Il y a les livres dont on a entendu parler, ceux que l'on a découvert par hasard et puis les autres, que l'on a attendu en s’inquiétant de la date de publication. Depuis Caractères (2006), mais surtout depuis Les coins coupés (2001), j'attendais le nouveau Philippe Garnier.

Il est sorti la semaine dernière et s’intitule Freelance. Garnier y retrace le parcours du journaliste Grover Lewis, l’une des signatures capitales du Rolling Stone américain des 70’s, l’un des inventeurs du « nouveau journalisme » et un écrivain stupéfiant comme le prouvent les larges extraits sélectionnés. Freelance est une réussite totale, complète et, en quelque sorte, un aboutissement. La carrière (à défaut d’autre mot) de Grover Lewis permet à la «meilleure-plume -de-la-meilleure-époque-de-Rock & Folk», au traducteur de Bukowski, Fante et Salter d’aborder tous ses thèmes de prédilection : Amérique, cinéma, « character actors », écrivains méconnus, rock, journalisme… Le tout avec cette maîtrise unique de la digression, ces enquêtes de fond en béton armé (toute une vie, il n’y a pas de mystère), cette imbrication si caractéristique de portraits et, bien sûr, cette écriture naturelle et énergique, sans effet tocs. Un style forgé par des heures passées à écouter des types que plus personne ne veut entendre et non pas à s’écouter écrire.

Qu’il parle d’un ami (qui plus est d’une idole de jeunesse) ne change rien à la donne ; Garnier conserve sa ligne de conduite « no bullshit », sans complaisance. Ici pas de mythe à la petite semaine, de gloriole à la feuille d’or et le travail de Lewis a le droit à sa part de critique réaliste. Il s’agit de« trouver l’histoire à raconter », pas de faire monter la mayonnaise marketing dans un bol vide. Le biographe de Goodis a toujours pris soin de foutre au feu les clichés sur les inévitables « losers magnifiques » ou «l’Amérique des laissés pour compte » ; des slogans qui n’ont pas leur place dans un article ou un dans un livre. Tout Garnier est dans Freelance, à son meilleur. Cela suffirait déjà amplement.

Mais ce livre va plus loin que d’habitude, prolonge les grands moments des Coins coupés. En évoquant son amitié avec Lewis, Garnier parle de sa vision du métier, de la standardisation de la presse, des marges qui se rétrécissent. Ces passages extrêmement personnels –avec le retour mesuré du « Je », chez un homme qui en avait sans doute abusé puis se l’était interdit –  sont finalement assez rares dans son oeuvre.  « Allez, cartes sur table, » croit-on entendre entre les lignes. Aucun moment de Freelance ne sonne creux ou vain. Le dosage entre érudition précise, amitié, mélancolie atteint la perfection et culmine avec les 100 dernières pages, tout simplement à tomber à la renverse. Je pense qu’il n’a jamais écrit ainsi. Et avant ça, les morceaux de bravoure, signés Lewis ou Garnier, ne manquent pas. Il faut avoir lu la rencontre entre Lewis et Robert Mitchum, la conversation avec l’acteur Lash LaRue, la description du bar au bas de l’immeuble Rolling Stone, le portrait d’un ami libraire ou dans un autre genre, carrément effrayant, celui du propre père de Grover Lewis.

En réponse, le ronronnement critique habituel concernant Garnier serait désolant : ceux qui aiment un peu par habitude (« Le meilleur avec Adrien, et tu te souviens de l’article sur les hamburgers ? Génial ! ») et les réfractaires (« exercice d’érudition », « incurable passéiste qui ne parle pas de l’époque » et autres foutaises). Désolant et injustifié face à un tel livre. Je l’ai terminé hier soir, dans un appartement endormi en vidant une bouteille de vin au ralenti. La dernière page tournée, je suis resté immobile dans le salon sombre, le livre sur mes genoux. Ne pas se lever, ne pas mettre un disque, ne pas finir son verre. Le genre de flottement silencieux qui fait de la condition de lecteur l’un des trucs les plus satisfaisants en ce bas monde. Surtout quand le livre surpasse les attentes.

Philippe Garnier // Freelance // Grasset

 

22 commentaires

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