Jamais personne ne fait le choix d'être seul. De toutes les faiblesses humaines, c'est la plus répandue. Nous préférerons toujours prendre ce qui nous passe sous la main que d'aff

Jamais personne ne fait le choix d’être seul. De toutes les faiblesses humaines, c’est la plus répandue. Nous préférerons toujours prendre ce qui nous passe sous la main que d’affronter les affres de la solitude, du « face a soi ». Nos angoisses dans les mains, nos faiblesses dans le cœur : l’autre à tout prix est un opium tuant tous les doutes. Sans le miroir des yeux, nous ne sentons que trop le chaos qui nous habite. Pour cette raison, nous ne supportons pas la solitude.

Pourtant, l’autre nous contraint souvent. Pire, les assassins de Saint-Anne nous vampirisent. La chaleur flamboyante de certains attire les autres comme des moustiques la nuit. Le besoin de prendre un peu de ce feu sacré que la lie ne peut entendre, trop sourde de sa propre médiocrité, est un combat du quotidien. Alors, une seule réponse existe dans ce bal de félons : Walk The Line.

Le solitaire, l’Hermite, l’outsider et le prophète sont les tristes figures de notre société. Pourtant, ils sont souvent une cure pour nos esprits. Il y a deux ans, le fils de David était déjà là, à l’intérieur de nos murs. Et c’est seul, avec ses harmonicas et quelques percussions qu’il nous avait fait grandir, nous avait mis face à nous même. Comme un « Medecine Man », il avait su faire naitre en nous la grandeur, le bonheur et la sincérité. Chapeau à bord plat, costume de lin rayé gris, il est aujourd’hui de retour avec Shake a bone, un nouvel album pour soigner les âmes solitaires. C’est le pouvoir médicinal de la musique : tuer notre individualité pour nous faire accéder au sentiment esthétique universel. C’est là la raison d’être du bluesman.

Son Of Dave : Boum boum, boum. Prrrr prrr… C’est bon, il marche cet enregistreur.

C’est assez amusant, quand j’ai fait l’interview de John Spencer, il n’as pas pu s’empêcher de faire la même chose que vous : cracher dans mon enregistreur.

C’est vrai… pas possible. Vraiment !?

Vous avez joué avec John Spencer, en tournée, à Rouen. C’était bien ?

C’était… fort. Très fort.

Comme lui, vous faites cette musique trash : reprendre les vieilles traditions et les remettre au gout du jour, les rendant plus électriques. Comment en êtes-vous arrivé là ?

C’est une chose normale pour moi. Ce n’est pas une musique du passé, car j’ai grandi avec cette musique. La musique du passé, elle date de 1700. Voilà le passé. Les choses des années 40, 50, 60… ce n’est pas vieux. C’est juste une illusion entretenue par des personnes qui veulent vous vendre quelque chose de nouveau. Et quand tu as intégré cette idée, ce n’est pas de la vieillerie. (I Got a Woman de Ray Charles passe a la radio). Je peux écouter cette chanson et, je ne sais pas, on appellerait cela de la vielle musique, du retro… Non, c’est une lourde, dure et enviable musique. Et elle marche toujours. C’est Ray Charles, ce n’est pas vieux. Il est mort récemment et pourtant il est toujours vivant. Ce n’est pas vieux, ce n’est pas fini.

Dans votre album précédent, vous commenciez le disque avec un gospel vocal. Et cette musique, les raisons pour lesquelles ces personnes chantaient ces chansons…

Mais ils le font toujours ! C’est mon point de vue. Des nouvelles choses ont été inventées, mais la musique d’avant ne part pas. Les gens chantent comme cela, tout autour du monde. Ils chantent et tapent des mains. Tout cela n’a rien d’une vieillerie.

Je suis profondément d’accord avec vous. J’essaye juste de comprendre pourquoi cette musique reste si puissante.

Je ne sais pas pourquoi je fais ce genre de musique. Je l’ai toujours fait et aimé… Je ne joue pas de Drum & Bass.

Mais qu’est-ce que le blues nous raconte aujourd’hui ?

Je ne sais pas, il faut le demander aux principaux intéressés… J’essaye de ne pas être trop sarcastique… Mais ce n’est pas si différent d’une bande de petits blancs avec une batterie, une basse et une guitare. Je ne pense pas que cette musique n’ait appartenu qu’à de pauvres noirs américains, il y a 40 ans. Dans ma ville, tu pouvais être dans la rue et entendre des gens jouer de l’harmonica et du saxophone. Ça a toujours été ici. Et c’est OK.

Bien sûr que c’est OK.

Non, je me le dis à moi pour m’en souvenir.

J’aime vraiment la manière dont vous concevez vos concerts : c’est un médecine show où vous arrivez avec votre valise, votre costume, pour apporter de la joie aux gens. Et puis vous faites ce feu d’artifice a la fin…

Oui, je fais le même concert tous les soirs. Et sa marche. Et c’est mon Job.

Vous voyez cela comme un travail, le fait les gens danser et de les rendre heureux ? C’est votre contrat avec vous-même ?

Oui. C’est différent d’autres travails. Si on parle de « métier » à quelqu’un, il pense assez peu souvent à lancer des confettis sur un public, boire du vin et se trimbaler tout ces harmonicas sur lui. Mais c’est un travail. Je dois rester en forme pour ce travail, pas trop boire, ne pas me fouler la cheville. Et puis je porte beaucoup de matériel dans les escaliers. Du matériel lourd. Attention, il faut être à l’heure. Car si tu  es légèrement en retard tu rates le train; et tu rates le show. Merde.
Et j’ai une de ces machines (un téléphone) tout le temps sur moi. Je suis comme un businessmen. Les businessmen font semblant d’être des rockstars de nos jours. Ils aiment voyager, acheter des bijoux chers, ils aiment les « Electric guizmos », les guitares et les groupies : qui sont pour eux des secrétaires et des stripteases. Ils sont très matérialistes… ce sont comme des rock star.

