Elle l'a dit. Elle l'a bien dit je l'ai entendu. J'étais sur elle, dans un classique missionnaire, dedans et toutes voiles dehors, lorsqu'elle me l'a dit. Nos corps moites dans

Elle l’a dit. Elle l’a bien dit je l’ai entendu. J’étais sur elle, dans un classique missionnaire, dedans et toutes voiles dehors, lorsqu’elle me l’a dit. Nos corps moites dans cette belle soirée de Juillet.

De la fenêtre ouverte, on entendait au loin la ville qui gémissait. L’écran de télé projetait des éclairs sur les murs pâles de son appartement, mais elle avait eu la bonne idée de couper le son au milieu de la levrette. Tant mieux. MTV ne m’aide pas à bander. Il faisait chaud. Mon souffle devenait court. Et à l’instant fatidique, cambrée, la poitrine en avant, elle a murmuré à mon oreille avec son haleine chaude : « Guy Debord ». J’ai cru d’abord mal comprendre. Qu’est ce que le situationisme venait faire dans notre orgasme ? La scène mariait désormais plaisir et gêne, et ça n’était pas le moment de faire répéter quoi que ce soit à qui que ce soit. Est ce qu’elle avait dit « plus fort », « oui encore », ou alors « jouis dehors » ? Impossible de savoir.

« Bordel, tu penses à tout ça quand tu baises toi ? » me dit Valentin, tentant difficilement de faire collaborer son café crème et son croissant.
– « Je n’y pense pas sur le moment. ça vient après« .
– « Mon ami, tu mentalises trop le truc, il faut que tu fasses une cure de porno, un truc sauvage, instinctif. C’est ça finalement le sexe. » Valentin parlait avec l’aplomb d’un hétéro expert, alors qu’il avait eu qu’une seule partenaire dans sa vie : sa main.
– « Non, le porno, c’est toujours pareil, silicone, orgasmes hystériques surjoués, c’est chiant ».
– « Non Coco, je te parle de porno à Papa, du vrai, du pur, du dur. Passe chez-moi, je te file la VHS. Tu re-bois un café?« 

Une VHS. Ca faisait 7 ans que je n’en avais pas vu une. La dernière, c’était celle de Ghostbusters 2. Valentin avait une grande collection de cassettes vidéo, composée à 70% de porno. « Tu crois pas que je vais racheter tout les DVD ? il m’auront pas avec leur marketing ! » hurlait-il depuis sa cuisine vers le salon. « Et puis ces VHS, elles ont une valeur sentimentale. Tu rachèterais ta collection de la pléïade en livre de poche toi ? » Comparaison valorisante pour le patrimoine de la pornographie. Valentin m’a prêté un « classique ». Comprenez par-là un film qui a fait bander une sacrée partie de la planète. Debbie Does Dallas. 1978. J’étais pas né. Je ne savais pas qu’il y avait déjà une industrie du porno à l’époque. Pour moi, 1978 se résumait à Barry White, Joe Dassin et la série Chips.

Erection ! ça tourne !

Debbie Does Dallas est un classique de l’âge d’or du X. Eternel second aux recettes des box-office derrière Linda Lovelace et sa gorge profonde. Le scénario, pourtant simple, peu paraître élaboré aux yeux des pornographes actuels. Debbie (Bambi Woods) est une Pom Pom girl, capitaine de son équipe dans un bled paumé, qui se voit offrir une place au sein des Texas Cowgirls. Ses parents, plutôt casse-testicules, refusent de lui financer le voyage, estimant sans doute que bouger ses fesses avec des vermicelles en plastique au bout de chaque bras n’est pas un métier respectable. Encore des réac’ qui n’avaient pas voté Carter. Debbie, désespérée face à la situation, déclenche une certaine empathie auprès de ses copines et s’aperçoit que le team spirit n’est pas une vertue réservée qu’aux joueurs de foot américain virils en entreprenants. Entre deux conversations sous la douche – et quelques tirades topless – les copines décident de l’accompagner à Dallas. Mais comme de nos jours, en 1978, l’argent reste le nerf de la guerre. Alors qu’est-ce qu’elles font les mignonnes ? Elles montent une société de services, ce qui peut s’avérer beaucoup plus rémunératrice qu’un codevi, si l’on s’y prend bien. Et les clients pourraient bien toucher le gros lot(lo).

Pantalons taille haute et seins lourds.

