"I don’t know anything about this world", premières paroles de "Reach Me", belle chanson d’ouverture de ce premier album des Magic&Naked pourrait aussi bien être l’introduction de ce papier. Difficile de trouver des références notables pour parler du tour de passe-passe commis par ces jeunes genevois fers de lance de la nouvelle vague helvète déferlant sur le psyché européen.

On pense assez spontanément aux Fresh&Onlys avec une profondeur moriconnienne qu’on pourra trouver dans la scène psyché californienne hispanisante des Mystic Braves ou des Growlers. Mais aussi des influences plus mainstream en début d’album, certaines mélodies rappelant le loup solaire Eels ou les desert-folkeux de Calexico, avec une touche 60’s dans les voix négligées et saturées dont on peut attribuer la responsabilité et la filiation aux géniaux Pussywarmers qui ont réalisé l’album.

Mais cet album dégage une fascination plus intense que la simple succession de ballades qu’il propose. Il y a les chants d’une tribus d’indiens perdus au milieu des montagnes d’Europe faisant échos à leurs cousins d’Amérique, les mirages psychés plantant le décor d’un monde perdu au-delà des nuages. On se laisse séduire par cette petite utopie sans résistance tant la chaleur des voix et guitares fait son effet. Il n’est ici question que de simplicité mélodique, de rythmes laid-back et de la torpeur dans laquelle sombre le cowboy épuisé par une dure journée de labeur sous le soleil brûlant d’un Mexique fantasmé. La musique des Magic&Naked accompagne alors formidablement le décapsulage brutal d’une bière aux accents de Negro Modelo, le cul vissé à la chaise à bascule d’une petite cabane de bluesman. Cette lente ballade bucolique découpée en douze morceaux pourrait d’ailleurs être la BO de ce seul moment.

Many Seagulls illustre bien cette inexorable et jouissive sensation de laisser-aller avec son rythme polka chaloupé. La chanson Meet On The Beach fait sans doute référence à l’album de Neil Young, dans l’esprit comme dans la forme et nous aide à pénétrer cet univers folk qui troque les grands lacs contre les océans aux horizons infinis, bercés par le remous des vagues.

Il y a comme un faux air de Pink Floyd période Echoes dans Anna, et une poésie un brin surréaliste dans les quelques vers en français jetés avec nostalgie dans la chanson comme quelques graines de Manset ou de Vian. On est en effet piqué de nostalgie à l’écoute de cet essai, comme celle provoquée par le fait de quitter un monde imaginaire seulement accessible par les romans ou la musique, une nostalgie de ce qu’on a pas connu dans le réel, de l’utopie. Ce sentiment est inexorablement incubé par une écoute prolongée de ce disque transpirant l’idéal hippie par chaque pore.

La fin de promenade au milieu des tombes du cimetière indien d’un arrière-monde repeint couleur tequila ne s’apprécie guère que dans l’ivresse des cordes magistralement délivrée tout au long de Magic&Naked. Ce disque est une belle pierre à l’édifice de cette petite chapelle psyché suisse qui nous fait redécouvrir chaque jour les vertus de l’indépendance.

Magic&Naked // Album éponyme // Casbah Records
https://casbahrecords.bandcamp.com/album/magic-naked

2 commentaires

  1. Slogan « La drogue c’est bien, mangez-en »
    Et qu’ils soient suisses me redonne foi en la life.
    Ceci dit, les hommes nus je trouve ça sale.

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