J’aurais pu demander un onglet « metal » au chef :  il aurait ri un bon coup avant de dire « non, bien sûr que non ». A la place, je lui ai vendu mon Journal du Hard.

« Mes beaux cheveux qu’on m’a toujours taillés, mes beaux cheveux longs dans ma tête » : merci à Léo Ferré pour l’accroche. Et Thank  You Satan ! Cette semaine, je make some noise avec un bouquin, (Hard’n’Heavy), un groupe (Disappears), des nouvelles de Metallica et un teasing d’enfer en vue de la semaine prochaine.

Lundi. J’ai beau essayer de me convaincre de lire Hard’n’Heavy, de Jean-Sylvain Cabot et Philippe Robert, paru chez Le mot et le reste, maison d’édition marseillaise qui sort des bouquins avec le même souci esthético-éthique qu’Allia, ma main préfère empoigner Artères souterraines de Warren Ellis. Putain de petit chef-d’œuvre drôle et rythmé, visite en accéléré d’une Amérique où le chef de cabinet de la Maison Blanche se fixe à l’héroïne, où les serials killers voyagent en classe affaire et où les pontes de L.A. baisent des enfants vierges pour ne pas choper le sida. Rajoutez une seconde constitution américaine soi-disant magique, un privé « aimant à merde » chargé de la retrouver et un rat qui pisse dans le mug de ce dernier : impossible de foutre un œil dans Hard’n’Heavy. Je ferai ça mardi.

Mardi. En avant la zizique bruyante et Hard’n’Heavy, sous-titré « Sonic Attack » : 230 pages courant sur la période 1966-1978. Après une quinzaine de pages retraçant l’histoire entremêlée des deux genres, les auteurs s’attellent à présenter une grosse centaine d’albums : à gauche le texte, à droite la cover. En bas à droite, des pistes d’écoute en fonction du groupe, façon Radio Pandora. Je dois avouer que je m’attendais à une plongée dans les obscurs recoins d’un genre à cornes du diable et pochettes à têtes de morts. Au lieu de ça, z’attaquent avec The Yarbirds, Jimi Hendrix et Cream (logique, puisqu’ils racontent l’histoire d’un genre). Il faudra tout de même attendre la page 220 pour entendre causer de Judas Priest. Et apprendre, nom d’un sataniste dilettante bourré à la Corona deux jours sur trois ! qu’ils tiennent leur blaze d’une chanson de Bob Dylan. Mais bon, s’ils me renversent à coups de métaphores bruitistes, me donnent envie de (re)plonger dans l’univers des faiseurs d’aller-retour sur la corde de mi, je veux bien patienter. Fatal error.

Mercredi. Nom d’un hard-rocker suédois arsouillé à la bière thaïlandaise, mais qu’est-ce que c’est mal écrit ! Pas mon genre de débiner les collègues, mais là !.. Non mais alors là ! Florilège. A propos de Eddie Van Halen et David Lee Roth : « poussés par une rythmique tonique et efficace «  p.228. Eh les gars, vous avez fumé le gel douche « tonifiant », non ?

« On est en plein dedans, et même en plein milieu », premières lignes à propos du Live at Leeds des Who, p. 80. Je reste coi.

« Après avoir été évincé de Deep Purple dans des conditions pas très sympathiques, le bassiste Nick Summer… » p. 94. Non, c’est vrai, il faut l’avouer, le milieu du hard n’a pas toujours été très tendre avec ses héros, voire carrément dur et brutal, au point d’en virer quelques-uns de manière pas très… sympathique. Eh les mecs, on parle de hard là, de heavy ! De types méchants buvant des tonneaux de sang sur scène, les yeux bouffis de whisky et la peau grisée par la coke : ces gens-là ne font pas des choses « pas sympathiques ». Encore un truc : n’espérez pas savoir ce qu’ils lui ont fait, dans quelles conditions il a été lourdé, pas un mot là-dessus. On nous allèche, et puis plus rien. Cela n’est pas très sympathique.

