« Comme le nouvel album de Kim Gordon », c’est le nom du nouveau disque de Laurie Morcillo, Alias Biscornue Bitch. Et ça n’a rien à voir avec Sonic Youth.
Au moment où pas mal de gens bienveillants font déjà des listes des meilleurs albums de 2024 — pourquoi vous mettez « Loss Of Life » de MGMT dedans, c’est une bouse ? — voici un disque qui devrait, mais haut la main, faire partie du palmarès. Il s’appelle comment ton truc ? « Comme le nouvel album de Kim Gordon ». Déjà, primos : c’est un super titre d’album. Et ça donne envie d’en savoir plus sur l’autrice, sur cette pochette avec une photo sur-exposée prise avec un Androïd et sur ces sept morceaux bricolés à la maison par Laurie Morcillo, alias Biscornue Bitch. Dernier point géographiquement intéressant : le disque est sorti sur le « mini label CD de précarité grenobloise » (sic) Moulbert Records. Grenoble, c’est une cuvette grise où il ne se passe pas grand chose, et où les gens ont l’air tristes d’y vivre. Oui, c’est un tacle gratuit, et alors ? « Comme le nouvel album de Kim Gordon » est en lice pour devenir l’un des nouveaux joyaux de la ville.
Vous le savez aussi bien que moi :« Comme le nouvel album de Kim Gordon » est un disque condamné à rester dans les tréfonds de Bandcamp, aussi génialissime soit-il.
Pourtant, tout est réuni pour que les morceaux plaisent au moins à la moitié de la population mondiale puisque Biscornue Bitch parle de thèmes fédérateurs : la famille, l’alcool, le cyclisme, les chanteurs malheureux ou encore la survie de l’humanité. Mais elle ne le fait pas comme Mireille Matthieu mais plutôt comme si ASS et Trotski Nautique avaient décidé d’avoir un enfant ensemble, et qu’il avait été élevé dans une famille de la classe moyenne dans une ville perdue du Grand-Est, dans ces familles où le quotidien est rythmé par des émissions de télévision à la con, et où on t’inities à l’alcool dès l’âge de 11 ans et 3 mois — on vous laisse imaginer l’ampleur des traumatismes toujours présents à l’âge adulte.
Bref, sur cet album, Biscornue Bitch aborde à la suite des enfants qui mangent des opiacés à la récré pour s’amuser, le tour de France (Marco Pantani, les vélos en titane, Laurent Jalabert, le Col de Galibier, le dopage, etc.), la vie d’un chanteur malheureux qui devrait peut-être mieux mourir, des chiens heureux dans des endroits sordides, un listing de ses alcools préférés (vin blanc, bière Paulaner, cidre grec, etc.), Louis Aragon et ses essais pour rater sa vie (comme manger trop gras). Voilà, c’est (déjà) terminé. Ça n’a pas duré longtemps, mais à quoi ça servirait de rajouter 3 morceaux passables juste pour dire que l’album est composé de dix chansons ? À rien.
Que va-t-il se passer maintenant ? Pas grand chose. Biscornue Bitch va sûrement continuer d’œuvrer dans l’indifférence générale en attendant un coup de fil qui n’arrivera pas pour lui dire qu’elle n’est pas sélectionnée pour les Victoires de la Musique 2025 face à Nuit Incolore. Et puis « Comme le nouvel album de Kim Gordon » ne figurera pas dans les classements des meilleurs albums de l’année. C’est con, car ce disque est pourtant au moins 32 fois mieux que « Loss Of Life » de MGMT.
L’album « Comme le nouvel album de Kim Gordon » est sorti en mai sur Moulbert Records et il s’écoute juste là.
