Depuis la province, quand on n'est rompu ni au "bohème" de la rive gauche ni aux digicodes de la rive droi

Depuis la province, quand on n’est rompu ni au « bohème » de la rive gauche ni aux digicodes de la rive droite, les rares fois où on assiste de visu à un rassemblement de personnalités plus « culture » que « people » c’est encore en visionnant Paris Première.

Là un auteur a fantasmé pendant des mois le trottoir et les vitrines de la place Clichy avant de les saigner sur son clavier ; l’autre les a arpenté. Il y a longtemps. L’un déplore devant une salle de débat la « dématérialisation des supports », et l’autre se souvient à peine de ce vinyle qu’on lui demande de dédicacer. A la fin de l’émission, tout le monde rentre souvent chez soi, en métro, en taxi, c’est la vie intra-muros comme on l’imagine un peu trop souvent.

En recevant mon billet de train pour le salon du Rock et de la littérature, destination Deauville, j’ai tout de suite compris que je tenais là une revanche. Sortir des clous, direction la cote, ses nids de poule et la gloriole. Pensez donc… Serge Clerc, Eudeline, Nick Kent, De Caunes, Lescure, Yves Bigot… Ces gens réunis en un même lieu l’espace d’un Week-end, y’avait bien que le métro pour pas y aller non?

Le propre du reportage c’est de se sentir un agneau lâché dans une meute de loups. Un mouton avec appareil photo et collier accred autour du cou. Comme une cible pour ne pas être raté. Grignoté, par ceux qui veulent mordicus être devant les caméras, une poignée de secondes de virtual fame. Et méprisé, par les autres, les dignes, les idoles, les vrais. Dont vous n’êtes bien sûr pas, quand bien même vous êtes convié aux mêmes salons, vous partagez les même hôtels, le même caterring…

En rejoignant Nash, j’ai su sans ambiguïté que la SNCF allait lâcher deux loups de plus dans Deauville. Que nous serions parmi les auteurs et non parmi les ‘presse’. Que cela ne choquerait, ni ne laisserait de doute à personne. Et pire que tout, que ces deux dénominations perdraient tout sens quand Yves Bigot, Pierre Lescure, Nick Kent et Antoine De Caunes auraient statué que le départ de toute littérature rock commençait par un renouveau du journalisme, d’implication, où l’auteur était tout aussi important que son sujet.



Laetitia Daget, présidente du festival, s’en félicitera après coup : le salon (que je ne pourrais m’empêcher d’appeler ‘Festival’ comme si son caractère rock’n’roll ne trompait personne) s’est « très bien passé », les auteurs ont joué le jeu d’être présents au lieu de traîner dans la ville tels des zombies-touristes aux frais du prince. Et pour cause, la grande chasse aux requins en forme de name dropping a rapidement tourné à la réunion d’ancienne promo et de bleus qu’ils parrainaient.

Tout cela a commencé entassés dans un van entre Ariel Kenig, casquette et survêtement apple-green, silencieux, anonyme, et Serge Clerc, souriant, affable, limite trop. Dans ma dénomination suscitée : un gentil chevreau et un loup en rôde. Cela s’acheva dans le champagne et les crustacés. En passant par des rues figées de Disneyland avec Mikailoff, ou Kent, des bars avec Bourseiller ou Hanot, et des bronzing d’asphalt avec Delaume, Attal ou Fercack…

Chacun fait fait fait, ce qui me plait plait plait.

Deauville n’est pas rock ? Qu’à cela ne tienne, les rockeurs ne furent pas « Deauville ». Car le défilé des dorures et couloirs moquettés que le nom de ce bled normand vous laisse imaginer a tout confirmé, sinon le principal : ce qu’on devait attendre d’un thème aussi ronflant que les glorieux mots Rock et Littérature accolés. Comme deux gosses de bonne famille dans un rally où l’odeur du stupre ne dépasse jamais celle des boiseries, merisier et noyer. Des débats sans fond, sans fin, sur les dangers du tabac ou l’influence du punk ou des sixities. Des biographes de la new wave. L’omniprésence de Eudeline et l’absence de Despentes…
Plutôt écraser d’un talon verni le coupable mégot sur les moquettes du C.I.D. Rater le passage de Manset pour sauver sa coupe des mains de miss Kuperman. Se faire tirer ses clopes par un ex-punk myope. Se moquer de Technikart dans le fumoir du Regine’s en maudissant le cours du rhum et le set de DJ Emma.

Finalement si, on y a répondu à cette grande question. Les amateurs de Pivot le savent bien : les auteurs sont des gens infréquentables. Finissent le plus souvent alcoolo ou intégriste d’un principe débile. Les auteurs rock, c’est bien simple, sont tout le contraire.

Vous n’auriez pas quelque chose à boire ? J’ai égaré mon verre.

 

11 commentaires

  1. Classe Recel, classe.

    J’ai souvenir d’une histoire de « décapsuleuse de bières » qui vivait à Bangkok, comme ça. Néanmoins je crains que cela altérait le goût de la binouze en question.
    Enfin, moi qui aime les crustacés…

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