Grands espaces, vélo, musique… Non, je ne viens pas vous parler ici d’un pique-nique champêtre passé à la campagne, entourée de CBGB. Ici, on tourne autour d’un amas de pneus en caoutchouc et de jantes en aluminium, formant une crête sur laquelle de nombreuses personnes sautent et dansent. Ici, on parle de la Bike War’18 à Paris.

Saint-Denis. Nuages bas, air qui pique, mains bleues. Nous sommes rentrés dans l’automne comme une moto percute un platane, de plein fouet. Mais ça ne refroidit pas les gens venus des quatre coins de Paris à cette fête particulière. Qu’est-ce que la BikeWar ? Un évènement organisé par l’intersquat parisien où des chars sont construits dans l’optique de jouter, de se bagarrer, de faire la guerre entre copains – dans une ambiance punk-rock et bienveillante… Étrange ? Non, grisant.

Alors que le jour décline, les discussions tournent autour des chars – machines roulantes de taille majestueuse, aux formes originales. Le plus beau ? Il y a celui du Stendhal qui en jette un max : Deux grosses roues arrière d’un mètre de haut, une structure qui rappelle les choppers américains et deux personnes perchées dont le chassé de jambe mobilise la roue. Hauteur du char : 3 mètres environ. Il y a du Mad Max dans l’air… Les individus interrogés racontent ce que cette fête représente – certains sont néophytes et découvrent l’ambiance en même temps que moi. D’autres y participent depuis le début des années 2010. La BikeWar est organisée fin octobre par l’un des collectifs du réseau intersquat. L’idée est passée de Berlin à Paris, quelques personnes ont vu cette Guerre des Chars au sein de squats allemands et ils s’en sont inspirés. Le lieu pour cette édition 2018 est grandiose, plusieurs mètres de plafond, des salles dallées spacieuses. Ici des crêpes, là le bar. Au fond, la scène où des musiciens commencent à faire sonner les basses et la grosse caisse.

C’est l’heure de chausser les patins à roulettes. À force de croiser des fêtards perchés sur des chars à roues, ça donne envie de se glisser également dans le mouvement. Une agora se creuse au centre de la grande salle où la scène est installée. Jeux de light qui s’immiscent tandis que la fosse est envahie de petits chars qui se bousculent et se tournent autour. Déjà, des bouts de métal et de chaînes de vélo jonchent le sol. Déjà, l’atmosphère se chauffe et l’attraction guerrière plane dans l’air. Le sol se tapisse au fur et à mesure d’une légère couche liquide de bière. Ça glisse, ça danse, ça sourit et se bastonne à coups de coton-tiges géants. Tout ça sur fond de rock new wave dont les paroles commentent les actions en cours. L’aire de jeu est maintenant encerclée de plusieurs centaines d’individus. Tous participent à une sorte d’éclate générale, burlesque, anarchiste et bon enfant. Les grands chars arrivent et le moment de la joute à proprement parler est venu. Il y a des chutes, des glissades, des sourires et des bras levés. Le son se fait de plus en plus rythmé. Le groupe Klunk s’est installé sur scène. Mes deux acolytes sont partis, la fête en elle-même et le déchaînement des pulsions n’est pas forcément leur tasse de thé. Mais l’important est d’avoir su capter de nombreuses images, plans, travellings, de ce beau potlatch et d’en réaliser un reportage intéressant – après quelques nuits de travail.

La fête a pris son élan et tous les chars sont en scène. Une masse noire se forme au centre de la salle… Tous les bouts de cycles, de pneus, de cadres, de guidons, de pédales sont balancés et créent un monticule massif, sur lequel tout un chacun se jette et danse, écrasant par cela même les chars construits pour cette occasion unique. Certaines mains agitent des drapeaux de fortune, les bouches lancent des clameurs de joie. On peut y percevoir un faux air du tableau de Géricault, Le Radeau de la Méduse – bien qu’ici on ne conte pas l’histoire d’un naufrage mais davantage le récit d’une partie de plaisir. On détruit ce qui nous a apporté des sensations puissantes. L’éphémère est encensé et la nuit bat son plein.

3 commentaires

Répondre à foouk '79!, bonsoir! Annuler la réponse

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