Suite à la réquisition par Jeudi noir d'un bâtiment d'Axa inoccupé avenue Matignon 12/01/11 Entre 16h30 et 20h30

Suite à la réquisition par Jeudi Noir d’un bâtiment d’Axa inoccupé avenue Matignon, notre journaliste militant et citoyen a pu recueillir nombre de témoignages par rapport à l’événement. En voici quelques aspects principaux et marquants.

A cinq jours d’occupation médiatiquement déclarée du bâtiment d’Axa par le collectif Jeudi Noir, au 22 avenue Matignon, proche de l’Elysée, il est intéressant de prendre le pouls de l’opinion : sentir l’état d’esprit des riverains, écouter ce qu’ils en ont à dire, leurs sentiments respectifs sur cette action citoyenne. L’avis des passants, ça compte vraiment, même s’ils sont plus ou moins éclairés par l’actualité. Comme celui des voisins interpellés, d’une boutique à l’autre, significatif d’un malaise étouffé, tous quasi exclusivement plongés dans leur mutisme commercial. Suivent dans quelques cas rares, avec un peu d’efforts pour les faire parler, des réactions tristement indifférentes, de grincheux peu solidaires. Ainsi, ces professionnels situés en territoire prestigieux ne sont pas du tout favorables à l’ordonnance de 1945 en vigueur, de réquisition des appartements vides, dès que dérangés dans leur luxe et leur confort quotidien.

Certains finalement vont aider le mouvement en précisant les enjeux, d’autres vont le stigmatiser sans trop de raisons pertinentes. Les mécontents sont proches : « C’est pas bon du tout. Leur action a déclenché un blocage dans la rue. Les accès libres aux trottoirs n’étaient plus possibles. Ils nous ont fait perdre de la clientèle ». Une collègue galeriste, sur le trottoir d’en face : « Ca nous a bloqué la rue. On espère que ça va s’arrêter ». Un autre discours cette fois, d’un riverain croisé au hasard, exerçant dans l’immobilier, et encarté à Europe Écologie : « Il est vraiment dommage de devoir occuper, faire des actions médiatiques. Ce serait mieux que les problèmes de logement soient gérés et traités correctement toute l’année. Y’aurait pas besoin de tout ça ». Il poursuit : « A Paris, on n’est pas encore une bulle immobilière. Donc ca va continuer à monter, les prix. Il faut une vraie intervention politique ».

Ensuite, apparaît Jean Marie Le Guen, Conseiller de Paris dans le 13ème arrondissement. En insistant, je m’infiltre avec lui, rompant le blocus, à mon simple niveau, tel qu’il est appliqué depuis le 7 janvier dernier par la préfecture de Police de Paris, en ce lieu devenu sensible. La règle effectivement jusque-là : pas d’accès au bâtiment occupé, sauf pour les occupants déclarés, sur liste, et les élus présentant les pièces d’identité adéquates (souvent avec difficulté d’ailleurs pour chacun d’eux, surtout lorsqu’ils sont munis de vivres). Il est finalement plus évident de prendre un café au Bristol à côté, au milieu d’hommes de pouvoir, françafricains pour certains : de croiser Alain Bauer, ancien Grand Maître du Grand Orient de France, par exemple. Ce qui fut mon cas pour tester et comparer, dans le même temps quasiment.

Précédemment, Augustin Legrand, des Enfants de Don Quichotte, avait été le premier à imposer que l’on puisse rentrer plus librement au 22, avenue Matignon, jouant le rapport de force. Armé de sa gouaille militante face aux forces de l’ordre, il a su intervenir pour modifier quelque peu l’ambiance délétère et insupportable en place, liée aux refus d’aller et venues simples de chacun.
Après discussion avec les hommes armés de l’Etat, d’une relève à l’autre, individuellement ou en petits groupes, et de façon totalement anonyme, il arrive que des rapprochements se fassent, très humainement. Ainsi, certains ont pu exprimer assez rapidement le fait qu’ils ne sont pas toujours fiers d’être en fonction pour ce déni de démocratie évident. Les remords sont là. L’un d’eux, quelques jours auparavant, était prêt à témoigner, en dehors de son travail, me transmettant même son numéro de portable, pour une entrevue à visage caché, ou juste en notant ses observations très discrètement.

