Certains amis bien intentionnés, à jour de leurs cotisations sociales et n’hésitant pas à manger cinq fruits et légumes par jour pour rester en forme, n’ont pas hésité à me mettre en garde lorsqu’il a été question d’évoquer le cas Mac Demarco, social-traitre vendu au KKKapital, alors qu’il est bien évident que tout artiste maudit prévoit dès le premier relevé SACEM de manger de la merde en boite jusqu’à la fin de ses jours au prétexte qu’être signé chez personne vaut mieux que d’être connu par tout le monde.

Alors oui, c’est vrai : le succès de son dernier disque en date, ‘’Salad Days’’, ainsi que cette gueule de Goofy à visière droite qu’on aimerait enfoncer dans un mur en plaquo, en font un mec trop cool pour être honnête, l’incarnation de l’axe du mal défini par George W. Bush avec dans le rôle du Mollah Omar ce mac prêt à toute prostitution pour faire parler de lui ; sans compter le fait qu’en plus de donner son adresse à la fin de l’album dont il est question ici, Demarco a en plus le toupet de, de, de, de VENDRE des disques. C’est un gros mot comme un autre (au hasard : intermittent du spectacle), mais c’est toujours un peu bas du front de qualifier un album selon une grille de lecture commerciale [1] ; et surtout quand le plafond dudit business est crevé dès que le premier clampin dépasse les 2000 exemplaires vendus en Centre Leclerc – qui rappelons-le vient d’ouvrir sa plateforme de streaming, BRAVO Edouard, tu positives.

Reprenons le fil. Pour peu, ces mêmes gens à priori moins mal à l’aise avec le fait de se faire violer de l’extérieur par de vieilles gloires du rock dépenaillé des 90’s qui leur font raquer 50 balles pour des concerts nostalgie (Ride, My Bloody Valentine, The Charlatans qui demandent 6000 € pour un concert, Peter Hook qui en demande le double, etc) ont du mal à digérer qu’un mec de leur âge puisse se fringuer comme eux, poser sans filtre Instagram sur la pochette de son nouveau disque, connaitre le succès, emmerder le monde à défaut de le tromper (vous voyez ce que je veux dire). Avouez que c’est étrange, ce que ça raconte de l’époque actuelle. Cobain, face à la violence des réseaux sociaux, de l’instantanéité, n’aurait certainement même pas attendu « Nevermind » pour se faire sauter le caisson.
Le fait que « Salad Days », en dépit de son succès commercial, reste un album bancal gratouillé sur une guitare achetée à 30 dollars n’arrange pas nos affaires ; et au delà de l’image d’antihéros développée par le Canadien (là dessus il n’est pas le seul, plus aucun leader hormis Matthew Bellamy ne souhaite incarner l’esprit d’une génération), ses chansons mignonettes un poil désincarnées collent certes à l’air du temps, mais on a bien du mal à savoir si comme mémé, elles passeront l’hiver. Et je ne vous parle même pas de la section faits divers qui a vu le Mac récemment proposer une séance d’écoute de « Another One » autour d’un barbecue, comme jadis de payer ses factures grâce à des tests pharmaceutiques. Ces détails extra-musicaux, s’ils servent à pas mal de peigne-cul pour gonfler le calibrage de leurs papiers en alternant avec des mots pop comme loufoque, trublion ou encore déjanté, sont malgré tout une preuve que la vache à lait de chez Captured Tracks résiste à l’anonymisation de l’artiste moderne en tentant, faute de mieux, de se fendre un peu la gueule. On s’est suffisamment coltiné de photos presse de mecs collés à un mur avec des fringues dégueulasses en tirant la tronche pour ne pas apprécier la démarche consistant à se foutre de tout, au risque de passer pour un branleur.

Et ça tombe bien, parce qu’une bonne partie du dernier né, « Another One », est à jeter. Ce qui était déjà le cas avec « Salad Days », petit jouet déguisée en OVNI, l’est autant avec ce pas-vraiment-nouvel-album à la fois pas assez bricolé pour paraître amateur mais aussi trop produit pour séduire le taliban qui se touche à la cave en écoutant une K7 d’emo-core slovène. Première partie, de la muzzak aquatique qui permettront à l’ado boutonneux de remplir le placard à souvenirs ; ce qui remarquez n’est déjà pas si mal tant la chanson éponyme (piste 3), on l’imagine, pourrait parfaitement jouer le rôle de bande son pour un premier baiser raté à la Grande Motte, à marée basse. Et ce n’est après tout pas pire que Steely Dan, ni que leur fans. La suite, elle s’avère un peu dispensable, et à moins d’être abonné(e) au service chiantitude des Inrocks, peu de chances de se relever la nuit pour No Other Heart ou Without me, des essais foireux de ballades shakespeariennes jouées au mélodica.

La véritable surprise de « Another One » tient en deux morceaux au niveau du « Avalon » de Roxy Music, disque de Side-Car ultime.. A l’écoute, aux écoutes devrait-on dire, on a parfois l’impression que Demarco a presque composé ça par erreur, touché par la grâce de Dieu ou simplement volé des démos à Stevie Wonder tapant le bœuf avec Metronomy. Ces chansons se nomment A heart like hers, slow d’un été décalé où l’on s’embrasse par tristesse au mois d’octobre en repensant à l’époque où l’on était jeune et où il y avait encore des banquises, un avenir pour la jeunesse, des nanas à serrer, et I’ve been waiting for her (la même on suppose), tentative réussie d’un pastiche du « Loaded » du Velvet Underground en mode laid-back, californien dans le slip, le rythme, le groove, deuxième rayon de soleil d’un disque qui, au moment d’écrire la chute, laissera tout le monde le cul entre deux chaises. Pas sûr que Demarco soit le prodige annoncé, mais pas plus évident qu’il soit un trou du cul sans relief.  Démerdez-vous avec ça.

Mac Demarco // Another One // Captured Tracks

[1] Bon ça nous empêche pas de le faire une fois sur deux.

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