Jeudi. Où je découvre, horrifié, que ce livre est un bouquin de géo (politique). Jugez plutôt, avec les accroches suivantes :

« Notoirement connue pour son équipe de rugby et ses pubs, Cardiff est aussi la ville de Budgie, power trio gallois mésestimé », p. 138. On pourrait croire à une blague. Mais ils récidivent :  « Est-ce parce que la Suisse a l’habitude du secret que le nom de Toad a été caché durant si longtemps aux amateurs de hard européen ? », p. 110. La thèse du complot helvétique anti-metal ne doit pas nous faire oublier que chez nous aussi, Christine Boutin tente de bouter le métalleux.  La palme revenant au quasi surréaliste « Comme tout ce qui provient d’Irlande, Thin Lizzy bénéficie d’office d’un capital sympathie conséquent », p. 216. Nos deux auteurs, le cerveau laminé aux trèfles à quatre feuilles fumés en trois-feuilles, signent l’accroche la plus improbable de l’histoire de la littérature rock, à l’aide d’un syllogisme dont l’absurdité empêche de réprimer un fou rire. L’accroche la plus Spinal Tap, indéniablement. Non, parce que si c’est comme ça, moi aussi je m’y mets : « Michel Houellebecq revient d’Irlande, je vais lui filer le Goncourt. » Last but not least, une accroche très céréalière : « Véritable grenier à blé de l’Amérique, le Midwest constitue un vivier musical important… », p. 180, en tête du chapitre consacré à Granicus. Conclu ensuite par : « Bientôt Kiss et Aerosmith, fleurons d’un hard plus malin, prendront le relais. Qui pourrait dès lors avoir besoin d’un Granicus ? (…)… » « Euh, moi m’sieur, j’ai rien bouffé à la récré, j’ai besoin d’un Granicus. » Un jeudi noir, vraiment.

In the n’Heavy ! Yes, you can sail the seven seas, In the n’Heavy.

Vendredi. Où l’on se dit que les deux auteurs n’ont pas fêté la Saint-Valentin, lundi dernier. La faute à une accroche encore loupée : « Oublions tout ce que l’on sait de Scorpions, le groupe de hard allemand dont d’horribles succès commerciaux au retentissement international, tels Still Loving You et Rock You like a Hurricane…», p. 156. Moi je dis non, non et encore non. On ne fait pas une croix sur Still Loving You, à tout jamais B.O. des amours adolescentes parfumées au Axe chouré au supermarché, les mains tremblantes de peur de se faire attraper, frissons bien inférieurs à ceux attaquant les aisselles au moment de tenter de sucer la langue de Stéphanie, au milieu du slow. Et puis un chanteur de heavy chauve, il faut savoir pardonner. Comme vous avez pardonné à Stéphanie son refus poli de vous introduire dans sa bouche telle une limace qui aurait des problèmes de sudation. Alors désolé les mecs, mais je ne suis pas d’accord. Comme Stéphanie. En revanche, on peut effectivement s’asseoir sur Rock You Like a Hurricane. Pinaise, je viens de me le refaire sur Deezer, c’est tout à fait imbitable.

Vendredi toujours. Me rendant compte que malgré tout, ils ont réussi à bourrer mon cerveau de madeleines de Proust, je me réécoute Far Beyond Driver de Pantera. Deezer bousille l’enchaînement Slaughtered / 25 Years avec un jingle pub vantant les talents de Justin Bieber : l’envie d’écorcher vif le créateur de Deezer devant une foule de métalleux à cheveux longs me prend, suivie d’une lapidation du chanteur prépubère. Avec des énormes cailloux. Pointus.

Vendredi encore. Nos Beavis & Butt Head du hard’n’heavy récidivent, en conclusion du chapitre consacré à Hawkwind, groupe où officia Lemmy Kilmister : « Plus qu’à un public, et parce qu’il a su inventer son propre ailleurs, ce collectif psychédélique branché LSD s’adresse surtout aux enfants des étoiles et aux citoyens de l’univers. » p. 160. Dites donc Philippe et Jean-Sylvain, vous n’auriez pas un peu forcé sur le LSD, vous aussi ? Une vision de Fox Mulder Flying V en bandoulière, le cheveu long et retenu par un bandana s’impose à moi. Il est temps de passer à samedi.

Samedi. Ben merde alors, y a pas un Metallica sur Deezer ! Lâche rien, le Lars. Et mes madeleines, alors ? J’en dégote un paquet plein à la fin du bouquin, où est annoncée la sortie prochaine du tome 2. Où il sera question, notamment, de Fugazi, Nirvana, Napalm Death, Kuyss, Shellac, Helmet, The Warlocks, Marilyn Manson, Slayer… mais pas de Pantera. D’où le teaser de la semaine prochaine, où je vous causerai de la bande à Phil Anselmo. A moins que d’ici-là, Jean-Sylvain et Philippe me contactent pour que je leur file un coup de main. Comment ça j’ai oublié de vous parler de Disappears ? Rappelez- moi de le faire.

