La littérature musicale ne tient plus que par la ténacité d’une poignée de passionnés. Benjamin Berton en fait partie et il a décidé d’écrire la biographie de Daniel Treacy des Television Personalities, personnage aussi important que méconnu de la pop anglaise à la vie encore plus bordélique que les mesures de l’Etat pour lutter contre le Coronavirus. Joint par téléphone depuis Le Mans, Berton nous a parlé pendant près d’une heure de son important travail de recherche pour exprimer toute son admiration et sa tendresse envers la vie et l’œuvre du Syd Barrett du rock indé.

Celui qui avait ironiquement intitulé son troisième album « They Could Have been Bigger Than The Beatles » n’a jamais véritablement connu le succès. Accompagné d’un groupe à géométrie variable, Daniel Treacy a mené la barque des Television Personalities pendant près de trente ans entre pop-song merveilleuses et passages chaotiques marqués par la dépression, la drogue, la rue et même un bateau-prison. Placé en institut spécialisé depuis 2011 ans après une grave chute et dans un état de santé plus que précaire, Treacy a acquis le statut de légende de la pop anglaise des années 80 et 90 tout en restant hautement confidentiel. Cité comme référence par Nirvana ou MGMT, le groupe londonien a tout fait pour ne pas faire carrière tout en écrivant parmi les plus belles chansons du monde.

Dans Dreamworld ou la vie fabuleuse de Daniel Treacy, sorti le 5 mars aux Editions Le Boulon, le Français Benjamin Berton a choisi de raconter la vie mouvementée de cet immense songwriter au travers d’une biographie passionante. Au-delà de tonnes d’informations sur sa musique et son quotidien, il réussit la prouesse d’allier le détail du factuel à une dose de psychédélisme qui colle si bien au personnage : une plongée dans le Londres en pleine effervescence punk, entre tête à tête glaçant avec Jimmy Page, bénédiction de John Peel, garden-party rêvée avec Salvador Dali dans les 70’s, featuring de David Hasselhoff, l’admiration sans borne de Kurt Cobain ou les premiers pas d’Alan Mc Gee…

Résultat de recherche d'images pour "Dreamworld ou la vie fabuleuse de Daniel Treacy "Comment l’idée de faire une biographie en français de Dan Treacy est-elle née ?

Je suis chroniqueur rock depuis 25 ans. Dans ce cadre, j’avais rencontré Xavier Belrose, un ancien du Serpent à Plumes et fondateur de la maison d’édition Le Boulon, qui était à la recherche de projets rock. Nous avions discuté alors de plusieurs de nos passions pour tout le rock anglais post Joy Division et ce qui suit en passant par la brit-pop. Je lui ai raconté un certain nombre d’anecdotes sur les Television Personalities qu’il connaissait mais sans plus : notamment le début du livre avec ce gamin dont la mère tenait un pressing à Londres avec pour client Bob Marley ou Johnny Cash, et qui faisait coursier pour Led Zeppelin à 15 ans et leur livrer de la drogue… On s’est dit que ça pourrait être un bon sujet. Il n’y a pas de bio de Dan Treacy à l’inverse des Smiths qui compte au moins 25 bouquins. Cette histoire n’avait jamais été racontée alors qu’elle est riche dans ses ramifications et représente bien l’image du rock indé : celle d’un groupe de losers, qui n’a finalement jamais vraiment percé commercialement mais possède une histoire singulière, à la fois triste et parsemée de moments de flamboyance musicale. C’est avant tout un très bon groupe mais méconnu. C’est selon moi l’essence du rock indé, comme Felt pour lequel Xavier Belrose prépare un projet, avec un peu les mêmes caractéristiques d’un grand groupe qui merde et n’a pas l’aura que sa musique mériterait.

« Je ne voulais pas faire un livre de 800 pages mais me concentrer sur des scènes que j’ai jugées intéressantes à raconter qui me semblaient être un bon moyen de dire qui était Dan Treacy ».

