Alors que l'autofiction ravage à grands coups de namedropping bas de gamme les rayonnages des libraires, un auteur a su donner corps (et âme) à ce genre bâtard, entre autobiogr

Alors que l’autofiction ravage à grands coups de namedropping bas de gamme les rayonnages des libraires, un auteur a su donner corps (et âme) à ce genre bâtard, entre autobiographie et roman. Lydia Lunch, artiste new-yorkaise protéiforme, livre dans Paradoxia un peu d’elle-même et beaucoup de fiction. Grande œuvre littéraire.

Victime de l’inceste débarquant dans le New-York dowtown avec seulement quelques dollars en poche, Lydia accroche et dégoûte son lecteur par la crudité et la pornographie de son existence, naviguant entre drogues, prostitution, sexualité débridée sur fond de punk attitude.

On a beau connaître les bouges sordides filmés par un Ferrara sous amphét, les oiseaux de nuit déglingués immortalisés par Nan Goldin, la plongée infernale à laquelle on est convié dépasse ici l’imaginaire le plus tordu. « New-York, un gigantesque champ de force électromagnétique qui fournissait un carburant avarié, matraquant vos terminaisons nerveuses, vous laissant toujours dans ce manque chronique…Essayer de rester sain d’esprit à New-York, je vous mets au défi. Même l’oxygène est un narcotique, un psychotrope qui accélère le pouls ». Voilà la voix de Lydia. Cette gamine de seize ans, le corps tourmenté par le viol paternel, devenue « misanthrope sexuelle », sans borne morale, usant de son cul pour piéger les proies masculines, les mener jusqu’à l’orgasme par delà la souffrance. De son avilissement naît sa survie, de sa douleur, sa rédemption. Les séquences insoutenables s’enchaînent sans répit rythmées par des fix d’héro’, des hauts le cœur déversant leur bile sur les corps repus de coïts, gluants de sperme et de sang. « Ravi de me voir m’étouffer et trembler, il commença à tirer sur sa queue toujours exhibée, imprimant quelques secousses à son engin tout en continuant de pointer sur moi son objectif ». Paradoxia déverse ses perversions, la vie fangeuse de ses personnages, la médiocrité et l’horreur avec une énergie stylistique, une cinglance et un sens de la formule démoniaque. La naissance d’un de ses amants, fils d’une toxico qui « s’injecta une dose douze minutes après avoir démoulé comme un cake l’enfant prodige » illustre cette capacité à la crudité lucide.

Parental advisory-Explicit novel

Pornographe assumé, ce roman parvient à disséquer la notion de plaisir hors du champ de l’excitation, du désir. Lydia jouit contre son gré, contre son amour propre. Elle hurle sa jouissance comme un cri de douleur transperçant. Loin de l’autobiographie grâce à une transfiguration ébouriffante de son environnement (un New-York trippé), piétinant la notion de roman par le tourment personnel qu’on sent poindre dans les transes qui consument ses chairs, Lydia Lunch provoque son lecteur, le puritanisme ambiant et la bienpensance, enfantant une œuvre « extraordinaire », dixit Hubert Selby Jr. Tour à tour révulsant et fascinant, citant aussi bien Georges Bataille que Charles Manson, Paradoxia met en scène les pulsions inavouables vissées à la chair en un freak show violent et salvateur. Paradoxal, vous dites?

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