Votre dernier album a été enregistré live, seul. C’est très impressionnant.

Deux semaines pour tout enregistrer. Mais sur une chanson, tu peux entendre un congo. Alors comme je n’arrivais pas à jouer du shaker, de l’harmonica et du Congo en même temps… j’ai un peu triché. Mais c’est tout.

Et vous n’avez jamais pensé à jouer cette musique avec d’autres personnes. Parce que vous devez vous sentir très seul, en studio, sur la route…

C’est une bonne question. Mais non. Pas vraiment. Un peu. Il y a toujours quelqu’un à qui parler : des journalistes comme toi, des techniciens avec qui l’on se bat, et des gens du rock et de la musique partout. D’autre groupes… Donc c’est OK. Partout où je vais, il y a des étrangers.

Mais parler avec des étrangers… c’est fatiguant.

Oui, mais je pourrais retourner a mes petits secrets en revenant chez moi. Je passe beaucoup de temps avec les étrangers. Dans toutes l’histoire de ma vie. Depuis que j’ai 20 ans, 22 ans. Je me suis entrainé… Donc je ne me sens pas trop seul. Tant qu’il y a des gens. Tiens, prend un peu de vin et pose donc une autre question.

C’est que je n’ai pas tant de questions que cela. Votre musique est si claire. Je suis juste venu pour voir comment vous étiez hors de scène : En concert,  vous êtes si cabotin, je voulais voir si c’était la même chose hors de scène. Et je vois que oui.

Ah, tant mieux. C’est donc que je suis la même personne. Ça me rassure, sinon cela aurait voulu dire que j’étais fou.

Oh, il y a bien autre chose que je pourrais dire sur votre musique : par exemple, j’ai une amie qui a 23 ans. Et elle écoute votre album, seule chez elle. Et elle danse. Après elle m’appelle et me dit : « oh, j’écoute Son of Dave et c’est tellement bien… » Notre époque est folle.

Putain que j’aime cela. C’est une part très importante de mon travail, faire danser les jeunes filles modernes toutes seules et qu’elle le disent a leurs copains. C’est ce qui se passe quand ils sont loin. C’est un rêve qui devient réel. Et quand on regarde la lenteur que tout cela a prise, ce n’est pas une surprise. Si tu construis une grosse maison, parfois tu la regardes et te dis « c’est incroyable, j’ai construit cela ». Mais la plupart du temps tu vois les portes qui sont de travers, et le papier peint qui tombe, et le fait qu’elle ne soit pas très bien isolée. Alors je passe le temps a voir les petit problèmes.

Vous réécoutez beaucoup vos anciens albums, seuls. Peu d’artistes aiment faire cela. Qu’est ce que ça fait ?

Non, on les écoute tellement souvent avant qu’ils sortent.. Ce qui est bon, c’est de les écouter des années après. La tu as toutes les émotions : l’horreur, le fierté, l’embrassement. C’est pour cela que j’attends de les oublier. Et là, c’est comme si ils étaient nouveaux.

Quand j’ai fait l’interview de T Model Ford, ce qui était incroyable, c’était que pour chaque question sur sa musique, il répondait toujours en parlant de sa vie. Comme si sa vie et sa musique étaient indissociables. C’est la marque des bluesmen.

Je ne suis pas sûr de vouloir jouer ce personnage. Bien sûr que c’est une grosse partie de ma vie, c’est ce que je fait et ce que j’ai toujours fait. Mais j’ai d’autres centres d’intérêt qui n’ont rien à voir avec la musique. J’ai d’autres facettes de ma personnalité qui n’ont rien à voir avec cette philosophie. Je suis ce que je suis. Et je ne prétendrai jamais que le blues est ma vie. Ces conneries sont pour d’autres personnes du passé et de pays lointains. Certes, je suis un bluesman, mais je suis plus qu’un bluesman. J’écris des choses et je parle d’autres musiques et j’ai plein de choses de ma vie secrète qui n’ont rien à voir avec tout cela. Je lis des livres qui n’ont pas été écrit pas des musiciens de blues, tu vois. Donc je ne dirais jamais que le blues est ma vie car ma vie et bien plus grande que cela. Heureusement, j’ai d’autres rythmes dans ma vie que ceux-ci.

Et quelles parties de vos sentiments utilisez-vous pour faire cette musique ?

J’utilise beaucoup de colère. Mais c’est plus une revanche que de la colère. C’est une colère au delà de la désespérance frustrée. J’adore cette colère concentrée, la détermination. Puis j’utilise tout les « sexy feelings », parfois les tristesses romantiques, le désespoir, la peur. Mais la plupart du temps, la colère et les feeling sexy, joyeux. Très simple. C’est mon travail… faire vendre des bières.

Son of Dave // Shake a bone // Kartel
http://www.myspace.com/thesonofdave

8 commentaires

  1. Je le trouve très bien mené cet interview.
    ‘ Putain que j’aime cela. C’est une part très importante de mon travail, faire danser les jeunes filles modernes toutes seules et qu’elle le disent a leurs copains’
    Voilà le genre de phrases que j’aime entendre. Les artistes qui ne visent pas vers l’infini, mais dans la chaleur humaine. et quelle chaleur.

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