Il existe le Journal d’un fan de chambre de JC Brouchard qui est plus un journal intime mais y a-t-il un livre référence sur eux à l’étranger ?

Il y a eu une notice biographique dans un fanzine dans les années 80 qui tenait sur une quinzaine de pages en allemand mais il n’y a eu aucune biographie. J’étais donc vraiment en défrichage sur l’histoire du groupe. Le livre s’est appuyé sur une trentaine d’interviews de protagonistes, allant de la sœur du chanteur à ses petites amies, des membres du groupe, des producteurs… Un vrai travail documentaire facilité par le fait que ça n’avait jamais été fait.

Il va falloir le faire traduire en anglais !

Oui ! Le livre a déjà été traduit mais on n’a pas encore entrepris les démarches pour le publier en anglais. Parmi mes objectifs, j’aimerais aller le présenter en Angleterre, même si leur statut est aussi méconnu là-bas qu’en France. C’est finalement en Allemagne et en Hollande que le groupe a peut-être eu le plus de succès.

Le livre est particulièrement bien documenté, je pense notamment aux descriptions de ses appartements qui sont très précises, comment avez-vous eu autant d’informations ?

Etant aussi romancier, j’ai l’habitude du travail de documentations et j’ai fait beaucoup de recherches sur les rues, les adresses. J’ai eu aussi beaucoup de témoignages directs, notamment de la part de son ex-copine Alison qui m’a envoyé beaucoup de photos de leur vie de couple, de leur appart, m’a donné le nom des chats, les surnoms qu’ils se donnaient… Je voulais vraiment restituer leur vie. Comme il s’agit d’un groupe peu connu, je ne voulais pas faire un livre de 800 pages mais me concentrer sur des scènes que j’ai jugées intéressantes à raconter qui me semblaient être un bon moyen de dire qui était Dan Treacy.
Les gens étaient très contents de partager et de raconter ces histoires car ils ne l’avaient pas encore fait. J’aurais pu aisément faire un bouquin trois fois plus gros mais il n’y avait pas tellement d’intérêt. Ce n’est pas Mick Jagger et j’ai essayé de calibrer au mieux le degré de détail pour que ça reste intéressant.

Si on revient au début de l’histoire, Daniel Treacy est un jeune londonien qui se lance dans la musique à la fin des années 70 en pleine explosion punk dont il a très vite senti la supercherie avec l’un de ses premiers titres : Part Time Punk ?

Dès le début, un peu comme Morrissey, il est à fond dans le punk dont il est à l’épicentre puisqu’il vit près de la boutique de Mc Laren où tout se trame. Mais il est déjà façonné dans sa culture et son goût par la période qui précède : le premier âge psychédélique, il est nourri au Pink Floyd et ce qui s’en suit. Il sent immédiatement la perversion du punk qui a été très rapidement colonisé par la mode et le marketing. Le punk originel n’a finalement duré que quelques mois mais Treacy en a incorporé des éléments comme la capacité à enregistrer très vite et pour pas cher sans être un grand instrumentiste mais en re-digérant aussi plein d’éléments de culture des sixties et des seventies.

Il est obsédé par les années 60, le swinging London, Syd Barrett, les Kinks, ça revient souvent dans votre livre…

Cette période est vraiment sa matrice musicale avec le premier Pink Floyd et les Kinks qui sont une inspiration très forte. C’est aussi un gars qui adore d’autres choses que la musique et notamment la peinture : le pop art, le surréalisme, et ça lui donne un fond culturel qui enrichit une vision qui aurait pu être simplement punk et sociale. Ca donne plus de complexité à ses chansons tout au long de sa carrière où il parle de David Hockney ou de Salvador Dali. Il a aussi une immense culture cinématographique. Il y a beaucoup de références culturelles dans ses chansons et ça dit des choses de l’Angleterre car le bouquin est aussi une bonne occasion de parler de la culture anglaise. Chez les gens tournés vers le rock indé, il y a souvent une vraie anglophilie.

