L’avantage avec les artistes morts, c’est qu’ils n’ont plus leur mot à dire sur les projets de réédition ressemblant à des excavations sans gêne. Après Prince et Bowie, pour qui on devrait bientôt apprendre qu’un coffret collector de 45 vinyles bruités à la bouche par le Thin White Duke himself est « sur le feu », c’est au tour de Lou Reed de faire les frais d’un relifting post-mortem avec la publication imminente de « New York » en version deluxe. Outre le fait que l’emmerdeur new-yorkais était déjà cliniquement mort avant son décès, l’écoute de l’objet donne envie d’enterrer à ses côtés les responsables de cette merdique machine music.

A New-York, quelque part entre 2019 et 2020, des gens en chemises blanches repassées discutent sauvagement de l’avenir de Lou Reed :

– « Hey les mecs, vous savez quoi ? J’étais en train de ranger les cartons à gobelets et je suis tombé sur les bandes de « New York ».
–  L’Unplugged de Nirvana ? On l’a déjà réédité 3 fois, ça va commencer à se voir…
– Mais non, t’es con… tu sais, le disque de Lou Reed de 1989.
– Lou qui ?
– Y’a au moins une trentaine d’inédits, parfois même des prises qui durent plus de 2 minutes !
– Et c’est bien ?
– On s’en fout, non ? On écoutera quand ce sera sorti ».

Voilà une scène comme une autre dans l’industrie du disque, ou ce qu’il en reste. On a beau se gausser du marasme économique dans lequel elle est plongée depuis une vingtaine d’années, on oublie cependant de rappeler que ses décisionnaires sont au moins autant coupables que victimes tant le manque d’idée et le surf sur la nostalgie paralyse tout bond en avant.
Preuve de cette lente glissade intellectuelle : la réédition chez Rhino ces jours-ci de « New-York » de Lou Reed, annoncé avec pas moins de 26 titres inédits. Le fan, comme l’auditeur lambda, relève l’oreille : qualifié de « disque de la résurrection » à sa sortie, tant l’ancien Velvet Underground n’a rien sorti de potable depuis une décennie, l’objet comporte de vrais et bons moments comme Dirty Blvd., Busload of Faith ou Romeo and Juliette, trois titres qui suffisent à pardonner tout ce qui suivra jusqu’à la mort de Lou en 2013. Et puis il y a Moe Tucker sur deux morceaux. Bon, pas les meilleurs, mais qu’importe. L’album fête en 2020 timidement ses 30 ans et l’histoire trouvera bien un millier de couillons prêts à claquer 30, 40 ou 50 euros pour une vision romancée du passé, quand Lou posait avec tous ses multiples à coupes mulet. C’est ce qu’il y a de formidable avec le temps qui passe ; on finit toujours pas oublier les détails les plus gênants.

Qu’attendre d’un album où l’artiste pose avec une coupe mulet ?

Commençons par le plus terrible d’entre eux : l’écoute de la réédition de « New York » laisse d’abord entendre qui a beaucoup moins bien vieilli qu’on ne l’avait pensé la fois où on l’a reposé sur la platine, en octobre 2013. Long, péniblement long, doté d’un tracklisting gargantuesque (14 titres, comme c’était le cas à la fin des années 80 pour tout CD), sonorisé dans la cuisine d’un ingénieur du son freelance, produit à la truelle par Lou lui-même et, pour couronner le tout, avec des parties de batterie donnant l’impression d’être joué par Mike Tyson, gants de boxe compris. Si « New York » est à saluer, c’est avant tout parce qu’il est l’œuvre d’un rescapé, 46 ans à l’époque, prêt à se singer lui-même jusqu’à devenir l’ombre d’un cliché (la pochette, finalement). On en est encore qu’à la fin du disque 1, l’original « remasterisé » pour l’occasion. Il faut toujours se méfier des rééditions annonçant une remasterisation. L’artifice sert, dans la majorité des cas, à cacher un manque cruel d’os à ronger.

Lou Reed : réédition de 'New York"

Puis vient l’entrée dans le bal des horreurs. Petit préambule à cette balade mortuaire : on a beau cracher sur ce genre d’albums anniversaire ou posthume, il y a évidemment toujours une curiosité, même malsaine à les écouter. L’espoir, peut-être, qu’un titre parmi les 26 inédits annoncés parviennent à raviver le plaisir de la première écoute ; la volonté de se faire déflorer l’oreille comme si l’on avait 14 ans et qu’on croyait encore au prince charmant. Celui de « New York » version 2020 pue l’eau de Cologne. Un rapide coup d’œil au tracklisting permet de comprendre que lesdits inédits n’en sont pas. A la place, un disque 2 réservé aux bouchers et mitraillant quatorze versions live pour bovidés trop occupés à applaudir le mythe pour écouter sérieusement la batterie du supposé Fred Maher – le fait qu’il ait été membre du groupe Massacre était pourtant un signe. Pire encore, la prise live de Strawman rappelle un bootleg de Bob Marley. Encore plus criminel : le final de Dirty Blvd. Avec ses hulluments gospel à peine moins risibles qu’un a cappella des Boyz II Men. Verdict : rien à sauver. Hormis, peut-être, le temps passé à écouter ce qui ressemble de plus en plus à une gigantesque couillonnade pour étudiants en lettres modernes.

