Si la musique était un sandwich, ils seraient certainement cette tranche de jambon écrasée entre deux tranches de pain de mie un peu sec. D’un côté, des labels indie exigeant des résultats sur des albums souvent vendus à moins de 500 exemplaires, de l’autre, des feignasses de journalistes luttant avec le peu de temps cerveau disponible qui leur reste dans un monde où tout va désormais trop vite pour leurs oreilles. Les attaché.e.s de presse musicaux sont les victimes collatérales d’une guerre sans soldats ? On fait le point avec Marion Seury, casque bleu promotionnel chez le distributeur français Differ-Ant.

Elle est attachée de presse. Dans l’ancien temps, on disait impresario ; aujourd’hui on dirait plutôt prêcheur dans le désert. Son métier consiste à envoyer à envoyer 10 disques par semaine à des journalistes qui ne les écoutent pas ou qui exigent encore un CD « parce que Soundcloud, tu vois, c’est un peu vulgaire ». Elle doit accessoirement se farder toutes les mises sous pli des albums envoyés par la Poste, se taper des relances par mail, par téléphone, voire mettre les médias récalcitrants sur écoute afin de savoir s’ils ont pris le temps d’écouter cet album qui pourrait changer leur vie.

Elle, c’est Marion Seury, en charge de la promotion chez le distributeur français Differ-Ant [1] (Brian Jonestown Massacre, John Carpenter, les catalogues de Sacred Bones ou encore Trouble in Mind, etc) et son quotidien ressemble à celui de tous ses confrères – une trentaine de personnes au total : un chemin de croix pour imposer des sons nouveaux dans une « industrie » résolument tournée vers le passéisme, le manque de curiosité et la course aux clics.

A quoi ressemble le quotidien de ces personnes de l’ombre ayant troqué la gloriole contre un max d’emmerdes ? Et à l’heure des réseaux sociaux, à quoi sert encore ce métier toujours méconnu du grand public ? Une fois n’est pas coutume, place à l’une de ces personnes qui ne parlent jamais et sans qui, pourtant, les disques n’arriveraient jamais chez vous.

C’est quoi le point de départ quand on veut devenir attaché de presse musical ?

Je voulais bosser dans la musique. Ne pas faire un job « compliqué », c’est à dire trop technique, et surtout faire un « métier-passion ». Au départ j’avais un DUT de com’ obtenu à Sophia-Antipolis, près de Cannes. Je partais de loin. Rapidement l’idée ça a été de monter faire un stage à Paris, et d’y rester. Donc je débute chez Diamond Traxx, le label de Benjamin Diamond, pour 6 mois. Puis j’ai enchainé avec une licence culture et communication à Issoudun ; c’était la déprime totale par rapport à Paris. Après ça j’ai effectué un stage chez Discograph, cette fois au service commercial ; après un mois derrière l’ordinateur à faire des codes-barres, j’ai compris que ce n’était simplement pas pour moi.

Tu dis que tu voulais faire un boulot « simple », pourtant attaché de presse, c’est quand même le pire des métiers, le plus ingrat dirons-nous, de l’industrie du disque, non ?

Disons que je ne voulais surtout pas faire de marketing ou un job avec des négociations. Quand tu es attaché de presse chez Differ-Ant, tu parles évidemment de musique, mais on ne paye pas les journalistes pour écrire sur les disques qu’on défend [comme c’est parfois le cas en Major, Ndr]. Le problème, c’est lorsque le marketing entre en jeu et biaise la relation ; mais concrètement cela reste un boulot simple, certes avec des objectifs de vente car il faut payer les équipes, gérer les attentes des labels avec qui l’on bosse, même pendant les montées de stress, je relativise : on ne doit pas sauver des vies, ça ne reste « que » de la musique.

Que se passe-t-il après ton deuxième stage ?

