Vous n’allez peut-être pas le croire, mais on peut être un mec, un vrai - renifler les culottes en loucedé, se damner pour un tour de périph’ en Harley, cracher la fumée par le nez – et fondre pour le premier EP de Laure Briard, dignement intitulé : « Laure Briard Chante La France ». Et je suis très sérieux.

Vous êtes quelqu’un d’intelligent. Vous avez compris que « Laure Briard Chante La France » était le premier EP d’une meuf (Laure Briard donc) et qu’elle y chante ses histoires de bonnes femmes en français. Et méfiant comme vous êtes, vous avez tout de suite jugé bon de la ranger dans l’étagère « supercherie marketing & Pygmalion pop. » Erreur. Laure Briard, c’est même tout l’inverse : une pure production authentique du terroir. Au moins autant que le cassoulet, l’anisette et le Cachou Lajaunie puisqu’elle est de Toulouse. Elle est aussi la compagne du musicien Julien Barbagallo (Tame Impala, Aquaserge) et signée sur le label Tricatel. Voilà, après des présentations en bonne et due forme, rentrons maintenant dans le vif du sujet et anticipons les quolibets les plus railleurs : non, Laure Briard ce n’est…

…pas (que) pour les gonzesses

MD-img024Même si, dès le premier morceau, 180 pages, on peut s’y laisser prendre. 180 pages ? L’histoire d’une adolescente qui bouquine ses magazines féminins, bourrés de « sages conseils impudiques » et de « repères cosmétiques ». Briard s’y interroge : est-elle prête pour les discothèques ? D’une voix fragile, sur cette rengaine à danser le nez sur les escarpins, on l’imagine fourrée dans ses 20 ans. Elle se souvient, chante et… Bon ok, les références sont girly, à base de popopotins. Mais il faut avoir une bite à la place du cerveau pour ne pas saisir l’essence des couplets de Laure : la nostalgie, camarade ! Et la belle nostalgie, celle qui réchauffe et ramène les premières gouttes d’émois lacrymaux. Piste deux : 200 200. Flashback encore, en duo cette fois, Briard chante : « 200 années toutes derrière moi. Tant d’hiers, tant d’hiers… ». Et pan, en plein dans la tête du gosse comme disait mon père quand le repas de famille tournait vinaigre. Là encore, la baby doll des années 2010 trempe sa plume dans la mélancolie et en tirent ses portraits grands formats. Fashion Victim, raconte une romance (ou un plan cul, l’histoire ne dit pas tout) vue en caméra subjective, côté mec. Demain c’est l’été transforment vos souvenirs de vacances moisies chez mamie à la campagne en madeleines de Proust magiques. Tatoo, en rappel, rappelle pourquoi madame monte sur le même podium qu’une Alice Lewis. Dans votre baladeur, ces impeccables synthétiseurs, ces précieuses guitares ainsi qu’un kick tonique du tonnerre vous entraineront à une démarche des plus assurées, façons filles et garçons les plus populaires du lycée. Enfin, tels que vous les avez dans vos vieux souvenirs.

La thérapie par le pop

Back to the post-adolescence. Attention, ce qui suit est un récit fictif se déroulant à l’époque des nichons qui poussent. Laure est dans ma classe. Elle est au fond, derrière ses boutons, derrière les élèves moyens et juste à côté des cancres. C’est là que les professeurs placent les filles intelligentes, en pensant que c’est leur effacement gêné qui peut calmer les ardeurs des mongoliens. En réalité, ça les excite les mongoliens, mais l’Éducation Nationale est en retard sur les méthodes, que voulez-vous. Laure est nulle en maths, en physique, en garçons, quoique dans ce dernier domaine elle a les bases. Mais elle galère. Et c’est normal, les jeunes sont cons et aigris comme un mauvais mariage. Plus tard, elle se vengera de toute façon. Elle les marquera à vie ces bâtards. « Je tatoo les hommes, d’une encre noire et précise. Un à un je les abandonne à une folie indélébile. Des jours, des semaines passés à donner l’extase. Posséder à perdre haleine les corps prétentieux et tristes. » Rien à foutre des pétasses non plus. Elle les conchie elles aussi, avec leurs sacs Longchamp et leur morale de mamie, déjà pressées d’être vieille, bourgeoise et refaite. Le temps passe dans son lycée privé parisianiste et toulousain. Il passe très longtemps. 200 années peut-être. Et un beau jour de la vingt-sixième semaine, ça y est, c’est l’été. Laure Briard s’est muée. L’acné, subitement, a foutu le camp ; la timidité s’est transformée en une irrésistible froideur et la petite qui rougissait quand on lui faisait dire « camion »1 est devenue une belle gonzesse avec du recul, du bagout, et un goût tranché de la pop française de ses jeunes années. C’est l’été, Laure Briard se réveille et parle au chat. Elle a des histoires à raconter. Puis elle se lève et chante la France.

Laure Briard // Ep Laure Briard chante la France // Tricatel
http://laurebriard.fr/

1 Selon la célèbre blague où après qu’une femme a dit « camion », le blagueur (c’est plus généralement un bougre qu’une bougresse) pince les nénés de son interlocutrice et klaxonne avec sa bouche : « pouet pouet !»

5 commentaires

  1. Je viens de découvrir grâce à l’album « Sur la piste de danse » que j’ai emprunté à médiathèque de Villeurbanne, j’aime bien l’originalité des grilles d’accord (rare dans la pop) et la pureté de la voix. Le thème de cette chanson est original.

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