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En marge du Festival des Inrocks et des programmations plombées par les poupées pas encore dégonflées de l’outre-Manche[1], voici l’histoire secrète de La Roux, jeune fille perdue entre les buildings gris londoniens et le crépitement des flashs permanentés. La Roux, où quand la couleur rencontre une musique de garçons coiffeurs.

– « Putain mais qui m’a foutu une gourde pareille ? Toi, là-bas, apporte moi un café. Yes, a coffee pleeease »

– « What ? »

Jean-Baptiste M. n’en peut plus, presque cinq heures pour un shooting, c’est « presque 4H30 de trop, faut quand même pas déconner ». Engoncé dans sa doudoune couleur vert kaki, le photographe chauve n’en peut plus de la plante verte à pétales roux, du studio cheap de Camden, des radiateurs qui marchent une heure sur deux et des assistants qui comprennent pas « qu’un café c’est forcément deux sucres avec ». Seule dans son fauteuil, Elly Jackson souffle sur ses cheveux et regrette le temps du shopping chez TopShop. Ses mèches retombent rapidement sur le bout des yeux, aussi vite qu’un soufflet. En voilà un autre :

– « Hey machin, could you please turn right ? Don’t smile, yes, it’s anxiogene for the image ? No, not like this… »

– « What ? »

– « Putain on va jamais y arriver, y a un pas un traducteur dans ce studio de merde ? Cette fille est encore plus con que Britney. »

C’est pas un mauvais garçon Jean-Baptiste, il a déjà photographié les plus grands, les plus gros, les plus cons, les plus doués, déjà parcouru trois fois le globe et a arrêté de voler les serviettes des grand hôtels vers l’automne 1978, juste avant de devenir connu et de tripler ses prix. Ici, à Londres, devant ce gland multicolore au regard vitreux qui « serait bien capable de confondre sa tempe et sa nuque », Jean-Baptiste perd patience. Déjà six heures que JB use sa pellicule sur un objet de foire, même pas capable de simuler correctement. Avec La Roux, Jean-Baptiste tourne en rond.

– « Bon tu sais faire quoi avec ta voix, précisément ? Tu peux faire semblant de chanter ? Ca tu sais faire non ? Regarde l’objectif please»

– « Uh… what ? »

La fatigue aidant, le décalage horaire peut-être, c’est à cet instant, pour la première fois de sa carrière, que Jean-Baptiste aurait bien voulu enfoncer le pied de l’appareil dans l’arrière-train de la chanteuse d’opérette, lui lacérer la face avec un cutter à proximité et l’étouffer avec un parasol coincé au fond du gosier. « La ravager à coup de gloss aussi », pense Jean-Baptiste, en admirant Elly Jackson se refaire une beauté devant le miroir, comme si de rien n’était. D’ailleurs, il n’y a rien. Une jeune femme née en 1988, un bout de synthé qui traine, quelques paillettes au sol et une putain de barrière linguistique qui empêche le photographe d’expliquer à La Roux à quel point elle ne sert à rien dans le décor.

La Roux, ses cheveux ondulent quand elle marche, son regard fixe une ligne d’horizon à cheval entre le mystique et la stupidité, c’est le grand buzz 2009 et une session photo trafiquée pour faire bander la lolita Jacques Dessange et les pédales bicolorées de chez Tony & Guy. A 4000 € la séance photo, Jean-Baptiste M. n’a plus vraiment de temps à perdre avec le flamand roux :

– « OKAY… so, do you know Low from David Bowie ?

– « Who ? »

-«  Bowie, Ziggy Stardust, Let’s Dance, do you know ?

– « Oh yes, I know ».

– « Thanks god. So you’re gonna look forward without any feeling, like if you was a cow lost in the city. Could you make it ? We’re gonna améliorer tout ca with Photoshop after.. »

– « Ok yes. And I love Photoshop too ».

Au royaume des incultes, les miracles existent aussi. Il est presque 20H à Londres, le buzz est dans la boite et les clichés prêts à être envoyés à toutes les rédactions. Jean-Baptiste rentre à l’hôtel downtown, demain, une autre journée, d’autres photos, des posters avec son nom en bas, des milliers d’albums de la Loana du synthé (il a trouvé la formule amusante, en prenant le taxi pour l’hôtel) chez tous les disquaires et la gueule en papier glacé de l’autre dans tous les journaux. « Si c’était pas pour payer les impôts et l’ISF, je me serais bien abstenu ». Au moment de claquer la porte du taxi, Jean-Baptiste pose une dernière question à l’assistant surdiplômé, plus pour se rassurer que pour entendre la réponse :

– « Et au fait, on shoote qui demain ?»

– « Well…uh… Ebony Bones.. »

– « Et merde…. »

www.myspace.com/larouxuk


[1] Amanda Blank, Little Boots, Bat for Lashes, Ebony Bones, La Roux… triez les dindes, égorgez les poulettes.

 

11 commentaires

  1. « et une putain de barrière linguistique qui empêche le photographe d’expliquer à La Roux à quel point elle ne sert à rien dans le décor »

    C’est à l’artiste où au photographe ‘international’ de savoir parler anglais/français/whatever? j’ai pas bien compris… à 4000e la scéance, il doit pouvoir faire un effort plutot que de rêver à une sodomie sauvage avec son trépied.

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