En plein mois de décembre, rencontre avec le Michel Cloup duo au bar des sports, près d’une célèbre salle de concert parisienne située dans le 20ème arrondissement. Whitney Houston nous accueille en musique d’ambiance. Pas fier, je m’apprête à poser quelques questions à quelqu’un qui n’a pas la réputation d’un pape du cool mais plutôt d’un homme en colère.

Michel Cloup Duo, c’est le groupe de deux anciens membres d’Expérience, lui-même bâti sur les cendres d’un groupe français devenu culte : Diabologum. Aux manettes, Michel Cloup et son complice Patrice Cartier sortent ce 27 janvier « Minuit dans tes bras », un excellent deuxième album qu’on ne chroniquera pas ici.
Un seul conseil, écoutez le car il vaut vraiment le détour. Poursuivi depuis 15 ans par la maman et la putain, morceau dantesque comportant un long monologue du film du même nom, Michel Cloup s’offre donc un nouveau tour de piste, en présence notamment de Françoise Lebrun, actrice qui jouait dans…la maman et la putain. La boucle serait-elle bouclée ? L’occasion était en tout cas trop belle pour ne pas faire un petit bilan d’étape autour d’un sandwich au jambon avalé comme il se doit à 16h. Magnéto, Michel…

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J’ai l’impression que depuis l’album précédent (ton premier sous le nom de Michel Cloup), tu es reparti sur un rythme plus soutenu sur tes productions d’albums. Sentirais un nouveau souffle créateur après une période plus calme?

Michel Cloup : En réalité, j’étais dans des projets différents, mais je sors toujours des disques dans un même intervalle de deux ou trois ans. Avant Michel Cloup duo, on a travaillé pendant 3 ans et demi avec Binary Audio Misfits. C’était un groupe dont j’étais un membre et pas le leader. Le dernier album d’Expérience date de 2007, puis en 2009 on a sorti ce projet avec Binary et en 2011, le premier album de Michel Cloup duo. On a toujours fait énormément de concerts donc il y a toujours minimum deux ans entre chaque disque.

Diabologum, Expérience, Binary Audio Misfits, Panti Will…Avec MCD, tu sors pour la première fois de la musique sous ton vrai nom. Le nom de votre projet entre le 1er et le 2ème LP a par ailleurs évolué. Pourquoi avoir supprimé les parenthèses qui entouraient le mot duo sur le 1er LP ?

MC : En fait, le projet a évolué. Le premier 45 tours était sorti sous le nom de Michel Cloup, mais Patrice jouait déjà dessus. Sur le 1er LP, « Notre silence », il y avait en effet les parenthèses. Désormais, on reste sur le projet tous les deux et du coup on a enlevé les parenthèses. C’est juste une petite nuance, mais c’est vrai que le projet a pris beaucoup de corps à travers tous les concerts qu’on a fait. On assume plus ce qu’on fait désormais.

Comment as-tu rencontré Patrice Cartier, le batteur du groupe ?

MC : On a commencé à jouer ensemble il y a 15 ans, au début d’Expérience. C’est une vieille histoire. Dès qu’on a terminé une tournée, on enchaîne avec un travail sur l’album suivant. Tous les groupes qui fonctionnent  font ça ou presque. Après, si on avait 40 000 euros devant nous, on ferait peut-être un album dans 4 ans (Rires). Quand on est en tournée, l’écriture vient spontanément. Ca peut-être lors d’une balance, n’importe où, n’importe quand. Et puis on a un avantage, c’est qu’on travaille très vite musicalement parlant. C’est une communication permanente entre Patrice et moi et les compositions sortent assez naturellement.

« 3 », le disque de Diabologum, ressortira probablement d’ici à 2016, année des 20 ans de la sortie de l’album, ce sera fait. Sinon, ce sera pour 2026″

Puisqu’on parle d’argent, tu avais évoqué il y a quelque temps dans une interview à Libération une éventuelle réédition de « 3 », l’album culte de Diabologum (sorti en 1996 chez Lithium records) en disant qu’il vous faudrait 15 à 20 000 euros pour pouvoir le ressortir dans de bonnes conditions. Ce disque se vend parfois à prix d’or sur Ebay ou Discogs. Ca en est où, cette réédition ?

115528669MC : Rien n’a encore été fait. Il faudrait déjà qu’on trouve un accord entre les ex-membres de Diabologum, puis parvenir à un accord avec Lithium qui n’existe plus mais qui est toujours propriétaire des bandes. Ca demandera pas mal d’énergie et dans le moment, c’est bien sûr nos projets actuels, ceux du moment, qui priment. J’espère que pour 2016, année des 20 ans de la sortie de l’album, ce sera fait. Sinon, ce sera pour 2026, ah ah.

