L’avenir de la musique est-il dans la perfection ? Dans des chansons carrées distribuées par pack de six comme des bières tièdes dans le supermarché Spotify ? Pas chez Gilles Dor. Parisien reclus dans des montages photoshopo-protoolien, il souffle sur l’industrie en surchauffe comme un ventilateur, et avec les moyens du bord, des tubes tels Le plastique, tube DYI qui ridiculise d’emblée toutes les starlettes sans le sou de l’indie. Ne rigolez pas, ce “chanteur de combats et de poésie” est peut-être le futur héros de la “low-cost music”. Et au moins, lui ne cherche pas les claviers MIDI à quatorze heures.

Quand, voilà quelques mois, le comique canadien Jean-François Provencal a publié son micro-tube J’ai faim plus que Alain, une question s’est rapidement posée pour ceux lassés de la prétendue propreté de la pop. Montages amateurs, son cradingue, décomplexion absolue face à tous les codes en vigueur ; petit chef d’œuvre artisanal hélas sans suite, le titre Ovni permettait en filigrane de conclure que de telles étrangetés en France, on n’en avait pas. Philippe Katerine, oui, c’est vrai. Mais les ficelles étaient encore un peu trop grosses, la marge entre premier et second degré trop maigre, la blague, finalement, pas assez drôle, la vérité, elle, pas assez poussée.

Et alors qu’on n’y croyait plus, vint Gilles Dor. Un Français ne reculant devant rien pour aller au bout de ses rêves et défoncer la chanson française avec un marteau piqueur chopé chez Kiloutou. La preuve avec déjà 7 albums dont le dernier bien nommé « Addict à la liberté », où le néo-poète aborde tous les sujets de société grâce aux pires (meilleures ?) instrumentations toutes droites expurgées d’un CD freeware de magazine : l’homosexualité féminine (Elle n’aime que les femmes, dans un ton très Michel Berger perdu chez Cash Converters), la solitude des stars, le féminisme, les valeurs du monde occidental ou bien, même, la pollution et ses dangers sur Le plastique, titre phénoménal pouvant sans peine rivaliser avec toutes les chansons que vous avez écouté en boucle ces 6 derniers mois.

Kanye West dada ou Gilbert Bécot de l’amour, Gilles Dor revient en quelque sorte du passé. Dans une autre vie, il se nommait Gilles Langoureau ‎et chantait, comme Johnny Clegg, des trucs trop réalistes pour être vrai, sur l’Apartheid, Mandela, Al Jarreau; le reste à l’avenant, du sous Michel Jonasz. Quatre décennies plus tard, le revoilà sous le blase Gilles Dor, dopé au numérique et aux photomontages, dans une époque finalement plus propice à ses délires synthetito-jazz. Il ne s’interdit plus aucune rime, aucun jeu de mots (le thème conquérant de Gilles et John, en hommage aux bloqueurs de ronds-points), aucun outrage (le titre Mets les voiles au lieu de mettre le voile, mal interprété par ses détracteurs qui l’accueront de racisme, l’obligera à changer de nom). Plus loin donc, sous l’identité Gilles Dor : « Ce serait plus facile de s’aimer que de s’entretuer » crie-t-il sur Blanc sans le N ça fait black et franchement, qui aurait les balls d’écrire un truc pareil en cette fin de décennie marquée par le consensus, les normes plates et les faux atermoiements pour no life sur Twitter ? Réponse : personne.

Contacté pour les besoins de ce papier, l’auteur de ces hymnes à la rébellion graphique et poétique a décliné la demande d’interview, justifiant ainsi que son art n’existe que par lui-même et n’a nul besoin d’être expliqué. Il nous a, en revanche, expédié une biographie qu’on vous livre ici presque en intégralité, pour la beauté du geste :

« Gilles Dor swingue entre truculence et tendresse avec ses textes «coups de poing » aux accents surréalistes mêlant l’humour et la tension sur un fond d’images d’actualités. Jouant avec les rythmes, punchant les mots et les musiques, sa voix élastique, aussi à l’aise dans les graves que les aigus, balance comme un saxophone improvisant ses mélodies en autant de caresses à la face du monde. La passion plus forte que la mort le fait revenir sous les feux de la rampe, plus émouvant qu’avant. Sa voix-instrument, plus belle et plus « saxy’ » que jamais, éjacule ces nouveaux textes violents, fragiles, sur des musiques dansantes, rappeuses, jazzys, rocks, funky« .

On aurait pourtant tort de prendre à la légère cet art de la dérision. Comme Nile Rodgers dans Chic, Gilles aime à placer ses refrains d’entrée de jeu dans toutes ses démos définitives, pour mieux les répéter en boucle ad lib, jusqu’à l’affaissement mental de l’auditeur. C’est ainsi que, une fois tombé à terre, délesté de tous nos préjugés d’être cyniques élevés sur les réseaux sociaux, on peut apprécier des perles entre William Sheller et Toto comme Un jour viendra couleur vodka orange ou encore le très Michel Polnareff Vis.

La lettre à France dont il est ici question, c’est une critique farouche de l’époque cachée sous de mauvais slides powerpoint où emojis et police Comic sans MS rivalisent pour crever les yeux de Youtube. C’est ce mélange riche entre chansons alcoologiques mêlant biture, défense de l’environnement et souvenirs d’une époque eighties décadente (Supertramp, Les Musclés et Véronique Sanson, c’est du riche en calories) qui fait de Gilles Dor un être unique, en dépit des moqueries. Un mur à dépasser en somme, pour découvrir de l’autre côté l’un des rares musiciens de 2019 capable de séduire sans mentir, puis de toucher stupidement l’auditeur en l’attaquant par un versant inexploité depuis bien longtemps : l’honnêteté sans filtres Instagram.

Dépêchez-vous de l’aimer, Gilles n’a plus l’âge de Justin Bieber.

 

9 commentaires

  1. ramasse t’il les chiens crevés attachés au bord d autochoucroutes de l’estèrelle, si oui les bouffent t’il? si non les empalent ‘il une secondio /twice foie ?

  2. « éjacule ces nouveaux textes violents, fragiles, sur des musiques dansantes, rappeuses, jazzys, rocks, funky“. toute un programme , MR BESTER DE GONZAI c’est l’Alban Ceray de la critique rock lol , A quand une boite de production a film a caractère pornographique ? Gonzai production invente les premier film d’auteur porno pour bobo et hipters 🙂

  3. Avec mes filles dans ces matins chaud de juillet, on bougent et on chantent les fenêtres grandes ouvertes sur le jardin comme dans les années 80

  4. …Après avoir danser au son du Windpower de Dolby ou du Toutto Va Bene de Rossi (entre autre),
    en cette fin de matinée, on ferment les volets de la maison et les gamines me réclament cette vidéo de Mathilde (comme ma dernière) Fernandez .
    Mathilde et son Amérique, son synthé drapé de noir et le décor à miroir made in france 3.
    Elles écoutent, attentives, captivées.
    A moi aussi elle fout la chair de poule la gamine gothique, un mélange de ma nièce lycéenne et de la Diva du 5 éléments pour le coup, j’aurai pas cru.
    Elle a le truc comme disent ceux qui n’ont rien à dire, alors je rajoute parce que j’ai une grande gueule, qu’il est l’heure de l’apéro.
    Vodka Orange s’il vous plait
    Mr Bester thanks

  5. Bon ben puisque Bester est un fin analyste de la « culture » Techno ,
    Maintenant y va nous expliquer la « culture  » Underground.

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