Olivier Albert Brion, ex-Dorian Gray et Yachines dans les 90’s, est un auteur compositeur voyageur se baladant entre un printemps californien ou un automne anglais; avec à son actif trois grands albums dont « High Life » en 2002 et « California Songs » en 2004 sous le nom de Discover puis « Hotel d’Angleterre » en 2007, sous son propre nom. On a retrouvé sa trace, quelque part entre les rues de la Nouvelle-Angleterre et Los Angeles, pour son nouveau projet. Direction le  »Potomac ».

Olivier Albert Brion est pour l’auteur de cet article un mystère musical entêtant depuis une couverture de la revue pop moderne Magic avec les filles de Nouvelle Vague. C’était le numéro de l’été 2004, avec la découverte du single traumatisant Gena Rowlands extrait de »California Songs », l’un des meilleurs albums pop en francais-anglais de ces vingt dernières années. Olivier Albert Brion est aussi un crooner tranquille à l’instar d’un Richard Hawley, classe et bien caché, trop confidentiel dans notre pays apparaissant au gré du vent et de quelques interviews ici et là puis disparaissant bien trop vite. Dans un monde parfait, la France serait tombée amoureuse de cet outsider, de son talent pour écrire des ritournelles sobrement solaires et mélangeant l’esthétisme et l’hédonisme fantasmé de la pop culture anglo-saxonne des glorieuses 60’s et 70’s.

A l’heure du Covid-19, les mélodies subtiles, envoûtantes et mélancoliques de notre dandy romantique font ralentir et voyager dans le temps et l’espace pour se retrouver le temps d’un instant au Max Kansas City, au Chelsea Hôtel, en plein Carnaby street aux couleurs psychédéliques ou à Laurel Canyon aux côtés de Joni Mitchell et de Graham Nash. Même 13 ans après son  »Hôtel d’Angleterre », c’est encore le cas avec son nouveau projet Potomac. Allo, Olivier, comment ça va ?

Alors Olivier, depuis le premier album des Yachines en 95, on the way back home from Mulholland drive ou es-tu toujours à courir après le Endless Summer?

Il y a même eu un avant Yachines, Dorian Gray en 1990-91. Je dirais les deux mais sans courir et à mon rythme, mais l’été sans fin me convient …

Quel est ton état d’esprit actuel avec la sortie de ton nouveau projet Potomac ?  

Je ne m’étais jamais encore imaginé en vieux bluesman ! Mais je trouve que les chanteurs de folk vieillissent mieux que les rockers (Léonard Cohen, la classe). Est-ce que j’ai le sentiment de repartir de zéro. Non, je ne crois pas, je suis juste mon chemin, et on y retrouve toujours des petits cailloux que j’ai déposé au fil de mes ballades.

Pourquoi ce titre, « Potomac» 

«Potomac» parce que le mot est beau, il sonne bien, et les rivières les fleuves ont quelque choses d’inspirant. J’ai remarqué que j’y retrouve également les premières lettres des trois prénoms de mes enfants. Enfin, je ne saurais dire pourquoi, mais ce nom m’évoque le bateau ivre de Rimbaud Et puis le Maryland…

Tes chansons évoquent souvent une sorte d’intemporalité cinématographique, elles évoquent notamment le New York, la Californie ou l’Angleterre mythique. L’intemporalité est-elle un but pour toi ?

Écrire des textes se rapportant au quotidien, ça n’a jamais été ma tasse de thé. Je n’ai pas de TV, je lis peu les journaux, l’actualité m’ennuie, et de toute façon je n’aime pas du tout de la façon dont elle est traitée. Je pense que, comme beaucoup on s’arrange avec l’existence, et pour moi l’imaginaire fait partie de mon quotidien depuis l’enfance.

D’où te vient cette passion pour ces paradis un peu perdus? 

Époque bénie, d’un point de vue artistique, un tube par jour à la radio, les films, l’esthétisme de cette époque était incroyable, la mode, le design (automobile notamment), l’élégance des acteurs. Bien sûr, nous voyons cette époque comme un âge d’or, par le prisme des images kodachromées de l’époque, mais je revendique le droit de m’y sentir bien. Pour moi, je me dis souvent que c’est le futur … et pourtant non, c’est bel et bien un temps révolu. Mais je tiens tout de même à préciser que j’aurais adoré avoir 20 ans aujourd’hui (hors contexte sanitaire actuel).  C’est étrange mais je n’ai pas la nostalgie, de ce que j’ai pu faire ou des années 90 que j’ai vécue. J’écoute plein de trucs nouveaux, que je découvre via YouTube, il y a plein de mômes qui ont du talent qui font des super titres et eux revisitent aussi les codes des années passées qu’ils fantasment.

