Comment guider le lecteur vers la sortie du supermarché psychédélique américain ? Réponse avec le quatrième album des neuneus de Psychic Ills, ‘Inner Journey Out’.

C’est une question qui revient souvent dans le courrier des lecteurs : à quoi sert encore la ‘’rock critic’’ (on met des guillemets parce qu’on n’est plus vraiment sûr de la réponse) dans une société mondialisée où, à en lire les statuts Facebook qui chaque jour nous inondent, un génie semble se cacher sous chaque T-shirt acheté chez Emmaüs ? C’est vrai, c’est une énigme et Gonzaï n’est pas plus chevalier blanc que les autres. Preuve de l’urgence de la situation, certains collègues experts donnent même des exposés devant des gens qui les écoutent. C’est vous dire à quel point l’époque ressemble à un film pour les malentendants.
Face à la profusion de groupes, de sous-groupes, sans parler des mecs qui vous font chier avec des démos Soundcloud mixées par le chien du voisin, il est vrai que la presse (française, avant toute chose) n’arrive plus que difficilement à hiérarchiser ce qui devrait l’être ; les superlatifs ayant depuis longtemps remplacé tout jugement critique à la réception d’objets qui, il faut bien le dire, méritent dans 85% des cas de finir leurs courtes vies comme des serpillères permettant d’astiquer le couloir de la mort.

Ce modeste préambule pour, une fois n’est pas coutume, faire notre boulot. ‘Inner Journey Out’, comme tous les disques qui l’ont précédé, est une atrocité telle qu’on en vient à imaginer l’objet passer sous les roues d’un 4X4 ; ça plus les avant-bras de Tres Warren et Elizabeth Hart pour qu’ils ne puissent plus jamais toucher un instrument. Arrivé au troisième morceau, énième pastiche sous-dylanesque déjà entendu mille fois avec son refrain si connoté qu’on peut s’amuser en famille à en deviner les notes trois mesures à l’avance, on se dit même qu’il y aura un avant et un après ‘Inner Journey Out’ et que, désormais, la critique disposera au moins d’un mètre étalon pour distinguer le bâillement du décrochage de mâchoire.

N’en déplaise à ceux qui auront intelligemment relevé la présence de Hope Sandoval sur I don’t mind (qui porte bien son nom, pour le coup) ou du batteur d’Endless Boogie (mais pourquoi être venu te foutre dans ce pétrin, Harry ?), ‘Inner Journey Out’ est tel un voyage sans fin vers l’éternel retour en arrière ; constipation sonique sonnant le bout de course pour une génération de rockeurs américains mille fois plus conservateurs que les politiques qu’ils dénoncent. Largement décriés au moment de la sortie de ‘We Are the 21st Century Ambassadors of Peace & Magic’ pour leurs ‘’emprunts’’ aux ancêtres (OK, ils avaient pompé Lou Reed, les Stones…), les musiciens de Foxygen avaient au moins pour leur défense une énergie et une science des accords parfaits qui donnaient à leurs plagiats l’air d’une bonne récréation. Trois ans plus tard, et à force d’écoutes pénibles, il est difficile de continuer à exercer ce « métier » sans préciser que retour du garage rock américain et autres come-back du psychédélisme californien se révèlent être une vaste fumisterie que les seuls Ty Segall et Thee Oh Sees ne pourront plus parvenir à cacher très longtemps. La maison de l’Oncle Sam craque de partout et la somme de ces disques pour rien suffirait à elle seule à la création d’un septième continent.

Déjà décrits comme de vulgaires imposteurs dans une précédente décennie [1], les deux zozos de Psychic Ills persistent et signent chez Sacred Bones, à qui l’on pourra ici au moins reconnaître un certain sens de la fidélité. Mais l’attachement aux valeurs, comme aux vieilles fringues ne fait pas tout. ‘Inner Journey Out’, cette espèce de disque composé entre deux spliffades cosmiques par deux chevelus tirant la gueule sur des photos mal cadrées, est tellement inutile qu’on n’en revient toujours pas d’avoir gaspillé vingt minutes pour écrire ce papier. S’il fallait quotidiennement le faire pour tous ces disques qui revisitent encore et encore un passé figé pour le réécrire en moins bien, certainement perdrions-nous le peu d’âme qui nous reste et, peut-être, est-ce là un début de réponse à la question du début. Toujours premiers sur les disques chiants, nos confrères de New Noise ne s’y sont pas trompés et proposent une écoute intégrale de ce disque qu’on vous conseille vivement de jeter par la fenêtre ou, pour les plus écolos, de transformer en sous-verre pour égayer vos soirées festives entre trentenaires fans de Dinosaur Jr. Thank you, goodbye.

Psychic Ills // Inner Journey Out // Sacred Bones
https://psychicills.bandcamp.com/album/inner-journey-out

En concert le 18 juin au Paris Psych Fest et le 12 aout à la Route du Rock.

[1] Impossible de remettre la main sur le papier ; au moins une chose heureuse tant mon écriture était alors aussi merdique que le disque dont il était question.

3 commentaires

  1. Hasard totale, je suis passer par la case Inrock avant de sonner chez vous et j’ai écouter ça; Uubbuurruu redonne vie au rock souterrain, déjà le titre…
    Bon y suffit pas d’avoir la panoplie pour être spiderman!
    Qu’est-ce qui est le plus pathétique le groupe ou ceux qui les encensent?
    Tim

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