Dimanche. En bon vieux fan de métal, je ne fous rien le jour du Seigneur.

P.S. : Nick Summer, ça veut pas dire « amour de vacances », hein.

Jean-Sylvain Cabot et Philippe Robert // Hard’n’Heavy – Sonic Attack, 1966-1978 // Le mot et le reste

20 commentaires

  1. Far Beyond DriveN. On écorche pas les grands noms de l’histoire. Et Metallica ça doit se trouver dans la collection personnelle pas sur Deezer nom d’une pipe.

    Ça à l’air cool Artères souterraines.

  2. Oh putain pas mal le truc sur les Irlandais, ohoh, genre U2 a pas détruit le « capital sympathie » de l’Irlande et continue à composer de bonnes chansons écoutables par le plus grand nombre.

  3. C’est pas pour prendre la défense de nos deux Beavis & Butt Head mais le mot métal, finalement, c’est moi qui l’écrit, pas eux. Ils causent de Hard et de Heavy, dont le métal est issu. Après, je suppose qu’ils vont faire le pont via Hard / Hardcore, ce genre de trucs. Mais Fugazi n’étant par Irlandais, on devrait échapper au pire…

  4. Fallait me le dire que je devais pas parler metal, parce que tu nous concoctais un journal..Pas tres gentil journal, mais bon a musique mauvaise livre mauvais nan?

  5. @ Peikaji : ah ! ah ! Au contraire, c’est un peu toi qui a lancé le truc, spéciale cacedédi, donc. Sinon, pour répondre à ta question, il y a plein de très bons disques dans leur bouquin : faut croire que ça n’a pas déteint sur leurs plumes.

  6. putain vas peikaji là c’est ton topic et je peux même pas crier au meurtre hé hé hé
    envoi le bouzin bordel, fais péter la double pédale et le tapping bordel à cul

  7. tu m’étonnes et tu vois j’ai beau détester le metal, je me suis finalement toujours plutôt bien entendu avec ses auditeurs

    pour la hype que veux tu il y a vraiment des têtes à claques au sens premier du terme et moi ça peut me mettre hors de moi

  8. Nan nan, moi j’attends la suite, la part.2, en bon metalleux de base, je m’en bats la race des precurseurs. Hendrix??? c’est qui???pas metal, Malmsteen il l’enchaine comme il veut…

  9. Ah bah voilà, Peikaji is back dans les bacs, avec un comment bien rentre-dedans. J’espère que nos deux auteurs traiteront mieux tes groupes favoris. M’est avis que c’est pas gagné, franchement. Mais bon, il faut juger sur pièce.

  10. Je rigole a peine quand je dis que beaucoup de metalleux ne s’interessent que de loin aux precurseurs, que la majorite considere comme appartenant au rock plus traditionel.
    Peu de fan de Slayer ont la disco complete de Aerosmith.

  11. Peikaji :***Peu de fan de Slayer ont la disco complete de Aerosmith.***

    Je n’ai jamais entendu pire que Slayer dans le genre, c’est vrai qu’il y a aussi une multitude de « courants » dans le genre métalleux dézingué. Un article sur ç

  12. shit mon commentaire s’est posté tout seul !!!!!!!!!!

    J’écrivais : un article rigolo sur les différents genres du hard rock, heavy metal, trash etc pourrait être sympa. Je m’y suis un peu intéressé il y a qqu années, ça me remettrai les idées en place sur la question.

  13. Que pense tu d’un article sur le grindcore ou sur le death melodique?
    Trop de courants man, on s’y retrouve plus et avec les nouveaux, je suis perdu..

  14. Malmsteen à part se branler sur du Paganini, jouer des morceaux d’une minute entre ses solis de 3 heures et bouffer des donuts, il sait rien faire. cool pour les puceaux qui aiment les histoires de dragons et de ferrari. Hendrix était pas irréprochable techniquement mais il avait le Mojo, lui. j’admire Yngvé malmoute quand même mais il enchaîne quedalle, sauf son boudin de femme.

    ah, et pourquoi Beavis et Butthead? ils étaient relous mais marrants, au moins.

  15. ah oui, Jean Sylvain Cabot, il écrivait dans R&F il y à 25 ou 30 ans, je me souviens vaguement de lui, il était un peu l’équivalent de Hervé Picart chez Best.

    Je me demande s’ils ont encore des cheveux aujourd’hui.

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