Universal veut racheter EMI ? La Commission européenne est OK. Mais à condition de céder des actifs. Entre autres structures concernées, Cooperative Music, dont on causait il y a peu ici-même. Racheteur envisagé ? PIAS. Ce que neuf dirigeants de labels travaillant ou ayant travaillé avec COOP refusent. Et ils le font savoir, via une pétition relayée aujourd'hui par musicweek.com.

Pour l’instant, les virements à coups de millions se conjuguent au conditionnel : Universal n’a pas encore racheté EMI (qui serait amputée au passage du catalogue Virgin, donc de David Guetta et de Parlophone, qui abrite Coldplay, pour ne citer qu’eux). Tout comme l’injonction de la Commission européenne statuant sur la concurrence l’obligeant à céder des actifs (si l’opération se fait, Universal détiendrait alors 31 % du marché mondial de la musique, juste un peu moins de 40 % en France, source Le Monde). Du coup, Universal n’a pas encore revendu COOP (créé en 2008 suite au rachat de V2 par Universal et en réaction à l’effondrement du business de la musique) à PIAS. En attendant que tous les dirigeants impliqués fassent cliquer leur secrétaire sur « OK » quant à l’ordre de virement, une petite dizaine de responsables de labels travaillant ou ayant travaillé avec COOP ont lancé une pétition signifiant leur désaccord. Pas sûr que ça émeuve les décisionnaires de Bruxelles, ni les boss des majors concernées. Il n’empêche : si the show must go on, ces indés aimeraient pouvoir continuer à jouer dans un autre cirque que celui qui s’agrandit à vue de nez. Rouge, ça va de soi.

Dommages collatéraux

Sans faire dans l’effet papillon, un constat s’impose : tandis que la haute finance jongle avec des millions dans l’espoir d’en avoir toujours une dizaine de plus que la concurrence (Universal était-elle seule sur le coup ? Warner et Sony n’auraient-elles pas, elles aussi, volontiers mis la main sur une major détenant le catalogue des Beatles ?), plusieurs labels indé risquent de se retrouver orphelins d’une structure, COOP, dont ils appréciaient la « philosophy », dixit la pétition signée par neuf d’entre eux et adressée à la Commission européenne — et indirectement aux dirigeants d’Universal et PIAS, cette dernière maison de disques étant pressentie pour dégainer son carnet de chèques. Quid d’autres potentiels racheteurs ? Même un bisounours aurait du mal à croire que seule la maison de disques belge était prête à racheter une structure cost killer (une quarantaine de bonhommes couvrant dix-huit territoires), comptant dans ses rangs Phoenix, Two Door Cinema Club et, last but not least, gagnant de l’argent chaque année (à lire le papier de Rue89, ce n’est pas Naïve qui pourrait en dire autant). Mais, étant donné la première phrase de leur pétition — « Universal is about to sell Cooperative Music to PIAS » —, on est en droit de penser qu’en tant qu’acteurs du biz de la musique, ils sont plutôt bien renseignés. D’autant que dans leur missive, ils précisent qu’Universal a refusé des offres de rachat émanant de signataires de ladite pétition. Manquait-il un ou deux zéros sur le chèque ? Mystère.

Une (grosse) paille

En gros, que dit la pétition ? Qu’une cession de COOP à PIAS transformerait cette dernière en major de l’indé. D’où une concentration du business et, surtout, la disparition d’une méthode de travail à laquelle ils tiennent (deux exemples : actuellement, quand un label signe une licence avec COOP, elle vaut pour les dix-huit territoires couverts par la structure et, surtout, COOP choisit ses partenaires selon une ligne artistique). Bref, les pétitionnaires ne veulent pas revenir en arrière en se retrouvant juste comme un label au milieu des autres. Et donc sûrement pas aussi bien défendus qu’actuellement.

Voilà, pour l’instant, où en est la situation. Certains objecteront qu’à l’échelle d’Universal, les « ouin ouin » d’une poignée d’indés ne sont qu’une paille, qu’il devraient s’estimer heureux d’avoir encore du boulot, que PIAS n’est pas le diable (c’est vrai) et qu’en ce moment, le boss de Pascal Nègre et les commissaires à la concurrence de la Commission européenne ont sûrement d’autres chats à fouetter. Il n’empêche : si COOP devait, comme le craignent les patrons des labels ayant signé la pétition, disparaître, c’est quand même sur l’une des meilleures réponses à la crise du disque que les grands patrons de l’industrie musicale s’apprêtent à s’asseoir. Ce qui, pour des gens qui savent compter, est quand même un drôle de paradoxe.

Plus d’informations sur : http://www.musicweek.com/news/read/co-op-sale-to-pias-indies-object/051953
À relire: l’excellente interview de Mathieu Pinaud, salarié de Cooperative Music

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