En monarchie comme en pop-music, la palissade dorée est parfois un rempart. Contre les autres, contre soi, qu'on soit homme du tiers état ou femme de peu de goût. "De quel côté

En monarchie comme en pop-music, la palissade dorée est parfois un rempart. Contre les autres, contre soi, qu’on soit homme du tiers état ou femme de peu de goût. « De quel côté se placer, fleur de lys ou pain du peuple? ». Avec son deuxième EP et ses petites promenades en jardin français, Alexandre Chatelard subit les mêmes interrogations que Louis XVI: Régner, cela demande du style. Un certain port de tête.

Plus sensuelle que son premier essai (Les Yeux Verts), plus lents travelling, plus royaliste peut-être, L’homme et la femme est un deuxième EP qui brûle la chandelle par les deux bouts. Décadent par certains aspects, érotique à l’encolure, fulgurant parce que court, essentiel parce qu’étrange, Chatelard se hisse au niveau des tableaux accrochés au dessus de la cheminée (l’Incroyable Vérité de Tellier) en y insufflant la pilosité nécessaire des pornos seventies. Bande-son du foutre qui dégouline en romantisme sur des madones, réalisé avec peu de moyens, signé chez un label aux allures de petite calèche, le violoncelliste et guitariste de formation confirme ce que l’on savait déjà: il possède le sang bleu, celui d’ancêtres décapités (Jacno pour le fond, Gainsbourg pour la forme) ou de stars en exil (Christophe, indéniablement). Suffisant pour prendre le pouvoir, assez pour farcir la dinde de la chanson française de quelques rubis bien façonnés? A cette question, le parisien ne répond pas. A vrai dire, Chatelard ne chante pas vraiment, il parle lent, siffle avec un certain dédain synthétique des mots qui s’évaporent sous les nappes. Bien évidemment, on imagine ça et là quelques cuistres pour s’avancer à prononcer le mot qui clinque (« dandysme) » avec du « jeune homme chic » au dessert. Pitié, ne jetez plus, le garçon vaut bien mieux que ça; sa musique ne se résume pas comme un téléfilm.

Une fois dépassé l’allée des cyprès (La traque) qui borde l’entrée du disque, Chatelard enclenche la vitesse supérieure sur Etna, chantant (ou parlant, à vous de voir) à l’être aimé des ballades de haine et de rancoeur. Belle introduction à l’amour que son contraire, le tout léché par une production qui échappe à la datation carbone, quelque chose comme une rencontre entre le clavecin et le synthé, les masques de Venise et les perruques poudrées. Sentiment troublé qui se poursuit sur Parade, ses cordes You’re under arrest et la ligne de conduite érotique à la Gainsbourg, mélange de vieilles dégueulasseries et de râles à branler sous les baldaquins. Au loin dans la campagne, on entend des échos, des insultes, du « pop de Pd » et du « qu’on le brûle sur la place publique ». Vu d’ici, c’est exactement ce qu’on attendait, sans avoir su le dire. Question de point de vue, encore et toujours. Du pain, ou des jeux? Du jeu.

Le véritable cataclyme de l’EP, le point d’orgue du disque à claviers, c’est surtout La reconstitution et ses broderies petit volcan d’amour. Chatelard tape du marteau pour faire rentrer ses clichés dans les armoires (« Frôle des pointes au mercure / Le chrome de ton pare-choc / De tes amours impurs / Je tire la force ad hoc »), s’improvise Minotaure plaqué or, chanteur d’un autre temps, trafiquant le réel comme les putes de St Denis. Solo de guitare qui bave, violons qui entrent en scène, longues dérives du verbe sur l’amour cousu main, grand final de synthés qui s’escriment et petit final en happy end instrumental. Sur la fin du disque exténué (De l’amour et des cendres), restent bien peu de doutes quand à la grandeur d’âme du Chatelard, son innocence et son haut rang, Sébastien Tellier et Baxter Dury revenant en lame de fond comme seules comparaisons possibles. Musique de chambre et capitale, au propre comme au figuré.

En monarchie comme en musique, on parvient également à faire croire n’importe quoi à presque n’importe qui. Sofia Coppola réalise de grandes litanies sur les soleils couchants où Marie Antoinette s’empiffre en écoutant Siouxsie and the Banshees? Comme à la court, tout le monde applaudit. Si l’histoire n’est plus à un anachronisme près, affirmons qu’Alexandre Chatelard aurait sûrement pu faire des révérences à la reine, lui donner le bras. Voire plus si affinités, la séduire par derrière avec une main tendue vers l’orgue pour s’essuyer les doigts. Alors quoi? Chatelard et Louis XVI, même femme, même combat? Peu importe. Ce qu’on sait, c’est que si le trajet Paris-Versailles est aujourd’hui plus court qu’il y a deux cent ans, on peut encore écouter L’homme et la femme comme un air de révolution.

Alexandre Chatelard // L’homme et la femme // Ecleroshock
http://www.myspace.com/alexandrechatelard

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages