C'était précisément il y a un an, je sortais à peine d'une rencontre avec Nika Roza Danilova, je l'avais laissée là, presque morte ou pas loin, à tourner ses pouces à moitié rongés avec d'autres journalistes que moi, tous en apoplexie devant son groupe à tête d'hydre, et prêts à se prosterner devant ses mélodies gothiques surtout taillées pour les pannes d'ascenseur. Avec son troisième disque, Zola Jesus prouve aujourd'hui que le temps ne fait rien à l'affaire ; son con est toujours un hiatus et Nika un épouvantail à demi empaillé. Après le réquisitoire, passons aux délibérations du jury.

Le chapeau de ce papier à peine digéré, vous aurez déjà compris, amis lecteurs, que le cas Zola Jesus ne mérite pas sur le papier qu’on s’y attarde outre mesure. On pourrait faire comme tout le monde, supporter les jérémiades semi-dépressives de ce deuxième opus – j’aime bien ce poncif journalistique, beaucoup l’utilisent en vain pour tenter d’élever un disque au dessus de l’objet industriel… enfin bon, ça reste quand même une rondelle en plastique gravée dans de grandes usines par des ouvriers moches et payés au SMIC – qui enfonce le clou – parlant de Jesus ça fait sens, hein ? – un an après la sortie de Stridulum II, un disque qui avait fait vibrer les anorexiques et suscité, disons-le, une certaine émotion dans ce petit monde condamné à l’errance, le museau tourné vers l’avant en attente d’une prochaine rédemption musicale, d’un disque qui pourrait enfin sortir les bourgeois de l’ennui mortifère. On aurait aussi pu faire un millier de procès à Zola Jesus, pointer du doigt le pastiche de ses idoles, cette dépression feinte palpable chanson après chanson, ce visage trop ingrat pour être honnête, et encore toutes ses comptines TimBurtonesques à faire passer la famille Adams pour une bande de forains égarés dans la forêt de Blair Witch. Et puis non, trop facile de tirer sur l’ambulance, après tout les mélodies croquignolesques de Nika étaient toujours plus audibles que celles de son anti – Lady Gaga –, et puis restait tout de même l’espoir de la voir évoluer vers quelque chose d’un peu plus humain, plus spontané, quelque chose qui ne serait pas une reprographie copie conforme de ses aînés qui, eux, avaient au moins connu la guerre froide, la fin du punk et les épingles à nourrices rangées au fond des tiroirs. Et puis il y a eu l’annonce de ce disque, Conatus, avec son défilé d’échos lointains et de voix poussées en avant, ses batteries tribales tellement prévisibles que même un best-of de The Cult paraitrait moins outrancier. A partir de là, plus aucune raison d’être indulgent ; le premier faux pas est une erreur, le second une invitation à la lapidation.

Parenthèse personnelle et néanmoins générationnelle. L’écoute récente des derniers disques de Radiohead – en vrac, tous ceux publiés après Amnesiac, qui porte bien son nom – permet avec le recul de comprendre pourquoi la bande d’Oxford s’est subitement déconnectée de son public et de sa propre musique. Jadis en phase avec le malaise des jeunes gens de leur génération, les Anglais avaient subitement décidé d’évoluer au delà des sphères du sanglot et des thèmes de chansons ayant autant à voir avec la rupture qu’avec la solitude dans un monde post-industriel. Ou peut-être, encore plus simplement, que les fans ont vieilli, qu’ils ont fini par trouver chaussure à leurs pied, une femme pour partager la lessive du dimanche et des gamins pour rayer l’exemplaire de Ok Computer. Quelque chose avait donc fini par ne plus coller, entre Radiohead et son époque.