Pour récupérer des fonds, as-tu éventuellement songé au Crowfunding, qui est actuellement utilisé par pas mal d’artistes ?

MC : C’est vrai qu’on y a pensé, mais c’est beaucoup de travail et ça demande pas mal de temps. On est tous pas mal occupé par nos projets actuels et on a toujours privilégié l’actualité présente plutôt que de travailler sur le passé. Le vrai problème, c’est qu’on manque de temps. Et puis si tu tapes Diabologum.rar sur Google, tu peux télécharger la discographie complète du groupe. Ce sera vraiment cool que les gens aient à nouveau accès à l’objet, mais la musique est là, disponible.

Justement, quels sont vos rapports avec l’objet disque ? Avant l’album qui est paru le 27 janvier 2014, vous avez sorti deux singles, disponibles en format 45 tours, ce qui peut paraître anachronique. Pourquoi un tel choix ?

MC : Les gens reviennent à l’objet. Hier soir on a joué en Belgique et on a vendu 35 albums, la moitié en vinyle et la moitié en cd. Le public achète encore des disques, mais peut-être plutôt aux concerts qu’à la Fnac. On n’a pas un public qui a 15 ans et qui écoute tout sur son téléphone portable. Notre silence  s’est quand même pas mal vendu pour une autoproduction, environ 4000 exemplaires alors qu’avec expérience on tournait aux alentours des 15 000 ventes. Quand je dis bien vendu, c’est à  notre échelle évidemment. Notre public est plus âgé et vient d’une époque où on faisait des disques, des objets. La musique, c’est évidemment la musique mais c’est aussi la pochette. L’un de nos 45 tours est tout noir parce que c’est une chanson d’amour plutôt remontée, et l’autre est tout bleu parce que c’est un morceau beaucoup plus positif.

« On n’arrive plus à faire des morceaux de 3 minutes. »

Vos albums comportent peu de titres, sept ou huit, souvent très longs. D’où vient cette volonté de déstructurer un format rock souvent plus conventionnel ?

MC : Il n’y a pas de volonté particulière. Pour sortir un vinyle, il faut produire deux faces d’une durée maximum de 20 minutes chacune. On raisonne avec cette contrainte. Si on avait des morceaux plus courts, on pourrait caser 10 ou 12 morceaux mais ce n’est pas le cas.

Patrice Cartier : on n’arrive plus à faire des morceaux de 3 minutes.

MC : On a beaucoup ralentit les tempos depuis l’époque d’Expérience, et la plupart de nos morceaux dépassent les 5 minutes. L’essence du Michel Cloup duo, c’est en se retrouvant à deux d’avoir plus de liberté qu’avant, plus de musicalité, et de prendre son temps quand on en a envie. Comme auditeur, j’ai toujours préféré les albums assez ramassés. Il y a très peu d’albums que j’aime qui dépassent les 40 minutes, ou alors il faut vraiment que ce soit justifié, comme sur « Daydream nation » de Sonic Youth qui passe très bien. Les albums des Beatles ou du Velvet duraient en général 35 minutes. Je suis pas partisan de rajouter pour rajouter, il faut que le contenu donne du sens au disque.

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Tu auras probablement bientôt l’occasion de discuter de ce point de vue avec Pascal Bouaziz de Mendelson avec qui vous partagerez une résidence à Brest puis à Paris en février, puisqu’il vient de sortir un album dont un titre fait plus de 50 minutes.

MC : Lui il sort 3 albums d’un coup (Rires). Mais il prend son temps. La résidence à Brest, puis à Paris, est un concert du Michel Cloup Duo avec des invités et des gens avec lesquels on a déjà collaboré, comme Pascal qui est un ami, Béatrice Utrilla avec qui on travaille depuis 15 ans dans un réseau art contemporain, et puis Françoise Lebrun, qui a participé à ce nouvel album. On avait jamais travaillé avec elle avant mais nos parcours sont assez liés depuis la sortie de La maman et la putain sur « 3 ». Depuis 15 ans, on lui parle de nous, et on nous parle d’elle. Puis on s’est rencontré et on a fait quelque chose de nouveau avec elle, donc elle sera sur scène avec nous lors de ces résidences. Dans ces résidences, on veut proposer quelque chose d’assez proche de ce qu’on fait déjà, mais de manière plus dépouillée, plus minimaliste, et encore plus aboutie. On va essayer de mixer un peu toutes nos influences, à savoir le vrai rock qui tabasse, des chansons plus minimalistes, des moments plus expérimentaux, en renforçant tout ça avec une scénographie, un peu d’images quand c’est nécessaire. L’idée, c’est vraiment d’investir un lieu et d’y faire quelque chose de particulier.

