Georges Bataille a écrit que la littérature, c’est le mal. Yann Moix semble en accord avec l’auteur de L’expérience intérieure, livre qu’il a découvert adolescent avec une petite amie prénommée Amélie. Comme Moix a passé sa jeunesse à Orléans, il était certain de croiser la route de Bataille, puisque ce dernier fut bibliothécaire dans cette ville, sise dans les jardins de l’Evêché. Moix a compris qu’être écrivain, c’est vivre différemment des adultes, c’est avoir un emploi du temps personnel, c’est vivre en solitaire, en se défiant de la société qui veut soumettre chaque homme à des règles mortifères. Etre écrivain, c’est écrire neuf pages par jour un roman, comme il fait entre le 31 décembre 2018 et le 4 janvier 2019. Ça laisse peu de place pour bouffer l’agonie animale qu’on sert dans les assiettes lors du réveillon. Etre écrivain, c’est souvent mentir pour éclairer la vérité. À partir du moment où il est écrit « roman », il n’y a plus de débat sur la véracité des scènes décrites. Si Moix n’a pas été aussi maltraité durant son enfance, ça regarde éventuellement les biographes, pas le lecteur qui doit lire le livre comme une fiction.

Résultat de recherche d'images pour "orleans yann moix"Le narrateur d’Orléans a beaucoup souffert. Il s’est senti humilié durant cette période essentielle de la vie, l’enfance, il a été brimé, par la famille, par le système scolaire sclérosant ( Pages 237/238 à ne pas rater), par toutes celles et tous ceux qui ne comprennent pas ce qu’est un écrivain, pas un écrivain d’opérette, celui qui se demande quels ingrédients placer dans son histoire pour plaire aux gardiens du politiquement correct, non celui qui met sa peau sur la table, qui confond les verbes écrire et crier, qui finit parfois fusillé. Moix est de la trempe de ceux-là. Son style est âpre, dégraissé, près de l’os, original, volcanique, audacieux, excessif, jubilatoire, rarement mélancolique, sauf quand l’auteur évoque la nature, en particulier les arbres et la couleur du ciel.

On ne comprend pas un écrivain, de toute façon.

Le narrateur s’est emmerdé à l’école, il a vite pigé que c’était une entreprise de démolition des génies, supervisée par des frustrés, des peureux, des sectaires. Il a pigé également que la province, c’est le mouroir de la jeunesse, où tout le monde s’épie et se jalouse pour un rien. Ses parents n’ont pas compris que leur fils était différent, hyper sensible, rebelle, défroqué sans église. Quand le narrateur a découvert Gide, l’éblouissant style de Gide, ils ont crû qu’il était pédé. Quand il a écrit en imitant Ponge, car on imite toujours quelqu’un qu’on admire pour débuter, ils ont lu ses textes devant des amis en se moquant de lui. Ils n’ont rien compris. Rien. On ne comprend pas un écrivain, de toute façon. Son sang est rouge, mais de colère. Jamais noir de soumission. Leur fils martyrisé a trouvé refuge dans les livres de Gide et de Péguy, puis plus tard de Patrick Grainville. « L’orgueil et l’humour de Péguy, l’appétit de soleil et de vie de Gide m’apparurent très sérieusement, très concrètement, comme un rempart à la tristesse et aux coups qui ne cessaient de pleuvoir sur moi. »

Résultat de recherche d'images pour "yann moix orleans"Moix nous raconte une nouvelle éducation, pas sentimentale, mais ultra violente, d’où le narrateur est sorti cabossé. Il ya deux parties dans son roman. La première raconte la barbarie des parents ; la seconde, la vie sociale, tout aussi terrible. L’ado se prend des gifles avec les filles, il aime, mal, trop vite, il ne calcule rien, ça crée des hématomes sur son cœur, un copain meurt à sept ans, une amie tente de se suicider, un autre finit par lui dire qu’il l’aime et disparaît, rongé par la maladie. La mort rôde dans cette seconde partie qui hisse Moix au niveau du Poulou de Sartre. C’est dur et émouvant. On n’oublie pas certaines métaphores d’une poésie hugolienne.

Et puis, il y a le fil rouge de ce roman bulldozer, et ce fil rouge c’est l’enfance. Rester enfant coûte que coûte pour ne pas basculer dans le monde sordide des adultes. Préserver la beauté du geste, la gratuité de l’action, le gaspillage de l’instant. Demeurer « irresponsable ».

Moix écrit : « J’étais en train de grandir, ce qui est la forme pudique qu’on emploie pour dire que les enfants vieillissent aussi, jusqu’à devenir ces putrides événements qu’on appelle les adultes. » Il rejoint ici J.D. Salinger, avec L’attrape-cœurs.

Et pour conclure, cette première phrase qui résume l’époque : « le monde rouillait. »

Yann Moix, Orléans, Grasset.

7 commentaires

  1. Comparer Moix à Bataille, c’est comme comparer Jauni à Elvis, Raichida Dati à Jean Lecanuet, Michel Sardou à Townes Van Zandt ou Charles Péguy à Osama ben Laden… C’est plus ce que c’était Gonsaille, on à parfois l’impression de lire le Figaro Madame, dans ce grand portenawak éditorial.

  2. dans les tranchées….. ou a Cayenne… ou eteindre les feux du cul de braisolaro…ou niqué le 93, ou manger des surgeles encore surgeles,…ou peter son pet et le reniflier a l’infini, ou rentrer sa chemise dans on pantalon afin qu’elle se coince dans son pantalon, …ou lui faire ecouter les discours de Malraux a la voix chevrotante,… ou qu’il aille fermer & ouvrie les vannes des ecluses au pais des narcos,…ou on l’oubli! ou le lit pas! on on danse la carmaniole avec un bon coup de gnole de chatau neuf du pape, ou.. si rien n’est parfait, alors, prendre sa valise et ne plus venir faire chier son monde sur gonzaï.fr, ou ?;;;;;;;

  3. Emprunté le titre d’Antonin Artaud sans vergogne pour nous décrire un soit disant martyre contemporain, fallait oser, avec tous les clichés et les truismes pour bien cimenté le pâté.
    Et la conclusion qui va avec : talent =incompréhension, le sophisme imparable.

    Un Van Gogh en chemise blanche et Ray Ban Aviator, ouais c’est plus classe mec.

    Votre contribution en mode victimaire de ce furoncle qui se prenait pour une reine de beauté m’a fait pensé à un autre titre célèbre : « La conjuration des imbéciles ».

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