Quand le trou du cul du monde se paye le luxe d’accueillir une des plus grosses pointure de la quatre cordes, il y a de quoi se poser des questions. C’est peut être de la confiture pour des cochons, peut être aussi l’occasion de quitter le plancher des vaches.

Blainville-Crevon. 1000 habitants. Après une bonne demi douzaine de kilomètres coincé derrière un tracteur et des chemins qui n’en finissent pas de slalomer entre les haies, on a le sentiment d’être arrivé au bout du monde. « Dieu, que peut bien faire une légende du jazz dans un bled aussi paumé? ». Je m’attends particulièrement à la projection d’un antique concert sur écran géant même si apparemment, le festival « Archeo Jazz » (Big up pour le nom) semble avoir déjà accueilli une tripoté de pointure. Taj Mahal, Jimmy Cliff et le Buena Vista Social Club, pour ne citer que ceux là, semblent eux aussi avoir déjà atterrit dans le coin, le temps d’un concert. L’évènement ressemble en tout point à une fête du village. A quelques pas des ruines d’une ancienne forteresse, on a planté un chapiteau colossal (2300 places), et tous les gamins du patelin ont été réquisitionné pour gérer le parking. Entre les stands grillades et les débits de boissons, des gastronomes jouant à chat vous passent entre les jambes alors que l’aristocratie locale (majoritairement composée de piliers de PMU baignant dans leur jus par ce crépuscule caniculaire) répond bien entendu présente.


Entre les habitués, les fanatiques et les citadins ayant fait le déplacement parce qu’on leur avait parlé de « l’ancien bassiste de Miles Davis », il y a donc pas mal de monde. C’est au milieu de cette drôle de foule, qu’on a plutôt l’habitude de croiser dans les foires au boudin, que je m’enfile quelques bières, songeant à ce vieil ours qui, à quelques dizaines de mètres, doit être en train de s’échauffer les phalanges. Comme le brosse subjectivement un reportage d’ FR3 Normandie, le sacro-saint aurait passé l’après-midi à boeuffer, sous l’ombre des vieilles pierres, en compagnie des mélomanes autochtones, troquant, le temps d’un blues, sa jazzbass sanctifiée, contre la gratte sèche d’un gamin. Plutôt décontracté donc le Marcus, j’avais pourtant entendu parlé d’un type peu aimable, se la jouant Chuck Berry sur variations « je suis une légende ».

A l’ombre d’un demi-jour qui n’en finit plus, la première partie d’Harnold Lopez Nussa s’achève. Il doit être 22 heures et le petit peuple semble agréablement surpris, même si la moutarde commence sérieusement à me monter au nez. Dans quelques minutes, les premières notes slapées claqueront dans l’air moite et mes esgourdes se lèchent les babines, sentant le caviar approcher. Sous le chapiteau, c’est malheureusement place assise. J’exécute donc un bon compromis en posant mon séant à même le sol devant le premier rang et assiste au discours de ce qui doit être un élu locale envoyé au casse pipe par ses camarades. Et le voilà qui entre en scène, son éternel Pork-Pie Hat sur le rassoudok, attaquant son récital de l’album Tutu, œuvre sur laquelle l’apprenti avait dépassé le maître puisque Marcus dirigeait alors Miles de A à Z.

Le groove à fleur de peau.

Les deux premiers morceaux, je ne réalise rien du tout. C’est seulement quand démarre le troisième titre que je comprends la chose. Chaque musicien décline un peu plus la mélodie alors que Miller commande le tout du regard. Entouré comme à son habitude d’une tripotée de virtuose, le baobab est pourtant loin de cacher la forêt, laissant tout le monde s’exprimer sur chaque titre par des improvisations chaque fois plus belles les unes que les autres. Le courant passe, les titres s’enchaînent et quand le calme revient, on les entend se marrer sur scène. Au bout d’un petit moment, Marcus dépose la basse et commence à souffler dans ce que j’apprendrai plus tard être une clarinette basse. Je ferme les yeux, le décor est planté. C’est le Memphis d’avant-guerre qui se dessine. Le gout du whisky tiède sur mon palais, l’odeur acre du tabac brun et les notes, flottantes comme la brume au fin fond d’un tripot coupe-gorge. Quand le saxophoniste ajoute son coup de pinceau au tableau, ça vous prend au plexus et vous laisse complètement sur le cul, presque la larme à l’œil.