Un troisième : chez PIAS. Coup de bol, c’était le moment où Cocorosie y sortait son album. J’étais fan – je le suis toujours – et c’était donc une chance. Après ça, il a fallu trouver un vrai job donc… j’ai un peu enchainé les boulots gratos, notamment pour Cocorosie qui ouvrait sa boutique à Paris, puis pour des groupes qui cherchaient des coups de main gratos. Tout travail mérite salaire, c’est vrai, sauf que la musique c’est un secteur où il n’y a pas d’argent. Je me suis donc dit qu’il fallait malgré tout s’accrocher et rester visible, active. J’ai donc pioché dans mes économies, gérer du merchandising de groupes après leurs concerts pour faire trois sous. Mais clairement, je mangeais des pâtes tous les soirs. Bon, j’avais 20 ans hein. Après ça, j’ai décroché un CDD 4 mois chez Sony au service compilations à bosser sur des tubes de l’été comme le Ca m’énerve d’Helmut Fritze et des albums de chants de Noël pour bébés. Autant dire un milieu qui n’était pas du tout le mien, aha ! Et puis j’ai enchainé avec un CDD de 9 mois au département royalties mais je serais concrètement incapable de te dire ce que j’y ai fait. J’ai le souvenir d’écrans noirs sous Windows 95 à mettre à jour des contrats. Le salaire était correct, les gens étaient sympas. Et puis après ça…

Oui donc, après ça ?

Je me suis mise à mon compte pour bosser sur des mini trucs en promo indé, toujours avec la même idée de prouver que j’étais encore dans le circuit. Sauf que j’avais quand même du mal à continuer d’espérer trouver un job dans ce milieu. Là, on est en 2011, résolution : je me dis que je vais trouver un « vrai » boulot. Qu’est-ce que j’aime à part la musique ? Voyager. Je postule au Petit Futé. Ils cherchaient des gens pour écrire un guide sur la cote ouest des Etats-Unis, moralité j’ai fait un guide sur la Laponie. J’avais jamais été en Laponie. Juste avant de partir, j’avais filé un coup de main pour le Record Store Day à la boutique Ground Zero, à Paris. Là je glisse à la co-gérante sur le fait que j’opère ma reconversion ; elle me dit que Differ-Ant cherche quelqu’un pour faire de la promo ; j’envoie mon CV sans conviction. C’était dommage, parce que c’était vraiment le catalogue de mes rêves. Mais j’y croyais plus. Sauf que pendant mon voyage en Laponie, j’ai reçu un mail pour me proposer un entretien. Et voilà. Ca fait 7 ans que je bosse chez Differ-Ant.

Concrètement, en quoi consiste ton travail quotidien ?

A faire le lien entre les artistes, les labels et tous les médias français, de la presse au web en passant par le peu de télés qui restent. En terme de volume, ça dépend des supports : le web c’est infini, la presse écrite représente beaucoup de contacts mais peu de papiers. L’état de la presse, en fait, est un peu plus déprimant chaque année.

As-tu constaté une évolution dans la mentalité des journalistes musicaux, depuis tes débuts ?

Pas une évolution, mais le web me semblait plus curieux à mes débuts. Pour moi qui travaille majoritairement sur des artistes en développement ou des premiers albums, cela devient compliqué. Mais des sites comme Goute Mes Disques restent tout de même en alerte sur l’actu indie [mais GMD est un média belge, Ndr]. Aujourd’hui le boulot d’attaché de presse, c’est plus de la vitrine, à moins de voir le même nom placardé sur plusieurs médias. En 2018, je ne suis pas certaine qu’un fan attende la chronique d’un disque pour l’acheter, il est souvent « fan » de page Facebook ou du compte Twitter de l’artiste, il est directement connecté à lui. Il sait.

« Maintenant la promo sert plus à vendre des places de concerts que des albums ».

Differ-Ant est un distributeur, ce qui signifie que vos clients directs sont les labels dont vous avez la gestion. Comment ça se passe avec eux ? Te sens-tu prise en étau entre eux qui veulent des résultats et les journalistes qui n’ont plus le temps de rien écouter ?