Comment avez-vous rencontré Françoise Lebrun, actrice française culte depuis son monologue dans La maman et la putain de Jean Eustache, sorti en 1973 ?

MC : Diabologum s’est reformé pour un seul concert il y a deux ans. Par l’intermédiaire d’un ami, on a sû que Françoise était au courant de ce projet et qu’elle serait intéressée par une rencontre avec le groupe, voire par une éventuelle collaboration. Cette idée m’angoissait un peu, puis on a discuté avec elle la veille du concert, on a dîné ensemble et après le repas, on a décidé de tenter de faire un truc ensemble. On a répété une fois avec elle. Elle arrivait à la fin du morceau et ça marchait complètement. Donc on s’est lancé sans filet et elle était avec nous sur scène dès le lendemain pour le concert. Tout s’est fait très simplement et ensuite, je suis resté en contact avec elle ponctuellement puisqu’elle vit à Paris et moi à Toulouse. Cette rencontre a été importante pour moi, peut-être aussi parce qu’elle a eu lieu pour le concert de Diabologum, et j’ai donc eu très envie de lui proposer de participer à ce nouvel album. C’était très flippant de me dire que j’allais envoyer un texte à Françoise Lebrun, car La maman et la putain est un sacré film, et un texte très fort. Je me suis décidé une fois en studio. Elle a tout de suite accepté et je lui ai donc envoyé le texte. Tout s’est ensuite fait très simplement et naturellement. La prise voix a été réalisée chez un ami à Paris, sans musique. On a reçu la piste à Toulouse, puis on a appuyé sur Play. Et on s’est mis à jouer. C’était magique. Le fait de travailler à deux, uniquement moi et Patrice, simplifie énormément les choses. Quand ça fonctionne, ça fonctionne complètement et nous n’avons pas besoin de discuter 24h pour savoir si la prise est bonne ou non. Avec des gens comme Pascal Bouaziz, c’est pareil. On travaille vraiment de manière instinctive, et musicalement, on est très efficace.

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Tu as une écriture très littéraire et assez cinématographique. Quelle est ton rapport au cinéma ? Es tu frappé par le syndrome de la cinéphilie ?

MC : Bien sûr, je regarde beaucoup de films, comme je lis des livres et je vais voir des expos. Je ne me nourris pas uniquement de musique, mais ça reste ma source principale. Récemment, j’ai vu l’inconnu du lac que j’ai trouvé incroyable. Bizarre et réussi, au crossover de plusieurs styles avec des très bons comédiens. Je n’ai pas le temps d’aller au cinéma malheureusement, donc je regarde surtout les films chez moi. Si tu me demandais quels sont mes disques préférés, je serai incapable de te répondre. Pour les films, c’est pareil.

« Il faut acheter ta bagnole en fonction de ce que t’écoutes : si t’as un 4X4, il vaut mieux écouter du hip-hop. En Clio, de la folk. »

Achètes-tu encore des disques chez les disquaires?

MC : Je découvre pas mal de choses en téléchargeant ou en regardant Youtube. Si je tombe sur un truc que j’aime vraiment, j’achète le disque. La musique, c’est du ping-pong. Quand j’ai commencé à en écouter, j’écoutais plutôt du hard rock, puis du punk et de la new wave. Au début des années 90’s, j’étais dans la noise, et la noisy pop américaine. De là, je suis parti vers le New York underground des années 60, vers la musique folk, puis la soul, du jazz. Aujourd’hui, on écoute plein de trucs différents.

Peut-être trop, non ? Même l’auditeur éclairé a du mal à s’y retrouver dans la jungle des sorties. N’as-tu pas parfois l’impression de te noyer dans la production actuelle ?

MC : Parfois, je tiens un peu ce discours là en effet. J’ai tellement écouté de disques, de musique, et j’ai moins envie. Mais chaque fois que je pense ça, je tombe sur un truc que je ne connaissais pas, et que je trouve incroyable, que ce soit en rock, en soul, etc..Et dans ces moments là, je me dis qu’on arrive jamais au bout de la musique, qu’il reste encore énormément de bonnes choses à découvrir. Lorsque Lou Reed est mort, j’ai réécouté les albums de lui que j’ai, et j’ai aussi écouté des disques que je ne connaissais pas. J’ai découvert des trucs incroyables là-dessus, et cela pas plus tard que tout à l’heure. Je ne me laisse pas envahir par la radio ou par la télévision, et je n’ai pas cette impression d’être noyé, d’autant qu’en vieillissant, tu deviens plus sélectif. Quand j’écoute des jeunes groupes qui sortent leur premier album, je prends parfois une grosse claque. Si ce n’est pas le cas immédiatement, je ne pousse pas plus loin, d’autant que ça me rappelle parfois des groupes déjà entendus, des références personnelles,  et j’ai donc du mal à avoir dans ce cas là le même enthousiasme qu’un mec de 25 ans qui tombe sur ce groupe.