Pas le temps de dire ouf, on enchaîne avec Run For Cover, immortalisé en 1991 par le live Under the Sky. Ce n’est plus un concert mais une dégustation. Un dernier rappel sur le titre Blast et Miller quitte la scène, remerciant, le doigt tendu vers le ciel, « Miles Davis pour sa musique« . Un peu plus tard dans la soirée, je recroise l’homme devant le chapiteau, signant nonchalamment des autographes et discutant dans un français courant avec les quelques fanatiques encore présents. On quitte l’endroit, une boule dans la gorge, avec l’impression d’avoir vécu un truc qu’on ne reverra jamais, comme si c’était la fin d’une semaine de vacances inoubliables, une parenthèse qui se referme.

http://www.marcusmiller.com/

16 commentaires

  1. alors maintenant on peut écrire sur marcus miller la fête est ouverte !! pourquoi pas un article sur jeff porcaro chez Toto
    ce mec a certainement été bassiste de Davis mais bordel pendant sa pire période
    lui c’est gros slap dégueu et compagnie
    ce n’est juste pas possible

  2. Il y a toujours un crétin inculte pour déverser sa connerie !
    Je fait allusion à toi, le fameux serlach !!!!!
    Dans ton monde, le groove ne doit pas vraiment exister !!
    Marcus Miller est le plus grand bassiste jusqu’à ce jour.
    Pauvre naze !

  3. Stop ! Effectivement Serlach est inculte et ne mérite en aucun cas tous ces commentaires qui nous éloignent du sujet de l’article. Merci Hugo ! j’y étais, dans ce trou du cul du monde … et je n’en reviens toujours pas que Marcus soit venu carresser ses cordes à qq km de chez moi … et donc à ce titre « le piliers de PMU ou l’habitué de foire au boudin » que je suis, à te lire, t’emmerde profondement … ceci étant fait, … tes qq lignes m’ont replongé dans l’atmosphère inoubliable de cette soirée et pour cela je t’en remercie, le petit bassiste Normande n’est pas près d’effacer de sa mémoire l’image et le son du Dieu Miller …!!!

  4. Yo

    C’est vrai que c’était un sacré show.

    Au plaisir d’un petit tiercé ensemble alors! Pour le boudin, je suis pas mal branché niveau épice. Le boudin antillais quoi, avec un ti punch.

    Intestinalement votre.

    Hugo

  5. alors d’abord merci messieurs, vos insultes me vont droit au coeur
    pour votre gouverne je dois à vue de nez posséder à peu près 4000 disques dont un millier de jazz, soul , funk, blues et consorts

    je remarque que ce sont des bassistes qui parlent ici et une race particulière de bassiste : celle qui aime le slap, le bon gros solo basse batterie, bien technique
    alors les cocos je suis aussi bassiste à mes heures mais par contre je dois vous mettre en garde : le branle manche ça rend sourd

    voilà ce que c’est d’écrire un article sur marcus miller, on se retrouve avec les couillons qui lisent les tests techniques de basse mag, stp messieurs retournez à vos tablatures de red hot

  6. Bon dieu ! Marcus Miller ! Mais c’est une ignominie ! Tout est à jeter ! Le slap n’est que l’équivalent du pet ! Je me devais de rejoindre Serlach dans la fosse. Marcus Milller, alors on peut tout dire, tout écrire. Marcus Miller, je n’en reviens pas. Je fais mon signe de croix et cours chercher des gousses d’ail pour éloigner ce son ignoble.

  7. J’ai cru entendre que Yannick Noah allait faire un disque bien groovy avec Sinclair et Meshell. Il y aurait un son bien chaud et punchy comme j’aime, une basse qui tape bien au fond du temps, parce que cette merveille aurait été enregistrée avec la console API vintage de Lenny Kravitz, dit-on. J’ose espérer qu’on aura un article dessus aussi.
    Bien à vous.
    Arthur.