Pourquoi cette parenthèse, me demanderez-vous ? Parce qu’aujourd’hui la pluie ruisselle sur les carreaux, que c’est le 11 septembre 2011 et que j’ai parfois l’impression que ça fait dix ans jour pour jour que les nuages viennent se cogner contre la fenêtre. Et malgré l’addition de tous ces facteurs, qui pourrait conduire à l’adoration de ce farfadet en dentelles, je n’ai pas envie d’être associé au malheur de Zola Jesus, ni à ses tourmentes de petite fille riche au nez plus grand que celui de Pinocchio. Entraperçue cet été dans un festival anglais – le Field Day Festval, à Londres – sous un petit chapiteau envahi par un conglomérat de hipsters certainement tous membres premium du rayon fard à paupières de chez Sephora, la blonde Nika s’évertuait récemment à donner vie à ses nouvelles chansons désincarnées ; le petit bout de chair d’environ un mètre et soixante centimètres gonflait sa voix dans le micro comme un Bono à qui on aurait enfoncé un tube de Xanax un peu trop profondément, et le spectacle sonnait faux, terriblement fake, symptôme d’une nouvelle génération qui cherche tant bien que mal des raisons de ne pas aller bien. Zola Jesus, ça doit sûrement plaire aux blogueuses mode en manque de calcium, aux nostalgiques de Siouxsie Sioux croisés avec les repentis d’Avril Lavigne ; mais tout cela ne fait pas une artiste, encore moins un album. Il y a ce chant robotique et guttural, ces chansons sans mélodie avec des nappes d’atmosphères savamment posées sur la table ; bref, tout un attirail de mauvais sentiments sensés illustrer le malaise d’être en 2011. En vérité le dispositif reste, comme pour de nombreux artistes contemporains, le même : inspirer l’anti-cool et se dégager des normes pour en devenir une autre moins référencée, mais tout aussi calculée. Sur Shivers, Nika chante « qu’elle ne sera pas là demain ». C’est à peu près tout ce que je lui souhaite, le no future n’est pas qu’un gimmick, c’est aussi une promesse. Espérons que cette fois, elle ne mentira pas.

Zola Jesus // Conatus // Souterrain Transmissions
http://www.myspace.com/zolajesus

10 commentaires

  1. Sylvain franchement arrête de défendre bester tout le temps! Cet album de Zola Jésus est ce qui s’est fait de mieux depuis le dernier Brian Eno. Je n’accepte pas qu’on le crucifie comme ça, je vais me plaindre a Boutin!

  2. pffff, tant de blabla injustifié, dites-nous juste que vous n’aimez pas. Et puis faites preuve d’un peu plus de sensibilité, ou n’écrivez pas sur la musique en général. Zola Jesus est avant tout une voix magnifique, et ses mélodies justement très sensibles. Sinon effectivement, cantonnez-vous à lady gaga.

  3. Vraiment cet article n’apporte rien, extrêmement long et assez chiant à lire. Il nous capte jusqu’au bout par son côté provocateur. On dirait que ce cher critique règle des comptes personnels concernant certaines classes sociales, centres d’intérêts ou autres catégories de gens. Pas vraiment objectif….Un bien maigre papier.

  4. Vous devez avoir une certaine étroitesse d’ouverture d’esprit pour être incapable d’apprécier une musique comme celle de Zola Jésus. Vous devez surement faire partie de ces gens qui pensent que leur avis est légitime et qui sont persuadés que l’avenir de la France est entre les mains des bien s pensant qui vont faire de la France un champ de ruine jonché de bonne intentions politiquement correct.

    Si vous n’êtes pas capables de sentir l’émotion derrière une musique sombre, contentez-vous de parler de la musique et de continuer à croire à votre crainte du 11 Septembre et du terrorisme à l’échelle mondiale

  5. Chers lecteurs,

    je suis absolument ravi que ce disque médiocre ait su égayer vos journées. Sur ce, je retourne faire une partie de Cluedo avec mon caniche nain (à ne pas confondre avec Zola Jesus qui elle ne perd pas ses poils).

    Cordialement,
    B

  6. Tu craches plus sur l’état d’esprit d’un groupe (ou d’un style) de fan que sur la musique en elle-même de Zola Jesus. Bien que ce soit voulu, trop de gueule et d’ironie tue le fond du message, dommage.

  7. Bonjour, je suis sur le cul de voir a quel point de soit disant amoureux de la musique soit aussi peu ouvert et en recherche constante de chemins balises, de soupe.. Et pourquoi donc tout le monde devrait carresser dans le sens du poil. Heureusement que la musique ne se résume pas a un style et reste de l art. Courage a ceux qui permette de pouvoir écouter de tout en fonction de son humeur, a ceux qui permettent de s élever et qui poussent a leur échelle a faire évoluer la soupe de demain que probablement vous encenserez. Bien a vous et éviter dont d écrire si vous ne savez pas écouter .. Il y a une différence entre aimez ou pas et savoir reconnaitre malgré tout ou pas. Luc 😉

  8. Et puis je rapprocherai plutôt la musique de Zola Jésus de celle de Lisa Gerard dans la démarche. Tout aussi simple, envoutante et spirituelle, leur musique n est pas déprimante elles sont particulièrement faites pour arrêter le temps et mettre les choses en valeur devant de magnifiques horizons a travers le monde. La musique c comme le vin. Pour le connaitre et l aimer il faut en gouter beaucoup et se faire le palais. Faites vous les oreilles 🙂

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