Plus tard dans la soirée, face au Théâtre Marigny, à deux pas, un journaliste de France 5 livre son empathie pour les agitateurs : « Je suis plutôt favorable. Ils passent aux actes. Le côté symbolique, proche de l’Elysée de surcroît, rajoute du piment ». Le hasard de la rencontre fait bien les choses. En effet, il n’est pas étranger au processus social à l’oeuvre : « J’avais suivi l’occupation d’un bâtiment de la BNP par Jeudi Noir. C’était vers 2007. On m’avait proposé d’aller les rejoindre. J’ai pu utiliser l’espace pour des créations artistiques. Et j’étais venu les aider ». A l’opposé, un spectateur plutôt nerveux sort sa diatribe nauséeuse : « A la Bourse, ca m’avait choqué, le squat du DAL. Quand ce sont les sans-papiers, je ne suis pas pour. Oui, vraiment, les étrangers en situation irrégulière, je ne suis pas d’accord du tout ! Les squats d’artistes, là je suis OK. Comme tous ceux qui cherchent un HLM depuis des années ». Un recadrage à propos de la Françafrique ne servira à rien. Il enfonce de suite le tableau, pathétique : « J’ai vécu en Afrique. Il y a les Chinois et bien d’autres. Le Togo, y avait les allemands avant. Quand on veut, on peut s’en sortir. C’est un faux problème, de ramener tout à notre pouvoir. Ils ont du pétrole. A eux de s’assumer ».

Ce schéma vraiment lénifiant n’est pas partagé par tout le monde, fort heureusement. Un peu plus loin, un jeune défend les différents groupes pratiquant l’agit-pop, et donc quelle que soit leur origine. Il est en cela fidèle dans son propos à l’universalisme des Lumières : « L’accès à un logement se fait avec un budget important sur Paris. Les militants utilisent des moyens pour faire bouger les mentalités. De quoi essayer de baisser enfin le niveau du marché locatif ou d’achat. Il n’y a qu’à voir l’augmentation du prix du mètre carré. C’est une bonne chose de protester. Et les sans-papiers sont à soutenir ». Venu d’un milieu social favorable, ce porteur d’humanisme a su s’en sortir : « J’ai eu la chance d’acheter fin 2010, après avoir vécu la galère comme tout le monde, quoique relative : comme par exemple devoir demander aux parents de servir de caution, et bénéficier de leur aide à différents moments pour s’en sortir. Avec deux salaires parisiens, ce fut accessible, notamment via un apport, et face à une bonne affaire, providentielle ». Il est équipé pour évoluer positivement, contrairement à bon nombre de nos concitoyens délaissés.

Pour autant, ce profil se tarit également. Les classes moyennes et bourgeoises sont réellement frappées désormais, de plein fouet, par la spéculation immobilière. Celle orchestrée par les grands comptes, réduisant lourdement le paysage locatif disponible. Il conviendrait presque de proposer de faire un roulement dans les villes attractives, entre les habitants n’y exerçant plus grand chose, avec celles et ceux motivés, mais relégués en périphérie, & tout ce que cela implique d’errance sociale et de ségrégation territoriale : pour le transport, les délais de déplacement, l’esthétique des rues,  le bien-être culturel, l’accès aux services et au travail.

Pour ne rien manquer, Jeudi Noir a d’ailleurs sorti son Petit livre noir du logement, parallèlement à ses interventions médiatiques, établissant tout un programme pour rétablir des conditions décentes en matière d’urbanisme, du vivre-ensemble, et de l’accès à nos droits premiers d’hébergement ou de propriété, en toute équité. A méditer et à défendre ardemment dès maintenant. L’Eurodéputée Karima Delli en rappelle les principaux points sur son site web : « le blocage des loyers, une véritable taxe sur les logements et bureaux vacants, la prévention des expulsions locatives et la réquisition des bâtiments vacants, en particulier là où les 20% de logements sociaux prévus par l’article 55 de la loi SRU ne sont pas respectés. Plafonner les loyers au mètre carré, afin d’interdire les loyers indécents, comme ces chambres de bonnes louées plus de 500 euros à Paris et dans la petite couronne ».

http://www.jeudi-noir.org/

4 commentaires

  1. Enfin Gonzai commence à parler de politique. Après tout c’est dans ce domaine que le gonzo journalisme a accouché de ses meilleurs feuillets.

  2. Sur le trottoir d’en face, un type d’Axa s’exprimant de façon anonyme : « Je ne suis pas opposé aux réquisitions de ce type ». 🙂 19/01/11

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