  8. merci cher syd, bordel serrons nous les coudes !! je vois aussi au fil du temps que nous avons pas mal de traumatismes musicaux en commun (à part le débat sur les zigotos mancuniens)

    arthur, je souhaite de tout mon coeur que l’ironie que je vois dans ton commentaire soit réelle sinon je te propose de ne plus jamais écouter de musique pendant cinq ans, cette période de désintox te sera j’en suis sur bénéfique

    au passage j’ai vu que yannick noah a donné un concert dans la prison du bled d’où je viens. je sais qu’en taule on se fait chié mais quand même ça frise la double peine

  9. Ah SERLACH… J’en ai connu des mauvais; mais toi c’est le summum
    Marcus Miller est considéré comme le meilleur bassiste au monde et de tous les temps par Herbie Handcock, Miles davids, Stanley Clarke, etc…

    Je suis persuadé que ces très grands noms de la musique ont une bien meilleure connaissance musicale que toi.
    Donc que Miles et consorts apporte un immense crédit à Miller pour moi ça à un sens, mais qu’un branleur comme toi puisse critiquer Miller, ça me fait rigoler.

    A titre informatif, Miller a été le musicien le plus demandé de la planète pendant les années 80 et qu’il a participé à plus de 500 albums.
    De plus, Miller est plus qu’un slappeur… C’est un compositeur de génie, un arrangeur incroyable, un producteur très inspiré, un multi instrumentiste…
    En somme il respire la musique et c’est quelqu’un de très ouvert à tous les genres musicaux.

    Que j’aimerais le voir sur scène avec ton pote des Red Hot, quelle humiliation ce serait pour ton petit blanc des Red Hot.
    J’en ai marre des trous du cul qui n’y connaissent rien et qui se permettent de critiquer l’un des plus grand musicien de tous les temps.

    Eh oui mon gars, tu mérites des baffes !!!

  10. Euh, j’arrive après la bataille mais bon, faut pas déconner, JanJan : Flea, on en a rien à foutre de savoir s’il est blanc ou noir, son jeu kick ass, c’est quand même autre chose que les pouich pouich d’ascenseur du sieur Miller. Alors ok, je connais pas toute sa discographie, mais ta phrase : « Que j’aimerais le voir sur scène avec ton pote des Red Hot, quelle humiliation ce serait pour ton petit blanc des Red Hot. » est ridicule : on est pas aux jeux olympiques du branlage de manches à quatre cordes ! Flea est un bon bassiste parce que son jeu est VIVANT. Sans blague, le coup du concours sur scène, c’est le plus mauvais argument que tu pouvais donner. La virtuosité, on s’en fout. « jouer chaque note comme si c’était la dernière », c’est un peu plus intéressant. C’est Flea qui m’a donné envie d’acheter une basse, pas Miller, ni Stanley Clark.
    J’ai l’impression de lire le courrier des lecteurs de basse magazine, sur gonzaï, c’est pour le moins surprenant. Et moyennement drôle.
    Sinon, sur gonzaï on se permet de critiquer tout le monde, Janjan. Et si ça té défrise, ya toujours http://www.bassistemagazine.com/

  11. Mon cher Vernon

    Mon dernier message s’adressait à Serlach !
    Lorsqu’un mec comme lui se permet de critiquer Marcus en disant que « c’est gros slap dégueu », et bien cela m’interpelle.
    Que tu aimes Fléa des Red Hot, c’est ton choix mon gars.
    Mais pour moi, il n’y a pas l’ombre d’une hésitation entre un génie comme Marcus et un petit bassiste blanc comme Fléa, qui ne me touche pas une seule seconde.
    De plus, si tu demandes à Fléa de dire ce qu’il pense de Marcus, je suis persuadé qu’il se met à genou.
    Mais tu vois, je crois que c’est un problème de style !
    Toi tu aimes le Rock et moi je pense que c’est de la sous musique, je déteste ça, zéro émotion, pas de swing, pas de groove et c’est super faiblard côté instruments et vraiment redondant dans les gammes.
    Je hais les stones, les doors, Red Hot, Nirvana, Radio head, Placébo et toutes ces grosses merdes.
    De plus, tu ne connais rien de la discographie et surtout de la diversité des albums et des collaborations de Marcus Miller.
    Alors avant d’avancer des critiques sur ce génie, saches de quoi tu parles.
    Une chose dont je suis certain, c’est que toi, Vernon et l’autre Serlach, et bien vous êtes des petits blancs qui ne connaissez rien à la musique.
    J’en ai marre de lire des conneries de branleurs comme vous !
    C’est fatiguant d’entendre des nazes pareils !!!!!

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