Les Éditions Au Diable Vauvert se lancent dans la martingale des super-héros en publiant pour la première fois en français Sbires de Natalie Zina Walschots. Mais attention : fidèles à un esprit irrévérencieux, ici ce sont les encapés qui en prennent pour leur grade et les sous-fifres qui se rebiffent !

Ces temps-ci, les super-héros n’ont plus le vent en poupe. Ou plutôt si. Qui crois-je leurrer ? On en voit toujours partout, de toutes les formes, de toutes les couleurs, sur tous les supports : que ça nous plaise ou non, le genre super-héroïque domine encore la pop culture.

Le genre, certes, mais ceux qui semblent avoir perdu de leur superbe, ce sont les “encapés [1]” eux-mêmes. Tout se passe comme si le bien-nommé Avengers : End Game ne représentait pas tant le climax de l’hégémonie marvelienne que le baroud d’honneur de figures peinant depuis à se renouveler. Comme une piqûre d’adrénaline directement au cœur en réaction à une overdose, la relève semble venir de leur remise en cause radicale.

Anti héros en tous genres

Les comic-books, forts de décennies de maturation, connaissent bien ce phénomène. Toute culture développe avec le temps un discours sur elle-même, y compris critique. Tout genre survit dans la remise en cause des codes qu’il a au préalable établi.

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La remise en question de la figure du super-héros s’exprime par des déplacements de points de vue : sur des incarnations plus ambiguës (The Authority, Punisher, X-Statix), d’une nullité sympathique (Mystery Men, Hero Corp) ou sur leurs sidekicks, ces assistants faire-valoir (Sky High). On pourrait en citer mille variantes, comme Empowered et son héroïne de seconde zone qui entretient une relation avec… un sbire.

Les méchants, héros malgré eux

J’ai personnellement consacré une vidéo puis un essai [2] à l’adhésion qu’emportent parfois les méchants eux-mêmes. Le public raffole désormais d’histoires qui leurs offrent le premier rôle (Suicide Squad, Birds of Prey, Moi, Moche & Méchant, Megamind et bien sûr le phénomène autour du film Joker).
Conséquence logique de ce retournement, les irréprochables super-héros deviennent antagonistes malgré eux : Invincible, I’m a Virgo, sans oublier la très populaire série The Boys. La BD d’origine, symptomatique des années 2000, venait mettre un coup de pied furieux dans la fourmilière des comics. Le fait que son adaptation sur petit écran génère un tel engouement après leur règne sur les médias audiovisuel ne tient donc pas du hasard.

Le roman Sbires de Natalie Zina Walschots s’inscrit parfaitement dans cette mouvance et la pousse dans ses retranchement pour en proposer une synthèse. L’autrice nous place du côté de ces anonymes servant de larbins aux super-méchants et de chair à canon aux démonstrations de force des surhommes.

Pire : “l’homme de main” en question est une femme, victime d’un accident de travail spectaculaire propre à ce drôle de gagne-pain. Anna incarne la prolo ultime de ces univers en apparence manichéens, où super-pouvoir est synonyme de super-domination sur le commun des mortels.

Pourtant, elle compte bien prouver que sa condition fait toute sa force. Armée d’une fine connaissance de la “profession” et d’une maîtrise surhumaine des tableurs Excel, la voilà décidée à mettre un terme aux injustices des justiciers.

Bref : une petite dose de kryptonite enfin disponible en version française !

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[1] Pour reprendre un terme popularisé en français par le prolifique traducteur de comics Alex Nikolavitch au sein même de leurs phylactères.

[2] Le Syndrome Magneto (Éditions Au Diable Vauvert)

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