Non, pas vraiment. Par exemple, les labels américains considèrent la France comme du bonus ; pour eux l’Europe, c’est principalement l’Angleterre. Ils sont donc hyper contents quand on obtient des résultats sur un groupe localement. D’autant plus parce que la promo sert désormais plus à vendre des places de concerts que des albums.

As-tu des exemples de groupes qui ont réussi à s’imposer au forceps alors que tous les médias étaient passés à côté au moment de la sortie du disque ?

Idles ! Là, c’est leur concert à la Route du Rock [en 2017, Ndr] qui a été le starter de la promotion de l’album, deux mois après sa sortie.

« Actuellement je bosse sur 35 disques ».

Arrives-tu à quantifier le nombre d’albums sur lesquels tu bosses en même temps ?

Ah oui : actuellement, c’est 35. A ce jour, c’est mon « record ». Rien que cette semaine, j’ai 6 disques qui sortent en même temps. Bon forcément, le mec qui sort un disque d’Americana depuis le fin fond du Nebraska ne suscite pas les mêmes attentes, mais il faut quand même ne serait-ce que traduire la biographie ; chose que je fais pour tous les groupes que j’ai en promo. Comme la mise sous pli. Pour tous les médias.

En cas de gros coup de cœur un album, comment tu digères le désintérêt des médias ?

Mal, voire très mal. Même après 7 ans, il m’arrive encore de ne pas comprendre l’échec d’une promo. Auquel cas je n’ai aucun scrupule à « harceler » les médias pour ne serait-ce qu’avoir réponse. Le bon exemple, actuellement, c’est le nouvel album de Calvin Johnson, pour lequel je rame à avoir des résultats et des réponses. Et je sais que si je rate mon objectif, je serai dégoutée. Et je sais que j’oublierai vite car j’aurais déjà d’autres disques à défendre.

« Personne n’a besoin que quelqu’un lui explique que la batterie arrive à la quarantième seconde du morceau. »

A l’inverse, c’est quoi ton plus beau « coup » promo ?

Je vais redire Idles, car c’est le plus récent. Le fait est que ce sont aussi de très bons clients en interview. Idem pour Amen Dunes avec leur dernier album, pas évident, mais qui s’est pourtant retrouvé dans Le Monde et Télérama. C’est l’exemple même d’un disque exigeant qui demande du temps ; mais plus personne n’a le temps d’écouter un disque… c’est aussi pour ça que je suis contente quand un journaliste me demande les paroles. Ca change des chroniques où l’on nous explique ce que l’on va entendre, morceau après morceau. Je ne suis pas sûre qu’on ait encore besoin de quelqu’un pour nous expliquer que la batterie arrive à la quarantième seconde.

Tu lis tout ce qui est publié sur « tes » artistes ?

Tout, oui. Parce que ça m’aide à avoir une idée de la perception du groupe au niveau français, que c’est le meilleur des baromètres, et que je peux encore réussir à découvrir des plumes étonnantes, souvent cachées sur des petits sites ou blogs.

Historiquement, les journalistes musicaux ont réussi cet exploit de mythifier leur boulot en s’inventant des vies qu’ils n’ont pas forcément eu, en racontant des anecdotes pas toujours vraies, etc. Qu’en est-il de votre côté, vous qui ne pouvez jamais raconter ce que vous vivez ? On vit des moments « rock » quand on est attaché.e de presse ?

La première fois où j’ai rencontré Anton Newcombe, par exemple, pour moi qui avait grandi ado avec Dig, c’est quelque chose. Lui, c’est un vrai personnage. Quand je me retrouve encore récemment en tête à tête avec lui pendant 45 minutes dans un bus à parler de tout et de rien, j’arrive encore à me dire que je suis privilégiée. Avec John Carpenter [distribué par Differ-Ant, Ndr], c’est tout l’inverse ; tous mes amis me disent la chance que j’ai de travailler avec lui, mais je n’ai jamais vu un seul de ses films, et sa musique ne me touche pas du tout. Il n’y a pas d’affect, pour le coup. Surtout que je ne l’ai jamais rencontré, puisqu’il refuse toutes les promos, aha !