« A un moment, John Peel parle d’un jeune groupe, on l’entend chercher leur nom, il tombe sur cette mention manuscrite et lance « ça doit être les Television Personalities ». C’est parti comme ça ».

Ce n’est pas Malcom McLaren mais, dès le début, il laisse planer un mystère sur son groupe qui n’a pas de nom, les patronymes des membres du groupes sont changés, c’est un petit coup marketing ou simplement de la flemme et un manque de moyen ?

Un peu de deux. Ce sont des jeunes qui n’ont pas fait le travail de se donner un nom et, en même temps, ce sont des mecs qui trainent dans l’ouest londonien, qui ne sont pas des décérébrés avec une vraie culture. Dès le premier single, ils utilisent des prête-noms de stars de la TV anglaise avec un collage de photos maladroit mais assez subtil aussi en termes de marketing. Il y a quand même une volonté d’intriguer, de créer du mystère. C’est presque arty avec l’idée de se faire une place originale dans un environnement foisonnant avec des tas de groupes. Et dans les premières années, il y a l’idée d’avoir du succès qu’ils côtoient d’ailleurs avec leur premier single qui cartonne bien et dépasse leurs espérances.

J’ai appris dans le livre que c’est John Peel qui a trouvé leur nom en direct à la radio, ça doit être assez rare ça ?

C’est presque par hasard. La pochette du single en question 14th Floor est dans le livret photos du bouquin avec un collage sur lequel ils ont marqué à la main « Television Personalities Team 78 » dans un registre très DIY. John Peel, dont j’ai réécouté l’émission, parle d’un jeune groupe, on l’entend chercher leur nom, il tombe sur cette mention manuscrite et lance « ça doit être les Television Personalities ». C’est parti comme ça. On m’a raconté que les membres du groupe étaient super contents d’entendre ça en direct et ont adopté le nom.

Les quatre premiers albums du début des années 80 (« …and Don’t the Kids Just Love It », « Mummy Your Not Watching Me », « They Could Have Been Bigger than the Beatles », « The Painted Word ») ne rencontrent pas vraiment de succès mais ça reste quand même leur période classique, qu’en pensez-vous ?

En termes d’originalité, de qualité, de production ou d’efficacité des morceaux, c’est clairement la période référence. Je distingue dans cet ensemble les deux premiers albums puis la séparation du line-up d’origine quand Joe Forster et Ed Ball partent sur Creation Records avec Alan Mc Gee. Ca ouvre la deuxième séquence avec Jowe Head et Dan Treacy en co-compositeurs. Ce sont deux périodes glorieuses et différentes qui créent le premier âge du groupe. Ensuite, Treacy sera presque toujours quasi tout seul avec des musiciens autour de lui dans un climat beaucoup plus chaotique où il est plus difficile de trouver une lisibilité ou une cohérence au projet même s’il y aussi de très bon titres dans les années 90 et 2000 mais plus de grands albums cohérents et complets à mon sens.

Résultat de recherche d'images pour "television personalities LP"On a l’impression qu’il passe à chaque fois de peu à côté : il rate le punk, il est grillé chez Rough Trade qui préfère sortir le premier single des Smiths plutôt que leur quatrième album, il se fait virer de la tournée avec David Gilmour pour avoir annoncé sur scène l’adresse de Syd Barrett, il revient au début des années 90 quand le rock anglais est mort et rate la brit-pop…

C’est un groupe qui a eu une incapacité à mener une carrière dans la durée. Ils ont de bonnes chansons mais ils n’ont jamais véritablement eu de tubes. Il a une voix assez particulière qui n’est pas celle de Morrissey ou d’autres chanteurs qui ont éclaté à ce moment-là en termes de séduction ou de puissance. Et je pense que pour faire véritablement carrière, il faut avoir de la constance dans l’effort, enchaîner les albums et les tournées avec une certaine tenue. Je ne sais pas s’ils ne savaient pas faire, ne voulaient pas faire ou ne pouvaient pas faire. Quand Fire Records essaient de les relancer au début des années 90 autour de l’album « Privilège », Treacy va vendre de son côté des compils pourraves qui sortent la même semaine, des singles avec trois chansons nouvelles en même temps aussi, ce qui fait qu’il saborde la petite stratégie marketing élaborée par Fire.

