Un bon disque doit résister à tous les traitements. Orchids les a tous subis...Et remportés.

Je reçois le disque un samedi matin. C’est pas de bon augure, ça veut dire que je vais devoir l’écouter en passant l’aspirateur, l’entendre sans l’écouter. C’est le refrain de Keep a secret qui remporte la mise, ressuscitant le Sly Stone de « Small Talk ».

Deuxième essai. L’après-midi je me refais donc une écoute au calme, ce calme relatif quand on a deux mômes dans un appartement. Mon premier fils de 7 ans trouve ça cool.

Même si je suis né dans les 80’s, je suis un partisan de la multi-concentration. Ce qui veut dire que je suis toujours sur trois supports à la fois, sautant d’un à l’autre. Il faut donc des crochets, des hameçons pour me recentrer, et c’est le cas de Queen of the rue mon desert avec ses chœurs évoquant les Bad Seeds en furie ou encore le Tarantinesque Roses and Venus qui m’aura aussi donné l’envie de réécouter Tito & Tarantula. Question d’ambiance.

Ah oui, un bon disque doit aussi donner envie d’en écouter d’autres.

A ce moment je me dis qu’il est temps de m’immerger, mettre mon casque et écouter l’album intégralement, ce qui implique quasiment dans ma vie actuelle de sortir du temps et de l’espace, ou de m’y retenir. Sûrement la phase la plus dangereuse, parce qu’en vertu de la multi concentration je m’emmerde très rapidement ; un pur produit de mon époque. De par sa durée, sa diversité (14 morceaux qui revisitent autant de mythes), je ne me lasse pas, il m’arrive même de m’emballer, rattrapé encore une fois par des refrains tubesques et des ambiances pour fantasmer mon passé américain. Marrant parce que Rich Deluxe est un anglais vivant à Nancy. Un peu de schizophrénie, je crois.

A ce moment-là je suis convaincu que j’aime le disque mais je ne saurais dire si ce sera durable car il lui reste un ultime test, la véritable épreuve : la bagnole.

Zappeur en mouvement, la voiture pour moi c’est comme le cinéma pour un publicitaire. Un des rares moments où je sois totalement réceptif, bien que j’aie acquis une technique pour changer de disque même dans les ronds-points (attention, ça demande une bonne maîtrise du genou gauche). J’aime prendre des détours, et soyons clairs, un disque qui me fait prendre la route la plus courte aura une durée de vie très limitée. Rich Deluxe m’a fait prendre des détours, transformé mon Kangoo en Cadillac et le pont d’Argancy en Golden Gate Bridge. J’ai roulé, vu l’asphalte se déformer, je l’ai remis au début et écouté en entier.

Rallonger le temps ou lui rendre la valeur qu’il a perdu est un tour de force. En me faisant le coup de la british invasion qui fait un détour américain, il m’a également donné envie de lire ses textes tout aussi kaléidoscopiques que la musique. Et à l’instar de celle-ci, un bon texte en appelle d’autres. J’y ai retrouvé ce Londres que personne ne chante mais que certains ont écrit (Peter Ackroyd, Alan Moore), des références obscures cachées sous l’artwork serein de ce disque trimballant son lot de saleté et cadavres tel un malade mental prenant l’apparence trompeuse de la normalité comme le fit Hawksmoor dans la pierre.

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