De la magie sexuelle d’Aleister Crowley à la trilogie Illuminatus de Robert Anton Wilson en passant par le navet cinématographique de Joel Schumacher, le nombre 23 continue d’obséder de nombreux auteurs à la marmite bien bouillonnante. Entre fièvres occultes et théories du complot, l’heure est venue de refaire les comptes.

01wsbImpossible de parler du degré héro sans tout d’abord évoquer le très « in » William Burroughs. Car s’il faut remonter à ce cher Pythagore comme pionnier de la numérologie, c’est à Burroughs que l’on attribue généralement l’énigme du nombre 23. En 1967, le pape de la Beat — ne faisant pas le moine — tapa sur sa machine molle quelques étranges synchronicités qui furent ensuite publiées sous la forme d’une nouvelle. Dans 23 Skidoo — expression populaire aux Etats-Unis pouvant se traduire par « sauve qui peut » — Burroughs aurait connu un certain Capitaine Clark vers 1960 à Tanger, qui s’était vanté d’avoir navigué 23 ans sans accident. Ce jour-là, le bateau de Clark eut un accident qui le tua ainsi que tous les autres passagers à bord. Et alors que Burroughs pensait à ce cruel exemple de l’ironie des dieux, un bulletin radio annonça ce même soir le crash d’un avion de ligne en Floride. Le pilote était un autre Capitaine Clark et le vol portait le numéro 23. C’est à partir de ce moment là que William — dont le W est la 23ème lettre de l’alphabet — a commencé à collectionner les 23 étranges qui étaient pour lui synonyme de mort.

Pour Elie Attali, numérologue et tarologue à Paris : « Le 20 c’est la matière et le 3 a comme symbolique le côté artistique. Toutes les symboliques étant dans les 22 lettres de l’alphabet, le 23 correspond pour moi à une autre étape, une autre dimension ».

666 : héros tics

Dans The Illuminatus ! Trilogy, sortie en 1975, l’auteur américain Robert Anton Wilson — alias RAW — mélange informations véritables et fiction afin d’engager le lecteur dans ce qu’il appelle l’ « Opération Mindfuck ». Il affirme qu’avant Burroughs, Aleister Crowley déjà, définissait dans son Dictionnaire Cabalistique le 23 comme le nombre de « vie » ou « un fil », suggérant de façon obsédante le texte vital de l’ADN qui a des irrégularités de liaison tous les 23ème Angstrom (1 Angstrom = 1 dixième de milliardième de mètre). Celui qu’on surnomme The Beast 666, reste sans doute à ce jour, dans le domaine de l’occultisme, l’auteur le plus prolifique. Très controversé tant par ses écrits que par ses mœurs, Crowley a, entre autres, abordé les thèmes de la magie, du yoga, de l’astrologie, de la Kabbale (une tradition ésotérique du judaïsme) et du tarot. Selon le spécialiste Monsieur Attali : « Le tarot de Crowley est puissant, il regroupe des symboles franc-maçonniques et cabalistiques. C’est un taro assez violent et qui n’est pas à la portée de tout le monde. »  En tout cas, force est de constater que Crowley est aujourd’hui bien ancré dans la culture populaire et a exercé une influence significative sur de nombreux musiciens — et pas seulement des groupes de hardos broussailleux — tels que Bowie, Genesis P-Orridge, Jimmy Page, Hendrix ou les Beatles dont son visage apparaît sur la pochette de l’album « Sergeant Peppers’s Lonely Hearts Club Band » (dans laquelle Burroughs est également présent, tiens tiens).

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La vérité est ailleurs

Toujours dans sa fameuse trilogie — décrite à l’époque comme un « conte de fées pour paranoïaques » — RAW se réfère également aux Illuminati, un mot fourre tout aujourd’hui utilisé dès qu’il s’agit de théories de francs-maçons, de sionistes, de la CIA ou pires, de communistes. Il remarque notamment que l’œil dans la pyramide — visible sur le billet de un dollar US — était le symbole favoris de Crowley et que 2/3 équivaut à son nombre Magick : 0,666 répété indéfiniment.

En allant plus loin dans ses ruminations philosophico-mystiques, il prétend être entrer en contact avec Sirius un 23 juillet « en utilisant une batterie de techniques chamaniques et yoguiques » et qu’un contact entre la Terre et Sirius se serait produit un 23 juillet vers 4500 avant-JC suite à une série de rituels de prêtres égyptiens.

