Au départ, il y a une pochette slim, blanche et fine. Un tracklisting sans indice, pas de photos: l'immensité du néant jetée sur un recto-verso. « Les mecs, pas la peine

Au départ, il y a une pochette slim, blanche et fine. Un tracklisting sans indice, pas de photos: l’immensité du néant jetée sur un recto-verso. « Les mecs, pas la peine de maquiller le disque en country all stars ; du Larzac au Périgord, on en vendra 300 en France. ». De toute évidence, même le label semble avoir perdu la foi en Tired Pony.

Mais avant d’en arriver au disque, faisons un petit détour par la cabane perdue à la sortie du village, celle dont les volets décrépis peinent à cacher le temps qui passe et l’étendue des accords gratouillés en presque un siècle de commercialisation; je veux bien évidemment parler de country. A la question « quel est le dernier grand disque de cowboy qui vous ait transpercé le coeur ? », la moitié des lecteurs auront certainement déjà quitté la pièce en déambulateur et les autres, dans un grand râle mêlant apoplexie et fou rire, auront en vain cherché à vous enfoncer un bout de craie au fond d’une extrémité sensible. Une poignée de fondateurs qu’on imagine six feet under depuis des lustres – Willie Nelson, Loretta Lynn, Dolly Parton, d’autres reconvertis braconniers – Ryan Adams, Bon Jovi !; la country est ainsi, sorte de maison bleue adossée à la colline ayant disparue des cartes, dont le seul sentier accessible reste escarpé. « Johnny Hallyday, Les Rolling Stones, Elton John, Dick Rivers : De 1975 à 1982, toutes les plus grandes stars du rock ont enregistré leur album à Nashville ».  Please, don’t shoot the cabane, ceux qui vivent là ont jeté les clefs.

“Allo, c’est Gary”

Le jour où Gary Lightbody (chanteur de Snow Patrol, un groupe aussi chiant que la country, NDR) eut l’idée – ou l’ambition – de ce disque un beau soir de mai 2009, on peut quasiment garantir sur facture que ce fut loin d’être l’idée la plus con de sa carrière. La meilleure peut-être, avec – pour paraphraser notre Tina Turner hexagonale – Dieu qui lui aurait redonné la foi et suffisamment de forces pour guider ses pas. Quelques coups de téléphone plus tard, le songrwiter tricard aura vu ses prières exaucées : réunir presque douze salopards – et pas des moindres – autour d’une bougie pour composer ce qui reste un disque de maitres d’œuvres du siècle dernier : Peter Buck (REM, les guitares), Richard Colburn (Belle & Sebastian, la batterie), Tom Smith (Editors, le chant), M Ward (la caution cigarette roulée du groupe), Tired Pony possède ce visage des super-groupes dont on attend plus rien. Et qui pour cette seule raison parvient encore à tromper son monde.

Un disque de cowboys, un vrai, avec dix chansons dont sept à vous donner envie d’étendre votre corps sur les rails pour boire vos larmes comme un pichet de bière salée. Peter Buck oblige, l’ouverture de Northwestern Skies sonne comme du REM vidé de son pathos de stades pour midinettes à névroses, et si le doute subsiste encore, l’impression d’être en face d’un album pour fermiers amateurs de Yiha! de rodéos s’éloigne doucement. Enregistré dans un sous-sol de Portland, on pourrait résumer The place we ran from à un disque de solitude à plusieurs – et ce serait déjà pas si mal, mais l’ensemble du disque ou presque s’avère être également l’exact contraire de ce qu’on serait supposé attendre d’un album de country contemporaine. Des références au Boss (Get on the road, hommage au Nebraska de Springsteen), un chanteur post new-wave métamorphosé en preacherman des pénombres (The Good Book, confessé par Tom Smith) des bouts d’acoustique qui font trembler dans la nuit (Point me to lost lands) et la force d’un collectif qui a remplacé l’égo par le Jack Daniels. Sommet d’un disque aux allures de Yellowstone, chanté par Iain Archer, I am a landslide s’avère être le récit de l’Amérique moderne, doublé d’un fond de May Flower avec des irlandais sur son ponton, ballade sans fioritures avec des choeurs d’enfants, des cloches et la superbe d’églises en bottes de foins. Dans le rétroviseur, la nostalgie des territoires d’antan. Dépaysant, dans son sens le plus large, le plus noble.

« That goddamn country ». Qu’on soit indien, irlandais ou français, on avait passé des années à fantasmer la country dans sa définition littérale, comme la recherche d’un bout de terre perdu où le visage des anciens s’imaginait inéluctablement en sépia. Disque de veillées immobiles, et en dépit de son titre intraduisible, The place we ran from court dans la direction opposée: No country for old men.

Tired Pony // The Place We Ran From (Sortie juillet 2010) // Fiction Rec.
http://www.myspace.com/tiredpony

10 commentaires

  1. Les a-aprioris à deux balles !

    Couleurs de la pochette,genre prédéfini….c’est vrai qu’il est de bon ton de mettre sa dose de cynisme,sa petite goutte d’acide c’est tellement simple…

    revisite simplement tes bases (pas Mika,les vraies..)

    16HP !!!!!

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