Depuis le début de l’interview, vous parlez des Television Personalities au pluriel, en groupe, ce n’était donc pas que Dan Treacy ?

C’est le moteur et le compositeur du groupe mais, dans ma conception, ça a toujours été un collectif. J’ai essayé vraiment de m’intéresser dans le bouquin à ce groupe de jeunes très soudés avec Joe Forster, les frères Bennett et Ed Ball. C’est un groupe qui nait au lycée avec une bande d’amis qui restent liés quasiment jusqu’à la fin des années 2000 puisqu’ils reviennent et repartent à toutes les époques, même s’il est resté fâché avec Joe Forster. Dans ma conception, c’est une fratrie. Jowe Head a ensuite donné corps à la vision de Treacy qui, à partir du milieu des années 80, est un compositeur qui n’a pas l’application et la concentration nécessaires pour totalement construire des albums. Il a des intuitions, il compose des chansons mais il ne note rien, n’a pas d’enregistrements et il est souvent incapable de rejouer des chansons créées la veille. Je pense donc que leur discographie n’existe pas sans le collectif. Comme Treacy a traversé beaucoup de soucis, il y a toujours eu besoin de personnes pour le maintenir à la surface et lui permettre d’enregistrer. Je ne me suis pas trop attardé sur la période 1995-2004 où il est tout seul et vend trois morceaux à un patron de label pour avoir 300 livres et aller se shooter derrière où il est vraiment en mode Chet Baker.

« Cobain était vraiment en position d’humilité face aux Television Personalities qu’il considérait comme supérieurs à lui en termes de songwriting »

En plus de la drogue, il y a aussi la dépression qui revient de manière cyclique, c’est quand même un personnage très torturé…

Dès le premier concert avec son groupe, il est marqué par des angoisses quasi-existentielles et une incapacité à tenir son rôle tout en étant un type assez rayonnant. Tous ses copains et ses petites amies en parlent comme un personnage brillant, très joyeux notamment dans sa vie de couple. Il court les expos, il fait beaucoup de blagues et des imitations mais il a des failles très importantes et des gouffres qui s’ouvrent à des moments où il perd pied. Le refuge est alors de disparaitre quelques jours au début puis quasiment une décennie par la suite où il tombe dans un trou noir de drogues et de dépression.

Parmi ses périodes calmes, il y a celle de la deuxième partie des années 80 quand il est en couple avec Emilee et il gère son label Dreamworld où il bosse beaucoup et se trouve des qualités de découvreur de talents, il sort les Pastels, les Marine Girls, Mighty Lemon Drops, On Thousand Violins…

C’est un aspect intéressant du personnage. Avant de perdre les pédales, il a toute une période dans sa jeunesse où il est très moteur de son collectif. Il menait ça tout seul, écrivait des fanzines, faisait des flyers avec sa nana, contactait des groupes et organisait des tournées. Ce n’est pas un manche ni un asocial. C’est un petit entrepreneur et ça nécessite des compétences qui ne sont pas que celles d’un simple chanteur. Il est réellement au centre d’une scène et Alan McGee lui a d’ailleurs rendu hommage publiquement plusieurs fois pour dire qu’il n’y aurait pas eu Creation Records sans Dan Treacy. Mc Gee prend goût à ce métier et découvre le travail de label à partir du boulot de Treacy qui est à la base de cette scène londonienne qui va amener beaucoup de choses par la suite. Il avait du nez notamment sur la pop féminine, c’est un des premiers à faire chanter des filles dans ce style musical un peu twee pop qui se retrouvera plus tard dans les années 90 avec Lush et autres.