Pour une pochette de disque vinyle, tu serais plutôt Andy Warhol ou le gang Hipgnosis (collectif de graphistes britannique formé en 1968 qui a rapidement acquis une notoriété internationale grâce à la création de pochettes pour des groupes des 70′, notamment Pink Floyd, Genesis et Led Zeppelin, Ndr)?

Warhol par rapport mes chansons (Bye bye baby dol évoque en filigrane Eddie Sedgwick, entre autres choses).

Parlons de la chanson Gena Rowlands sur l’album «California Songs». Qu’est-ce qui t’a tant inspiré chez cette actrice pour écrire cette chanson un peu ultime ?

C’est surtout cette relation à la ville comme à l’écran avec John Cassavetes que je trouve fascinante et touchante. Il me semble que cette femme ne triche jamais.

Comment vois-tu l’avenir de ton projet artistique actuel et le monde de la musique de demain? Y-a-t-il encore de la place pour les artisans de la musique avec un vrai background musical quand on peut produire un album dans sa chambre en deux clics de souris, avec quelques plug-in et Ableton ?

En fait, depuis un certain temps, il y a cette chanson In my room des Beach boys. Et bien, je m’y retrouve entièrement. Ecrire ces chansons et les enregistrer, dans ma chambre en prenant tout le temps, sans pression, est un réel plaisir. Ensuite, avoir la possibilité de la partager avec le monde entier sans trop de contraintes n’est pas si mal trouvé. D’ailleurs, la situation a fait que j’ai un peu évolué sur mon projet. Je me suis rendu compte, que j’ai écrit et commencé à enregistrer des nouveaux titres pendant la quarantaine, du coup, je vais scinder mon projet en deux, « Potomac », album dont les chansons avait été écrites avant, et « The Way back Home », écrit pendant le confinement et dont j’ai prolongé l’enregistrement cet été.

Dans un monde idéal, avec quel artiste en France et ailleurs voudrais-tu collaborer dans un futur proche? Etienne Daho, Arnold Turboust, Medhi Zannad aka Fugu ou Bertrand Burgalat ?

Tu parlais de collaboration, et c’est vrai que l’on me parle souvent de Bertrand Burgalat. Je pense que c’est le côté cinéma qui ressort un peu. Mais j’aurais aimé écrire un titre pour Etienne Daho. Sinon, une fille, et pas spécialement en France et là j’ai plein d’idées… aha !

Après plus de vingt ans de carrière dans la musique, rétrospectivement as-tu certains regrets au niveau artistique?

Je ne raisonne plus en ces termes. Le privilège de l’âge, j’ai manqué des occasions, j’aurais pu faire autrement, rencontrer d’autres personnes, oui, bien sûr, puisque comme tu le dis ces petites œuvres sont restées discrètes. Il y a toujours des raisons à cela, mais peu importe, l’important pour moi c’est le plaisir que j’ai pris ou que je prends toujours à composer.

Qu’en est-il du beau projet d’après ce qu’on peut en voir et en entendre sur le Net, « Mellow Sound of Gentleman Jim » ? Pourquoi n’est-il pas vraiment sorti, et le sera-t-il un jour ?

Les aléas… peut-être sortira-t-il plus tard, God only knows…. 

De la même manière, le bel EP d’Ohio, «Spring Summer Collection» semblait être aussi un beau projet mais il est passé inaperçu parce que pas vraiment poussé par Chrysalis, racheté entre temps par la major BMG. Comment ne pas se décourager avec ce genre d’aléas?

Ce projet était en effet vraiment soutenu par Chrysalis, on a eu un titre (Little Bird) placé sur deux B.O. de films, puis il y a eu la vente du label. C’est comme cela… Le privilège de l’âge, il nous reste juste le plaisir. Celui d’écrire, d’offrir, de partager…

Dans une interview de 2018, tu disais ne plus te prendre la tête et que tu faisais de la musique de manière égoïste et que si elle faisait plaisir à dix personnes, tu avais l’impression d’atteindre ton but. Es-tu toujours dans cet état d’esprit ?

Je ne dirais pas de façon égoïste, au contraire, je serais ravi de faire partager ma musique avec le plus grand nombre. Mais il n y a aucun calcul de ma part, comme je te l’ai dit précédemment, mon plaisir est d’écrire, et d’enregistrer. Si les lecteurs de notre interview sont curieux de que je produis, c’est tout ce qui compte.

Dans quelle direction penses-tu faire évoluer ton futur musical?

Je ne sais pas… Je continuerai, j’espère, à envoyer des petites cartes postales sonores de moins de trois minutes.

Quelle est pour toi, la chanson pop ultime qui te réconforte par-dessus tout?

Bookends de Simon & Garfunkel, deux minutes de pure mélancolie, I fall in love too easily, God onlys knows, if I fell.

Olivier Albert Brion // Potomac
https://olivieralbertbriongentlemanjim.bandcamp.com/

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