Que vaut encore un EP revendu chez Gibert ? Continuer d’enregistrer en studio, à quoi bon ? Deux français peuvent-ils être aussi percussifs que quatre américains shootés au Mc Deluxe ? Un bon pastiche vaut-il l’original ? Et bordel de nom de dieu, c’est qui ce Thomas Howard ? La réponse à toutes ces questions après ce chapeau. De cowboy, bien sûr.

L’attaché de presse s’y est repris à trois fois. Peut-être plus. En moins de deux semaines, j’ai eu droit au coup de fil, aux mails, à la relance professionnelle par voie digitale, bref à tout l’attirail supposé me faire écouter dans les grandes largeurs ce premier EP d’un groupe dont le nom évoquait autant les cactus que les Etats-Unis fantasmés depuis une chambre de bonne perdue à Bagnolet, entre l’échangeur d’autoroute et le marchand de kébabs. « J’suis sûr que ça peut te plaire » disait la voix sur le message répondeur. Face à tant d’insistance, j’avais autant envie de parier sur ce groupe que sur une bande de lépreux prêts à courir le 100 mètres haies.
Perdu sur le haut de la pile hebdomadaire des cds qu’il faudrait écouter, Thomas Howard Memorial a finalement trouvé le chemin du lecteur. Avant d’en arriver à l’essentiel, petit passage obligé vers la biographie promotionnelle de ces deux français échappés, le temps d’un side project, de The Craftmen Club :

« Se réclamer aussi bien de The Besnard Lakes, de Radiohead et de Archive, c’est assez surprenant. Name dropping ridicule? Finalement pas tant que ca. Les Thomas Howard Memorial arrivent à créer une belle ambiance musicale, aussi sombre que ouatée et leurs morceaux ont la qualité des chansons de post-rock, avec de belles montées qui ne demandent qu’à exploser ».

Mettons de coté ces « belles montées qui ne demandent qu’à exploser », cliché rédactionnel proscrit par la convention de Genève depuis 1993. Et concentrons sur les références listées par ce guide touristique permettant de relier sans effort Bagnolet à l’outre-Manche. Tenter de mélanger le rock dépressif de Thom Yorke aux mélodies Tranxen de ces épaves alcooliques d’Archives, pourquoi pas. Après tout on en connaît tant d’autres prêts à vanter les mérites immodérés des Pixies pour même pas six francs la douzaine que la nostalgie des 90’s n’effraye personne. Et puis il y a les canadiens de Besnard Lakes, cités en introduction. Un groupe contemporain, donc, dont le dernier album (« The Besnard Lakes Are the Roaring Night », 2010) débutait par une longue plage toute en nappes atmosphériques, avec un chant haut perché à vous faire passer le premier curé pour un Beach Boys égaré dans les plaines. Un titre qu’on retrouve, quasiment note pour note, sur A game with god, morceau d’ouverture de cet EP à la pochette, disons le, pour le moins bâclé. S’agit-il d’un plagiat, d’un hommage ou d’un mémorial ? A ce stade, ce n’est même plus un clin d’œil, c’est une œillade avec du maquillage à la truelle. Passons.

Restent quatre titres qui, comme on dit dans les périodiques achetés par vos parents, sont « de bonnes factures ». Une manière polie pour faire comprendre à l’auditeur que les débuts du dit groupe sont prometteurs, à défaut d’être pleinement convaincants. Thomas Howard Memorial, emmené par deux français, surprend par ce rock de deuxième étage (comprendre : un niveau au dessus du marasme ambiant) qui mêle adroitement chant guttural emprunté aux indiens, riffs hérités des cowboys et claviers volés dans le tourbus des Besnard Lakes. Un premier essai méritant qui, dieu merci, n’a pas « la qualité des chansons héritées du post-rock » (autre crime de guerre interdit par la convention de Genève depuis 1997). Mais qui contraste sans trop de mal avec les dizaines de groupes amateurs ayant révisé des heures durant leurs partitions de Pink Floyd dans l’espoir d’un jour briller sur la scène du tremplin local. Loin de cet objectif nul, les deux membres de The Craftmen Club méritent d’être encouragés, encore qu’il leur faudra pour se tailler une place au soleil en finir avec ces références à un rock qui n’existe pas. Où l’on apprend, sur la dernière ligne droite, que Thomas Howard était autant le nom d’un pirate anglais du 18ième siècle que l’un des nombreux pseudonymes de Jesse James. Entre l’imposture et la quête d’identité, cruel dilemme pour le français en manque de reconnaissance.

Thomas Howard Memorial // EP
http://www.myspace.com/thomashowardmemorial

3 commentaires

  1. Moi je dis « pas mal pour des bretons » … Je les sens quand même un peu fastoche comme ça quand même là, à l’écoute distraite. Y avait un truc chez les Craftmen qu’on retrouve ça et là dans ce nouveau truc mais avec le moins de rage, le lissage propret qui me déconcerte un peu. Bref, à encourager, ok mais faudrait qu’ils reprennent un peu de vitamines, une bonne giclée d’embruns à 10° dans la gueule.

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