sia ou Booba pour faire qu’ils en ont encore sous la pédale, l’angoisse de faire comme cette fille perdue dans la trentaine instagramant ses propres papiers pour se donner de l’importance quand bien même on aurait tellement envie de pisser sur la vacuité de son papier 1-page encore plus vide qu’un parking Franprix entre 23H et 6H du matin, la peur d’avoir passé plus de temps à écrire sur la musique qu’à en écouter, sans parler de tous ces papiers qu’on a torché d’une traite en étant incapable de proposer autre chose qu’un track by track avec des adjectifs savants déjà lus cent fois.

Tout cela pour dire que j’ai découvert le ‘’Void Beats/Invocation Trex’’ de Cavern of Anti-Matter une semaine après sa sortie, et que cela m’a profondément déprimé. Il fut un temps où l’on avait encore le loisir d’écouter les disques avant les lecteurs ; et cela suffisait au contentement de soi, cela suffisait à se sentir chanceux, prescripteur, en avance et à sa place. Sur mon disque dur désormais, plein de ZIP dorment en silence dans l’attente d’être un jour décompressés, peut-être écoutés même, qui sait ! Petit à petit, on perd le fil, et que pour peu qu’on prenne le temps de répondre aux dizaines de mails quotidiens vous réclamant une écoute approfondie des démos-daubes envoyées par des mecs qui feraient mieux de trouver un CDI de manager chez Kiloutou plutôt que de massacrer des notes avec leurs gros doigts poilus, on pourrait presque passer à côté du nouveau projet de Tim Gane de Stereolab avec Joe Dilworth (batteur originel de Stereolab) et Holger Zapf (claviériste émérite) [1].

A ce stade de l’article, la logique voudrait que je me fende d’une [remise en contexte] pour vous éclairer sur la genèse du groupe, et pourquoi Stereolab est important dans l’histoire de la petite contre-culture contemporaine de la taille d’un F2 – toilettes sur le palier. La vérité, c’est que je n’ai même plus la force d’écouter Stereolab en vitesse pour vous faire croire que je connais le groupe par cœur – alors qu’en fait je les ai toujours confondu avec Stereo Total et dans une moindre mesure avec Broadcast. La vérité, c’est que ’Void Beats/Invocation Trex’’ (quel titre à chier, putain) est un opus enregistré à Berlin par Tim Gane et ses copains et que cela devrait suffire à vous faire comprendre qu’on navigue entre kraut et techno, et que c’est un peu comme si [attention métaphore, il en faut toujours une dans une chronique de disque] « Richard Fearless de Death In Vegas s’était fait recaler à l’entrée du Berghain avec ses sandalettes Birkenstock ». Voilà, je crois avoir dit à peu près l’essentiel sur ce disque. Ah si, j’oubliais : il y a deux featurings qui s’avèrent aussi utiles qu’une paire de gants pour Jamel Debbouze : Sonic Boom (complètement rincé le pauvre) et Bradford Cox (de Deerhunter, dont la notoriété est, contrairement à ce que peut en dire Modzik, inversement proportionnelle à sa contribution à la musique des dix dernières années).

Là, logiquement, je dois amorcer la [chute du papier]. Faudrait que je tente un truc journalistique du genre « Avec Void Beats/Invocation Trex, Cavern of Anti-Matter nous livre un trip platonicien [cf l’allégorie de la caverne pour montrer que je suis cultivé] du meilleur effet qui s’impose comme la suite idéale à Stereolab [que je vous rappelle, je n’ai jamais écouté] ». Bon, ce papier, c’était triste comme un picnic sur une aire d’autoroute. La seule chose qui puisse encore me consoler, c’est de lire la concurrence. Et si tant est qu’on puisse prendre un peu de recul sur soi-même pour s’envisager comme un autre, oui, on peut le dire, on est vraiment entouré par des cons.

Cavern of Anti-Matter // Void Beats/Invocation // Duophonic
http://www.cavernofantimatter.com/

[1] Là j’ai copié-collé la chronique de Mowno, preuve que j’en n’ai vraiment plus rien à foutre.

9 commentaires

  1. En tout cas je suis content de lire cette confession de critique musicale car oui pendand des annees vous nous avez fait chier a parler plus de votre égo en allant chercher des tournures de phrases a la con pour paraitre cool et plus cultivé que nous.
    Parler de musique avec des mots simples et sans effet de « style » c est possible aussi d autant plus que vous n avez plus la primeur des écoutes a l avance ..perte de privilege ..je sais c est moche mais c est bien de reconnaitre la futilité de certains de vos papiers.
    Faut pas que l exercice soit chiant non plus alors déprimez pas et faites nous rire car malgres tout, a force d écouter de la musique bonne ou moins bonne, vous avez l oreille …Faite juste un effort sur l égo ..et comme vous dites si bien, ne vous engluez pas trop dans les bons mots pour rester dans le coup.
    La encore, vous parlez encore de vous alors on vous attend sur le divan ..pour approfondir cette prise de conscience 😉

    1. Merci Leila. J’attends votre adresse exacte et je débarque chez vous pour vous faire chier avec tous mes problèmes existentiels. Vous verrez, c’est encore pire en vrai que derrière un écran. A tout à l’heure et déconnez pas hein, l’avenir du journalisme musical est entre vos mains.

  2. Tout y est : la petite phrase méprisante à propos des quadra (tous forcement gros et chauves), deux ou trois petites punchlines pour faire cool, et les attaques contre « la concurrence »… Ah, et quand même une ou deux lignes à propos de musique aussi, il m’a semblé voir les mots « techno » et « krautrock » (wahou !).

    Quand on n’a plus de jus, qu’on rabâche indéfiniment le même article, faut arrêter…

    1. En même temps l’abruti qui tient ce blog connaît rien à la musique, ça me fait rire de voir des gens avec une culture musicale aussi pathétique se revendiquer « journaliste ». Journaliste putain. Meilleure blague de l’an 2016.

      C’est fou que des gens aussi ignares puissent vouloir se lancer dans un truc pareil. Quand tu connais pas, tu la fermes normalement. Non ?
      Le type confond Stereolab et Stereo Total, c’est dire. Sans avoir jamais écouté Stereolab, qui plus est. Et le type veut ouvrir sa gueule. Trop drôle.

      1. COUCOU. Il est évident que si par « journaliste » tu entends « personne capable d’aller copier-coller des infos pour faire croire à son intelligence grâce à Wikipedia », on n’est clairement pas sur la même longueur d’ondes. A défaut de partager le sens du mot honnêteté, accordons-nous au moins sur la chute du papier, qui prend tout son sens avec ton commentaire. Musicalement, hein.

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