Son nom ne vous dit peut-être rien et c’est normal car c’est indubitablement un musicien de l’ombre. Il fut le compagnon de route de Magma première mouture avant de se consacrer un temps aux synthés tel un savant fou. Le label Hot Mule publie aujourd’hui une compilation dédiée aux prémices de l’œuvre novactrice de Teddy Lasry dans laquelle les synthés se bousculent comme à un concert de Travis Scott.

Chez Gonzaï, ce n’est un secret pour personne : on a un faible pour les arrangeurs un peu méconnus des années 70 comme Jean-Pierre Decerf ou Bernard Estardy, et tout ce que la library music à la française compte de génies oubliés. Alors forcément les quelques morceaux de Teddy Lasry publiés par Hot Mule n’ont pas manqué de nous émoustiller.

Autant le dire franchement, c’était pas gagné d’avance. D’abord, je n’en avais jamais entendu parler. Ensuite, à l’écoute du premier morceau je me suis carrément demandé pourquoi on m’avait recommandé cette charmante musique d’ascenseur. Le morceau inaugural m’a un peu fait penser aux moments les plus chiants du Plantasia de Mort Garson et m’a presque donné envie de me réincarner en aloé vera. L’easy-listening pour diggers du dimanche, très peu pour moi.

Mais j’ai bien fait de persister, tout compte fait, car j’ai été charmé par la suite. La musique de Teddy Lasry  évoque Alain Goraguer et la B.O. hallucinée de La Planète sauvage, ou bien Jean-Claude Vannier période La Horse et Cannabis, dans une veine plus synthétique et plus expérimentale. Ce qui d’ailleurs semble inscrit dans le patrimoine génétique de ce multi-instrumentiste qui n’est autre que le fils d’Yvonne et Jacques Lasry, les premiers musiciens à utiliser le Cristal Baschet, un instrument rare fait de tiges métalliques qu’on fait résonner grâce à des tubes en cristal et des amplificateurs.

L’obssession spatiale et le futurisme semblent des motifs récurrents de l’œuvre de cet accro aux synthés (comme en attestent la musique et la pochette de l’album E=MC2, dont le titre Bird of space figure à la toute fin de la compilation). Teddy Lasry s’illustre à la fois dans un registre disons expérimental ou prog voire carrément savant, mais aussi dans un style parfois plus simple, percutant et organique. Certains passages, forcément un peu datés voire franchement kitsch, renvoient à une époque où la « fusion » était en vogue et où la musique se devait d’être raccord avec le col pelle à tarte.

Cette compilation tire parti du regain d’intérêt de ces dernières années pour la library music, à l’instar des compilations KPM Music récemment réédités par le label mancunien Be With Records. Ceux qui sont atteints de diggite aigu pourront aller faire un tour du côté des compilations Patchwork sur lesquelles Teddy Lasry apparaît.

Aux auditeurs plus pressés, on conseillera surtout Birds in space, qui plaira autant aux amateurs de Steve Reich qu’à ceux de Francis Bebey, sans compter les ortnithophiles fans de Messiaen et Chassol, mais aussi Krazy Kat, qui est à mon sens la quintessence même de la library music : un groove imparable, une orchestration impeccable et une petite touche subtile d’expérimentation.

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