« Les gamins de 15 ans ne pensent certainement pas à Diabologum en écoutant Fauve« 

Parmi les groupes actuels, as-tu découvert de bons disques récemment ?

MC : En 2013, on a beaucoup écouté l’album de Ty Segall, pas « Sleeper » mais le précédent (NDLR : il s’agit soit de « Twins », soit de « Hair,«  sortis tous les deux en 2012).

PC : Ah bon ?

MC : Mais si, je te l’avais fait écouter et tu avais trouvé ça super.

PC : Ah oui, c’est vrai mais je ne l’avais pas réécouté chez moi en fait. On avait écouté ça dans le camion de la tournée et j’écoute des choses très différentes en camion ou chez moi. A vrai dire, on pourrait écrire un livre sur l’écoute de disques dans notre camion de tournée. On a désormais un super camion avec une très bonne isolation phonique qui nous permet d’apprécier tous les types de musiques quand on se déplace.

MC : si t’as un 4X4, il vaut mieux écouter du hip-hop. En Clio, de la folk. Tu peux d’ailleurs acheter ta bagnole en fonction de ce que t’écoutes, et non l’inverse.

Si je t’avais rencontré en mai dernier, je t’aurais probablement demandé ton avis sur le nouveau Daft punk. Là, j’ai envie de t’interroger sur FAUVE ≠, un groupe dont l’écoute ranime instantanément le souvenir de Diabologum.

MC : Seulement chez les auditeurs qui ont un certain âge. Les gamins de 15 ans ne pensent certainement pas à Diabologum en écoutant Fauve. Je trouve ce groupe plutôt intéressant et je n’ai pas du tout envie de le descendre. D’autant qu’ils prennent le risque de chanter en français et de faire un truc vraiment personnel. Musicalement, le groupe ne m’attrape pas plus que ça. Je suis un peu vieux pour me sentir concerné par leurs textes mais il a une vraie démarche et une volonté de rester indé alors qu’il remplit 14 ou 15 bataclans d’affilée. Je n’ai pas envie de dire du mal de Fauve. Je suis assez content qu’un groupe comme ça remplisse des salles en France, même si je peux avoir certaines réserves sur le contenu du disque. Ils sont jeunes, on va voir comment le groupe va évoluer s’ils en sortent plusieurs. Je trouve ça plutôt sympathique en fait, même si tous les journalistes s’attendent à ce qu’on les descende. Pour ce qui est de Daft punk, je n’ai pas écouté l’album.

PC : il faudrait comparer tes réponses à chaque journaliste qui te pose cette question pour bien alimenter la polémique, ah ah.

MC : Non, non…Je ne suis pas Daniel Darc, hein (Rires).

Tu parlais d’évolution à l’instant. J’écoute tes disques depuis le 1er Lp de Diabologum et je t’ai toujours perçu comme quelqu’un de très en colère contre son environnement social. Depuis que je suis un peu ton compte Facebook, j’ai une perception beaucoup plus humaine de ta personne. Comment te sers-tu des réseaux sociaux ?

MC : Je suis toujours en colère contre la société et ce qu’elle génère, mais lors d’une discussion avec un sandwich au jambon comme maintenant, je sais me montrer plus humain (Rires). Comme tout le monde, le réseau social me permet d’être en contact avec des amis lointains et aussi de poster des conneries. Facebook a été très utile pour « Notre silence », qu’on avait sorti en autoproduction, sans label. Ca nous a permis de faire circuler l’information. Le réseau social a aussi modifié mon rapport avec le public. Avant, j’étais assez bloqué par ce rapport là, voire un peu parano. Aujourd’hui, les gens n’ont plus le même regard sur des groupes comme Michel Cloup Duo. Ca a simplifié les choses. Après, c’est juste un outil comme un autre. Avant la création des réseaux sociaux, on avait déjà un forum sur le site internet d’Expérience. Désormais ça a un peu évolué et tu peux toucher plus de monde, pas uniquement ton public.

Michel Cloup Duo // Minuit dans tes bras // Ici d’Ailleurs
http://www.michelcloup.com/

4 commentaires

  1. Dans la même veine que Fauve (qui n’ont rien inventé); un placement de voix approximatif pour une logorrhée vide et insupportable… des paroles qui puent la défaite.
    Musicalement Diabologum et Experience étaient plus interessants.

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