Il y a aussi cette rencontre amusante avec Kurt Cobain qui demande à ce que les Television Personalities jouent en première partie de Nirvana, il était très fan de Dan Treacy ?

Il y a dans le livre un récit de la rencontre qui m’a été racontée par plusieurs personnes mais sans témoignage direct. Treacy est perdu dans Londres et les agents de Nirvana essaient de le contacter en appelant plein de gens sans succès et il réapparait au bout de quelques jours. On lui dit : « Nirvana veut que tu fasses leur première partie au London Astoria ». Il ne connait pas ce groupe mais vient quand même jouer. Il avait vendu tous ses instruments quelques jours avant pour acheter des trucs… Ils vont donc jouer avec les instruments de Nirvana. Ils se rencontrent le jour du concert. Cobain est en pleine trajectoire ascendante avec laquelle viennent les premières interrogations sur le succès. On m’a raconté qu’il était vraiment en position d’humilité face aux Television Personalities qu’il considérait comme supérieurs à lui en termes de songwriting et plus méritants que lui car Cobain s’est toujours senti un peu imposteur. On a aussi pu tracer que Nirvana revient les voir plus tard lorsque Treacy est en tournée américaine où ils se rencontrent de nouveau. Il n’y a pas de récit direct mais on sait que Cobain était déjà en fin de cycle et se suicidera peu après.

Que retenez-vous de cette deuxième période du groupe chez Fire Records et comment la placez-vous dans l’ensemble de l‘œuvre du groupe ?

Cette partie me semble aussi intéressante que la première au niveau des chansons. « Privilège » me paraît être un album vraiment complet et très solide. C’est peut-être leur dernier album important car le suivant « Closer To God » est déjà plus composite et enregistré de façon plus morcelée. « Privilège » reste pour moi le sommet de la collaboration avec Jowe Head avec un groupe qui fonctionne même si Treacy est déjà très imprévisible. Mais, au niveau créatif, c’est une excellente période.

Il vit à ce moment là une idylle avec Alison, il y a eu Emilee précédemment, sa mère revient souvent aussi, les femmes semblent avoir eu un rôle très important dans son parcours ?

Selon Alison ou sa sœur, c’est quelqu’un qui a un rapport très enfantin aux femmes, il est décrit comme très drôle et attentionné. C’est un peu de la psychologie de bas étage mais on a l’impression qu’il cherche à la fois une maman et une copine. Selon les compagnes de sa vie, il a un rapport aux femmes très adolescent avec beaucoup de petits mots, des dessins. C’est assez frais mais il a en même temps besoin d’être protégé. Il semblerait que ses parents ne souhaitaient pas sa naissance et il y a des histoires de famille assez lourdes d’après ce qu’on m’a dit. Je n’ai pas trop voulu jouer la carte psychologique mais il a une vraie recherche d’amour maternel et une sensibilité féminine importante.

De la fin des années 90 jusqu’à 2004 environ, Dan Treacy disparaît totalement, ce que vous appelez le « trou noir », que se passe-t-il pendant cette période ?

En clair, il est clodo. Il passe son temps dans des repaires de junkie. Il dort parfois sur le canapé chez des amis mais se fait éjecter pour avoir volé du pognon. Et il y a de longues périodes où on perd carrément sa trace. Il se fait arrêter plusieurs fois pour vol, c’est un passage complet dans la marginalité la plus totale de clochard drogué avec une existence souterraine. Il réapparait un peu après son incarcération dans un bateau-prison dont il sort en 2004 mais il reste encore très marginal par la suite même s’il arrive à avoir des apparts et vit avec une Russe rencontrée en tournée. Il retourne dans la rue à plusieurs reprises et passe par l’armée du Salut. Son existence est vraiment chaotique et précaire jusqu’au bout.