Pour finir, c’est le moment de ton « instant promo ». Histoire de conjurer le sort du cordonnier mal chaussé, dis nous quels sont les 3 disques du moment sur lesquels tu bosses et que tu aimerais que les médias chroniquent impérativement.

Calvin Johnson – parce que je suis fan du mec, et que je ne m’attendais pas à le voir collaborer avec Patrick Carney des Black Keys, et que c’est complètement réussi. Les tubes sont là.

Value Void – une des récentes signatures de Tough Love (gage de qualité). Un côté un peu Broadcast dans la voix je trouve, Frankie Cosmos dans les mélodies, Women dans les guitares.

David Nance Group, la prochaine sortie de chez Trouble in Mind. C’est un aller simple pour l’Amérique avec des guitares bien grasses, des solos un peu lourdingues et des cascades de riffs. Typiquement le truc un peu frustrant à bosser en France, car c’est très américain. Certains passages rappellent Neil Young et son Crazy Horse, pour la grosse référence ; ça s’inscrit dans la veine des Steve Gunn, Chris Forsyth… ce genre de guitaristes songwriters.

[1] Distributeur des disques Gonzaï Records, au passage.

27 commentaires

  1. hi içi j’appelle depuis la Suisse, je peut atteindre la boutique de chez born bad rue st savin dans le IIé de Paris, leur telephone ne fonctioone pas help mais de coupe au bol! faites leur savoir il n’ont pas le telephone bon ?

  2. attaché de presse = Bullshit jobs de chez Bullshit jobs
    et je peux en parlé a l’hiver 2014/2015 je fut attaché de presse à londres pour batov records puis pour cherry red ,j’ai detesté faire la pute pour essayé de vendre leur camelotes , l’industrie du disque regorge de clone de Marion Seury ,que des petites blanche canon et maigrichonne et coincé du cul et conformiste, la plupart ont entre 25 et 35 ans et ont zero culture musicale ,je vomis toute cette pseudo intelligentsia parisienne du milieu de la musique et consorts ,tout n’est plus que copinage et connivence , ils fonctionnent entre soit en reseau en vase clôt ultra fermé
    ALEXANDRE PERSEVERANCE

      1. ma mere elle bat le beurre et quand elle battra la merde t’ira léché le bâton sale chien galeux de Bullet in the head of Alex Perseverance

      2. ma mere elle bat le beurre et quand elle battra la merde t’ira léché le bâton sale chien galeux de Bullet in the head of Alex Perseverance

    1. « a l’hiver 2014/2015 je fut attaché de presse à londres pour batov records puis pour cherry red »…
      Autrement dit, tu ne connais rien de ce métier. Ferme donc plutôt ta gueule de bouffon illettré, ça fera des vacances à tout le monde.
      M. Pinaud, attaché de presse depuis 1996

      1. cher Mathieu Pinaud ,j’aurais prochainement le plaisir de venir vous voir directement soit at home soit a votre travail ,et nous reparlerons de « Ferme donc plutôt ta gueule de bouffon illettré, ça fera des vacances à tout le monde. » a tres bientot .A.P

            1. Ah d’accord, j’ai cru un instant que tu t’étais acheté un peu de courage en solde. Je constate qu’il n’en est rien.
              Continue à ruminer ton aigreur d’éternel perdant, c’est ce qui te va le mieux finalement.

              1. Continue à ruminer ton aigreur d’éternel perdant ,ahahah la belle affaire tu nous chie des clichés comme des perles Mathieu ,moi je continu de tracé mon sillon dans mon coin penard et sans rien devoir a personne ,ne t’en déplaise je suis homme libre et tres heureux dans ma vie ,je ne suis ni un perdant ni un loser

  3. right now B4 5oclock brown Newcastle ale & plays at high volume christ knox vers la nouba amiance africaine, kill kill kill the ‘agents’

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