Le travail de la pensée, Elie Attali y croit mûre comme terre « Quand vous voyez des cancers déclenchés par un choc ou que vous pensez à une personne que vous n’avez pas contacté depuis des mois et qu’elle vous appelle ce jour-là. Tout ça, c’est la force de l’esprit ». Et quand je lui demande si la numérologie est du coup pour lui une science exacte, il me répond que « tout le travail du numérologue, c’est de voir si votre personnalité est en accord avec votre destinée. Mais ça marche mieux avec certains qu’avec d’autres. Je ne suis pas tout le temps dans le mille mais souvent dans ce cas là les gens me disent que c’est ce qu’ils voulaient faire jeunes ou qu’ils ont commencé les études pour mais ont arrêté ». Comme dans la religion — et accessoirement comme dans la chanson de Guy Marchand — il est finalement « inutile de fuir ou de lutter, c’est écrit dans notre destinée ».

Jésus mais j’avale pas

C’est vrai qu’à y regarder de plus près, religion et numérologie ont bien 2 ou 3 atomes crochus. Crowley par exemple qui — outre sa jeunesse au sein d’une famille protestante fondamentaliste — lors de ses voyages en Asie, s’est passionné pour le bouddhisme, le taoïsme et surtout le yoga. Des étapes initiatiques qui l’aidèrent à mettre au point son système de magie sexuelle qu’il appela ensuite Magick.
Pour l’expert Monsieur Attali : « Toute émotion a une vibration. Toute pensée a une énergie. C’est le même principe que le bouddhisme ». Lui est de confession juive, qui est elle même à l’origine de la numérologie. Pourtant, il concède qu’il y’a un « paradoxe dans la religion où il est interdit de prédire l’avenir alors qu’on parle de prophètes ».

600px-Sacred-Chao.svg(1)C’est certainement pour s’affranchir de ces dogmes poussiéreux et se moquer par la même occasion des paradigmes de notre société conservatrice, que Robert Anton Wilson ira jusqu’à fonder le discordianisme dans les années 50. Basée sur le chaos, cette nouvelle religion est en fait décrite comme un canular déguisé en religion et vice versa. Le texte fondateur, les Principia Discordia, écrit selon RAW par un dénommé Malaclypse le Jeune, fait figure d’anti-testament tant l’écriture y est absurde et facétieuse, un peu comme si on avait enfermé dans une même pièce Jésus, Mahomet et Moïseet qu’on les avait gavés de barbituriques. « Si la religion organisée est l’opium des masses, alors la religion désorganisée est la marijuana des marginaux » peut-on lire en introduction du livre.

La société discordienne, dont la définition est qu’elle n’a pas de définition, reçoit les ordres d’Eris, déesse de la Discorde dans la mythologie grecque. Celle du discordianisme elle — dans laquelle le Péché Originel est remplacé par le Snobisme Originel et la Pomme par un Hotdog — reconnaît le 23 comme nombre sacré. A l’inverse de beaucoup de religions qui cherchent à définir une harmonie ou un ordre concernant l’univers, le discordianisme cherche au contraire à faire accepter la discorde, le désordre et le chaos présents dans le monde comme étant, autant que l’ordre et l’harmonie, parfaitement naturels et désirables. Comme le disait divinement Nietzsche « Je vous le dis : on doit avoir le chaos en soi pour donner naissance à une étoile dansante ».

Si l’on voit bien que tout ceci est une affaire de (dé)goût, pourquoi donc cette obsession commune pour ce nombre 23 ? Est-ce la consommation de drogues dont tous ces hommes de lettre abusaient allègrement ? Ou une anomalie génétique affectant une des 23 paires chromosomiques ? On ne sait pas. En tout cas, j’ai compris que toutes ces choses là, on ne les explique pas mais elles sont là, tout autour de nous. Les chiffres, me disait le numérologue, « les chiffres ont une force, une énergie, qui n’est pas palpable. Comme les mots. La force des mots c’est comme la force des chiffres. Les mots, c’est comme une formule magique ». Les mots sont comme une religion dans laquelle ces auteurs là font figure de prophètes des temps modernes.

Pour plus d’infos sur le chiffre 23 (ou sur les nombres en général) : elie.numerologue@gmail.com

5 commentaires

  1. La liste des 23 pour la Coupe du monde. L’équilibre parfait du ballon rond pour un monde qui ne tourne pas rond.

  2. Je suis Chrétien évangélique mais suis conscient que la numérologie a du sens et que le nombre 23 a une certaine signification.
    Le verset Nombres 32:23 mentionné à la fin du film « Le nombre 23 » a tout son sens!

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