Le type est solide puisqu’il a encore fait des albums dans les années 2000, et il a toujours été aidé par ses anciens collègues, ça paraît difficile de lui en vouloir, c’est un bon mec ?

Ce qui revient tout le temps c’est que c’est un type qui ne ferait pas de mal à une mouche. Il est décrit comme extrêmement gentil. Même s’il a le vice du junkie, il reste adorable et les gens veulent toujours l’aider comme Ed Ball qui revient plusieurs fois. Certains peuvent aussi y trouver un intérêt musical comme Fire Records qui ne le lâche pas car il continue à écrire des chansons dont certaines sont vraiment pas mal. Il garde une forme de créativité qui est accompagnée sur les albums de la fin. Ed Ball met en forme pas mal de choses sur ces disques. Treacy continue à gratouiller et à avoir des intuitions mais le collectif prend le relais pour exprimer sa vision. Sur le dernier album, les titres sont vraiment augmentés par les musiciens du collectif sur des idées qui sont bonnes mais embryonnaires. Sur cette période, la musique est plus un moyen de subsistance qu’une façon d’exprimer des choses.

Vous vous autorisez aussi quelques digressions, le récit devient parfois totalement psychédélique et onirique, vous vouliez vous mettre aussi dans le cerveau de Treacy ?

Je pense que ce n’était pas un groupe suffisamment majeur pour que la biographie ne soit qu’un travail d’historien. J’ai lu des tas de bios rock où on sait ce que le mec a mangé à midi tel jour comme pour les Beatles ou d’autres. Pour les Television Personalities, ma question était de savoir qui cela pouvait intéresser et donc comment aborder la biographie d’un groupe finalement assez mineur ? Il m’a semblé qu’avoir ces décrochés psychédéliques répondait quand même bien à l’esprit de ce groupe avec des scènes surréalistes sur Londres et d’avoir un protagoniste fictif, Geoffrey Ingram, qui est en fait le personnage d’un film (« A Taste Of Honey », 1961) et le titre de l’une de ses chansons. Je lui donne une existence réelle dans le livre car Treacy signait souvent ses correspondances de ce nom. L’idée m’est venue que ce gars serait un peu son double en plus aristocratique et bourgeois. Je le fais aussi avec Salvador Dali ce qui correspond bien à cette œuvre foisonnante et parfois délirante comme ça pouvait être le cas chez Syd Barrett par exemple.

A la lecture, j’ai longtemps cru qu’Ingram était un vrai personnage !

Ca m’intéressait de le faire exister car ça habillait aussi le récit en créant un dispositif. C’était une sorte « d’œuf de pâques » que les rares experts des Television Personalities pourront trouver drôle et à côté duquel ceux qui ne le connaissent pas pourraient passer en pensant que c’est un vrai personnage. Le narrateur se met aussi un peu en scène sur certains passages avec la vraie/fausse visite à Treacy à la fin du livre, ça amène un peu de vivacité au dispositif.

« Le livre a été envoyé à Treacy et il l’a eu entre les mains. Je sais que Jowe Head lui en lu quelques chapitres et que ça l’a fait marrer ! »

En 2011, il y a cette chute en sortant du bus avec une grosse blessure à la tête qui le plonge dans le coma, il est dans un institut spécialisé depuis près de dix ans, quelles sont les dernières nouvelles de Dan Treacy ?