Pour les fans du Texas, et les anthropologues que ça intéresse, je prèfère vous prévenir tout de suite : dans le film, point de Debbie à Dallas. Vous serez donc obligés de continuer à fantasmer Dallas avec les images de JR et de Sue Ellen déjà gravées dans votre esprit. Pour ma part, je me rabats sur le texan Matt Houston, même si il était souvent à Los Angeles, parce que j’aime les moustaches. Le film est devenu célèbre, entre autres, pour la vulgarité amibigue de son titre. Car Debbie Does Dallas, peut avoir plusieurs sens. Debbie va à Dallas, Debbie se fait Dallas (un copain, ou une copine, qui aurait ce prénom débile), ou encore Debbie se fait toute la ville de Dallas. Goulue la petite. Le film entre dans l’histoire parce qu’il joue avec les codes de la mythologie américaine. N’importe quel américain moyen à rêvé, un jour où l’autre, de se retrouver seul sous la douche avec la capitaine des Pom-pom girl, quitte à se faire piétiner pendant des heures par une quelconque équipe de foot adverse. Grâce à Jim Clark, le réalisateur, on suit pendant près d’une heure et quart la totalité des Pom-Pom Goulues. Tout se déroule dans une mise en scène qui n’est pas sans caresser une certaine esthétique que même Boogie Nights pourrait envier. Filmé en argentique, plans macro, faibles profondeur de champ, du porno comme on en voit plus. Côté son, des inspirations de Funkadelic côtoient un semblant de Isaac Hayes qui aurait copulé avec Cerrone, et le tout parfaitement synchronisé sur le rythme de l’action. Et puis Debbie, elle est jolie, et surtout, c’est l’archétype de la girl next door. Elle a la beauté simple et naturelle d’une voisine qui serait potentiellement accessible, ce qui donne à la fiction tout le réalisme que recherche un érotomane lambda. Bambi Woods deviendra mythique pour son aisance devant la caméra, aussi bien à l’oral qu’au vaginal.

Drôles de Dames

Dès que l’on sort des vestiaires, de la bibliothèque ou du magasin de sport de monsieur Greenfield, la réalité est tout autre. La rumeur dit que Bambi Woods aurait continué à tourner pour des histoires de drogue. Après quatre suites à ce film et Swedish Erotica 12, elle disparaît dans la nature. Au milieu des années 80, les producteurs d’un documentaire engagent un détective privé qui ne retrouve pas sa trace. D’après certains témoignages, elle serait morte d’une overdose en 1986. Selon ces anciens collègues de porno, elle aurait fondé une famille dans le mid-west, en tout anonymat, sans tambours ni branlettes. En 2007, le site yesbutnobutyes.com publie une soi-disante interview de Bambi Woods. Les fans hurlent au fake et l’auteur n’arrive pas vraiment à prouver la véracité du scoop. La girl next door a bel et bien fermé la porte derrière elle. Arcadia Lake (Tammy), drugs addict elle aussi, connaitra une vie chaotique et arrosée de Méthadone. Eric Edwards, étalon qu’elle rencontre sur le tournage, l’épousera pour mieux l’aider. Après 10 ans à relever la tête, elle meurt came dans les veines en 1990. Richard Balla (Greenfield), arrivé dans le X en faisant la queue à un casting, entame une carrière de cinéma dit « traditionnel ». En réalité, beaucoup de télé, puis quelques films. Mais Richard s’en moque, il est le seul à avoir pu coucher avec Debbie dans le film. Lorsqu’il en parle dans les interviews, Richard semble aussi nostalgique qu’un bichon maltais que l’on aurait castré. Parce qu’à l’époque, parait-il, ça jouait pas tant que ça. Comprenez par là que finalement peu de choses étaient simulées. Balla le Bichon revendique même l’utilisation des théories de Stanislavsky pour jouir son rôle devant la caméra. Francis Huster n’a qu’à bien se tenir.

– « Alors, c’était comment ? » me dit Valentin, avec des étoiles de branleur dans les yeux.
– « Sympa » répondis-je.
– « Toi, t’as encore mentalisé le truc. Putain, mais qu’est-ce que tu vas devenir ? » (silence). « Sinon, t’as vu la VHS, ce grain, l’imperfection de l’image, cette chaleur ?« .

Entre deux orgasmes, je repense parfois à ces héritiers de la culture hippie. Debbie Does Dallas ressemble à un facebook du Midwest où l’on aurait pu regarder par le trou de la serrure du vestiaire. Vie et fiction se confondent parfois, mais au final, le destin s’est plus inspiré de Bukowski que de la petite maison dans la prairie. Jouir et mourir, c’est peut-être ça finalement, la vie.

DVD Debbie Does Dallas, Wild Side Films Cultes

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