Á la redécouverte du New York de Lou Reed | MuziqPuis vient le disque 3 et ses « pépites rares » ; autrement dit : des démos de Lou Reed chantant au cabinet, enregistrant sur un répondeur une version yaourt de Endless cycle, jouant l’instrumentale de Dirty Blvd. ou Last Great American Whale interrompue au milieu et présenté comme un gros bœuf désossé au salon de l’agriculture. Comment dit-on « foutage de gueule » en new-yorkais ? Evidemment, l’espoir d’un quelconque inédit s’est évanoui depuis longtemps et seule la version acoutique de Busload of Faith mérite qu’on s’y attarde plus d’une fois. Pour le reste, un immense vide cosmique rappelant qu’on ne peut compter ni sur sa famille, ni sur ses amis et encore moins sur Dieu mais que bon, avec la foi en toi, tu graviras des montagnes, ouh ouh ouh. Finalement, et sa manière, Lou annonçait autant Ophélie Winter que le déclin de l’empire américain et sa propre fin, palpable sur les quinze dernières années d’un règne ventripotent.

Ah, on oubliait : le coffret collector 3 vinyles est agrémenté d’un livret produit par Laurie Anderson et d’un DVD contenant un live inédit de 1990 permettant d’écouter l’intégralité de « New York » à… Montréal. Vu le poids de la brique commerciale, on peut le dire : même mort, il est lourd, Reed.

On souhaite bonne chance aux fossoyeurs ; la pelle n’est pas incluse dans ce coffret à 80 €.

Disc One: Album original

1. “Romeo Had Juliette”
2. “Halloween Parade”
3. “Dirty Blvd.”
4. “Endless Cycle”
5. “There Is No Time”
6. “Last Great American Whale”
7. “Beginning of a Great Adventure”
8. “Busload of Faith”
9. “Sick of You”
10. “Hold On”
11. “Good Evening Mr. Waldheim”
12. “Xmas In February”
13. “Strawman”
14. “Dime Store Mystery”

Disque deux: ‘New York’ – Live 1989

1. “Romeo Had Juliette” *
2. “Halloween Parade” *
3. “Dirty Blvd.” *
4. “Endless Cycle” *
5. “There Is No Time” *
6. “Last Great American Whale” *
7. “Beginning of a Great Adventure” *
8. “Busload of Faith” *
9. “Sick of You” *
10. “Hold On” *
11. “Good Evening Mr. Waldheim” *
12. “Xmas In February” *
13. “Strawman” *
14. “Dime Store Mystery” *

Disque trois: Démos / Alternative takes

1. “Romeo Had Juliette” (7” Version)
2. “Dirty Blvd.” (Work Tape)
3. “Dirty Blvd.” (Rough Mix)
4. “Endless Cycle” (Work Tape)
5. “Last Great American Whale” (Work Tape)
6. “Beginning of a Great Adventure” (Rough Mix)
7. “Busload of Faith” (Solo Version)
8. “Sick of You” (Work Tape)
9. “Sick of You” (Rough Mix)
10. “Hold On” (Rough Mix)
11. “Strawman” (Rough Mix)
12. “The Room” (Non-LP Track)
13. “Sweet Jane” (Live Encore)
14. “Walk on the Wild Side” (Live Encore)

 

 

18 commentaires

    1. L’original avait déjà ses gros pavés bourrins aux grolles, c 1 fait, une fois passé le (brillant) début, »Haloween Parade » y compris.
      Perso, « Strawman » ou « There Is No Time » « Hold On », la gonflette à 2 balles avec la voix de canard , non , non & non, jamais j’ai pu. La pochette aussi, ridicule, comme le col roulé antomne/hiver, la veste en cuir trop chère ,trop neuve & mal ccoupée, les jeans moches et les petites lunettes….. Finalement je crois que je préfère encore les 2-3 bons dans le suivant (« Sword Of Damo clès », Cremation…). Mais bon, il y quand même « Romeo had Julet » & « Dirty Boulevard », c’est pas rien…
      Quant aux gogos, ils sont toujours contents avec leurs démos pourries dans leur bel album tout neuf avec son livret inédit..

  1. Bester je déteint sur toi lol ? Tu dezingue tout ce qui bouge lol, moi perso j’aimais je fut un grand fan du velvet je préfère television et encore moins fan de l’ultra égocentrique prétentieux de Lou Reed en solo

  2. Sa veuve est devenu copine avec Yoko et nous refourguent toutes deux la vieille camelote de leurs défunts dans le but d’ouvrir un centre de Tai Chi, car le monde à besoin de bien être et de se détendre le nerf du Luk ces derniers temps.
    Lou aurait déclaré de l’au-delà quand à la parution de ce coffret  » de toute façons je vous chie tous à la gueule!!! »

  3. le type qui a écrit ça est une sale merde
    critique infantile au possible et qui ne comprend rien à lou reed, ça me dégoûte de la lire

Répondre à né né au bahut les lundi 14sept, çà va souffler/tousser/trousser/ Annuler la réponse

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