Il y a eu des hauts et des bas. Sa sœur surtout, Jowe Head et d’autres viennent très souvent le voir. Ils m’ont dit qu’il était très diminué : il est quasi aveugle et ne supporte plus la lumière du jour, il ne peut quasiment plus se mouvoir ni marcher et ses capacités intellectuelles et cognitives ne sont pas forcément intactes. Il alterne des périodes de lucidité et des périodes uniquement centrées sur sa douleur et l’envie de mourir. C’est donc tout sauf brillant et il n’y aura globalement pas d’issue favorable à envisager. Je retiens aussi le positif car un de ses principal plaisir est d’écouter de la musique, la sienne et celle des autres. Il rigole quand des gens viennent le voir, il aime toujours faire des exercices de calculs mathématiques, dans lesquels il a toujours été très doué, même si ça ne va pas forcément très loin. Il reste toutefois alité avec de gros problèmes de motricité et ne peut pas exemple plus du tout jouer de guitare. Il ne va donc plus se passe grand-chose si ce n’est une fin à un moment donné.

Alors vous êtes allé le voir finalement ou pas ?

La scène de la fin est fictive ! J’ai longtemps hésité à ce qu’elle soit réelle. J’en ai beaucoup parlé avec sa sœur et Alison qui me disaient qu’il avait un bon jour sur trente visites. Un peu comme les grands malades d’Alzheimer, il peut y avoir une fenêtre de tir pendant un quart d’heure avec un semblant d’échange mais, globalement, il est presque dans un état végétatif et pas gratifiant du tout. J’ai donc décidé de ne pas y aller car je n’avais pas vraiment de légitimité vu qu’il n’est pas « interviewable » en tant que tel. Par contre, le livre lui a été envoyé et il l’a eu entre les mains. Je sais que Jowe Head lui en lu quelques chapitres et que ça l’a fait marrer !

Il y a votre livre mais aussi une grosse campagne de rééditions dernièrement et la sortie de nouvelles compilations, peut-on espérer un revival Television Personalities ?

Il y a toujours un intérêt croissant et le livre y participe. Fire Records fait du bon boulot de promotion. Joy Division a été épuisé au maximum désormais et il est important de découvrir d’autres œuvres complexes avec une histoire intéressante. Pas mal de groupes importants le citent comme référence. Ca reste dans le petit milieu indé mais il y a des chances qu’on en entende plus parler. Je sais que Fire a encore pas mal de matériels à exploiter. Un biopic de Mc Gee par Danny Boyle doit sortir aussi qui devrait de fait mettre en scène Treacy. Il se passe des choses effectivement même si ça ne va pas devenir les Beatles du jour au lendemain.

Benjamin Berton // Dreamworld ou la vie fabuleuse de Daniel Treacy // Editions Le Boulon

10 commentaires

  1. Dan Treacy est un songwriter singulier et indémodable et indépassable ,Les TVP’S sont pour moi avec XTC les deux plus grands combo uk des 80’s et 90’s.Le royaume unis des années 2000 et 2010 ont été totalement incapable d’enfanter des trublions de la trempe de Dan Treacy et Andy partridge .L’indie pop et le rock indé d’albion sont des style de musique qui ont eu extrêmement du mal a ce renouveler voir pas sur ce renouveler du tous .Pour moi Arctic Monkeys ,Alt-J et consorts sont des combos qui composent une musique ultra conformiste mainstream insipide et sans supplément d’âme ,en clair c’est de la merde en bar 78 carats

  2. oué bien sur pas de Pulp! ni de jarv is, ni de Baxter dury, c’est rop a la mode, & la France bat son renovo skin qui aboit. aussi BB sort des kompil des iles et de cha cha cha ça contrebalance ….

  3. POur bien bourrer sa journée attaquer les Virusses, les verus, les mégoteurs, les shops_egouts, la cantine, & son magazine qui pue en racontant du ressassé,

  4. fan des TP j’ai parcouru le bouquin et je lis que Luke Haines a fait partie de Anastasia Screamed avant de former The Auteurs. Il a fait partie d’autres groupes avant, ok, Westlake et The Servants, mais pas de AS qui est un groupe américain, avec notamment le gars qui formera Scarce plus tard. Pas le propos du livre mais bon à quoi bon citer des gens alors…

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